Critique – Asphalte

Asphalte réalisé par Samuel Benchetrit sortira en salles le 7 octobre prochain. C'est son 5ème film. Il a été présenté au festival de Cannes en mai dernier. Inspiré de certaines de ses célèbres chroniques, Samuel Benchetrit nous plonge dans le quotidien - ou presque - d'une banlieue différente, loin des clichés. Voici notre avis.

Asphalte c'est le quotidien ou presque des habitants d'une barre HLM. Un ascenseur en panne, des rencontres insolites, la solitude, la solidarité et l'entraide.

Asphalte, trois rencontres, trois couples, six personnages.

Le premier plan : une cité glauque démolie en partie. Une réunion dans un appartement. A l'ordre du jour, le vote du remplacement de l'ascenseur toujours en panne. Tout le monde est pour, sauf M. Sternkowtiz (Gustave Kervern). Forcément, il habite au 1er étage ! Les habitants paieront l'ascenseur et accepteront que M. Sternkowtiz ne participe pas à la dépense à la seule condition qu'il n'utilise jamais l'ascenseur. Petite avarice qui lui coûtera cher. En effet, à la suite d'un accident de vélo, M. Sternkowtiz se retrouve cloué dans un fauteuil roulant. Ce n'est que la nuit, lorsque les autres locataires dorment, qu'il utilisera l'ascenseur pour aller s'acheter de quoi se nourrir. Les commerces étant fermés, c'est à l'hôpital qu'il se rendra, plus précisément au distributeur de friandises qui lui fournira les calories dont il a besoin pour survivre. C'est ainsi qu'il rencontrera une infirmière de nuit épuisée par la vie (Valéria Bruni Tedeschi). Première rencontre.

Charly (Jules Benchetrit, le fils que Samuel Benchetrit a eu avec Marie Trintignant) est un ado comme les autres ou presque. Il vit avec sa mère qui le délaisse et qu'il ne voit jamais. Charly est seul du matin au soir, jusqu'au jour où une femme emménage sur son palier. Elle l'intriguera, puis ils feront connaissance. Jeanne Meyer (Isabelle Huppert), actrice des années 80, est une naufragée de la vie. Qui est Antoine, qu'elle a perdu? Son fils ? Toujours est-il que Charly l'aidera à tout mettre en œuvre pour qu'elle travaille de nouveau et décroche un rôle. Deuxième rencontre.

John McKenzie (Michael Pitt) est un astronaute américain tombé du ciel. A la suite d'une erreur de calcul de la NASA, voici qu'il atterrit sur le toit de l'immeuble. Complètement paumé, il sera recueilli par Madame Hamida (Tassadit Mandi), une bonne mère maghrébine dont le fils est en prison. John McKenzie ne parle qu'américain, Madame Hamida que français. Pour autant, ils se comprendront parfaitement. Le temps que la NASA localise son astronaute et le rapatrie, John McKenzie découvrira les délices du couscous et du thé à la menthe. Madame Hamida, elle, maternera. Troisième rencontre.

Asphalte, c'est trois rencontres entre trois femmes et trois hommes, mais Asphalte c'est surtout trois chutes. Au-delà de ces destins croisés et parallèles au sein d'une barre HLM, Asphalte c'est une ambiance de banlieue bien différente de celle que l'on nous sert habituellement.

Asphalte, un autre regard sur la banlieue

La banlieue, il la connaît Samuel Benchetrit. Il y a vécu et il l'a écrite. Rappelez-vous, les Chroniques de l'asphalte, c'est lui. Pour ceux qui comme moi, les ont lues, il est patent que Samuel Benchetrit n'a pas souhaité adapter son livre au cinéma, il s'en est juste inspiré. A ce titre, seules deux des rencontres du film sont issues de son livre. La rencontre entre Charly et l'actrice Jeanne Meyer a été écrite pour les besoins du film. Point de violence dans Asphalte. Il y a bien deux branleurs qui glandouillent au bas de l'immeuble fumant leur joint, mais pas d'agression, pas de bagarre, pas de paroles déplacées. Samuel Benchetrit a souhaité montrer que les habitants de la banlieue pouvaient aider des gens paumés à se relever, qu'elle sait être solidaire. Il est vrai qu'il y a tout cela dans Asphalte. Ce film est même un brin poétique. Les plans serrés n'y sont pas pour rien. Ils rendent les personnages particulièrement humains et touchants. Samuel Benchetrit dit avoir voulu filmer serré pour contrecarrer le décor de cette barre horizontale. Il faut bien reconnaître que ces plans mettent en exergue le jeu des acteurs qui ont, par ailleurs, peu de dialogues. Et côté acteurs justement, rien à redire, ils sont tous sublimes. Valéria Bruni Tedeschi incarne à la perfection cette infirmière épuisée, Isabelle Huppert crève l'écran comme à l'accoutumée, et Jules Benchetrit est un talent à suivre dont on parlera. Asphalte est l'occasion de poser un autre regard sur la banlieue. La banlieue que nous montre Samuel Benchetrit peut être datée des années 80 tout comme des années 2015. La temporalité du film est difficilement identifiable. Certes, il y a bien une affiche de Piège de cristal ou un walkman jaune qui côtoient des DVD de films d'aujourd'hui sans compter cet instamatic avec son cube de flashes, un vrai retour en arrière parfois. Ce mélange a été voulu par Samuel Benchetrit, parce que quand il se rend aujourd'hui dans la cité où il a grandi dans les années 80, il ne se sent pas dépaysé. Samuel Benchetrit pose un regard tendre sur la banlieue qu'il a connu dans les années 80 et cela se ressent dans son film.

Au final, bien que parfois amusant, parfois touchant, Asphalte ne sera pas le film de l'année. En dépit d'un très bon casting, il y a de mon point de vue trop de longueurs et parfois il ne se passe pas grand chose. Au film, je préfère de loin les livres, ça tombe bien ils sont de Samuel Benchetrit.

La bande-annonce ici.

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