ASPHALTE (Critique)

ASPHALTE (Critique)ASPHALTE (Critique)SYNOPSIS: Un immeuble dans une cité. Un ascenseur en panne. Trois rencontres. Six personnages. Sternkowtiz quittera-t-il son fauteuil pour trouver l'amour d'une infirmière de nuit ? Charly, l'ado délaissé, réussira-t-il à faire décrocher un rôle à Jeanne Meyer, actrice des années 80 ? Et qu'arrivera-t-il à John McKenzie, astronaute tombé du ciel et recueilli par Madame Hamida ?

Samuel Benchetrit a commencé par écrire avant de tourner son premier long métrage puis d'à nouveau écrire et d'alterner depuis écriture et cinéma. Cela fait de lui un cinéaste un peu atypique, que l'on ressent plus émotionnel que technique. Le cinéaste nous expliquera qu' Asphalte est plus inspiré qu'une réelle adaptation de ses recueils de nouvelles Chroniques de l'Asphalte. Il souhaité surtout parler dans ce film de rencontres et de langage. Ces personnages qui se croisent et vont dépasser leur différences de langage pour se découvrir. Les trois histoires se rejoignent également sur l'absence de la mère. Mère fantôme pour Charly, le personnage interprété par Jules Benchetrit fils du réalisateur, mère disparue pour le personnage de Gustave Kerven et mère inutile pour Tassadit Mandi, comédienne non professionnelle qui incarne cette mère dont le fils est en prison. Trois destins qui vont changer en quelques jours. Samuel Benchetrit joue l'unité de temps et l'unité de lieu. Dans cet immeuble à moitié détruit qu'il a été cherché jusqu'en Alsace, le réalisateur place ses personnages quasiment comme dans un décor de théâtre. Difficile de savoir si cette cité sans habitants et sans vie est un choix artistique ou une contrainte de production. Car de ce fait le film en devient assez onirique. Presque rien ne relie ses personnages à un réel reconnaissable. Des couloirs déserts et une porte pour un hôpital, des parkings vides, rien ne vit sauf les personnages. Ajouté à cela un format en 4/3 que Samuel Benchetrit a voulu car il savait qu'il allait filmer des couloirs, des portes et que le format traditionnel du scope serait pour le coup plus un handicap qu'un atout.

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La forme du film est assez réfléchie, pas extrêmement innovante mais elle a le mérite de servir un propos et surtout les acteurs qui composent la galerie de personnages de cette chorale qui ne se croisent jamais. En effet les couples formés n'ont aucune interactions entre eux et ce sont leurs histoires qui résonnent mais leurs destins restent eux très séparés. Si Samuel Benchetrit souhaite comme il l'explique, montrer une image plus poétique de la banlieue et des quartiers difficiles, lui même venant de la banlieue sud de Paris, il est difficile de raccrocher ce film à une quelconque réalité ou même à une époque, le réalisateur s'amusant à distiller des références culturelles datées et presque contradictoires, des images d' Isabelle Hupert très jeune, un soap américain intemporel, des affiches de films des années 80, etc... Même si la réalisation ajoute un sens au film, on retrouve à l'instar d' Un début prometteur un film ou les comédiens sont mis en avant. Avec peu de dialogues, chacun y trouve un personnage évident et qui oscille souvent entre le rire et le quasi drame. Gustave Kerven joue la carte de l'humour qu'on lui connait bien mais laisse percer face à Valeria Bruni Tedeschi une émotion surprenante. Le duo entre Michael Pitt et Tassadit Mandi est certainement le plus émouvant grâce à ces deux personnages ne parlant pas la même langue et ne vivant carrément pas dans le même monde et qui vont se trouver à travers des moments de vie simples. Et puis Isabelle Hupert qui est évidemment impeccable et qui se retrouve face à Jules Benchetrit la vraie révélation du film. Avec son visage d'ange, dont la finesse des traits nous rappelle qu'il est le fils de Marie Trintignant, il dégage une vitalité rafraichissante. Son père nous a raconté qu'il n'avait pas forcément envie de tourner avec son fils mais que le producteur a tenu à lui faire passer des essais, convaincu que Jules était celui qu'il fallait et qu'au final il s'était avéré être très doux et très positif sur le tournage. Et il s'est amusé à nous raconter que sa première scène avec Isabelle Hupert est celle de leur rencontre ou il ne porte qu'un slip et que cela n'était pas évident mais qu'il a été à la hauteur. Une autre scène ou il filme le personnage d' Isabelle Hupert a été retravaillée sur le tournage en collaboration entre la comédienne, le comédien et le réalisateur.

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Il est amusant de voir que pour un romancier/cinéaste comme Samuel Benchetrit, inclue une dimension méta à travers la citation ou l'apparition de films, de livres ou de séries télévisés. Gustave Kerven en parodie de Clint Eastwood dans Sur la route de Madison, Isabelle Hupert tour à tour actrice de cinéma et de théâtre, le réalisateur a précisé qu'il considérait la télévision comme s'étant beaucoup inspiré du cinéma et avec brio, en nous citant Fargo et Gomora, et que le cinéma devait lui aussi plonger dans des références à lui même ou à d'autres formes d'expression. Asphalte est un bel objet. Si parfois on peut trouver la forme un peu maniérée dans un style qui oscille entre artificiel et décalé, il n'en reste pas moins un film avec un propos clair, une belle poésie et surtout une pléiade d'acteurs très justes et souvent surprenants.

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ASPHALTE (Critique)EXCELLENT