Rosemary's Baby (La naissance de l'Antéchrist)

Par Olivier Walmacq

genre: horreur, épouvante (interdit aux - 12 ans)
année: 1968
durée: 2h16

l'histoire : Malgré les conseils de leur vieil ami Hutch, Guy Woodhouse et sa jeune femme, enceinte, s'installent dans un immeuble new-yorkais vétuste, considéré par leur ami comme une demeure maléfique. Aussitôt, leurs voisins, Minnie et Roman Castevet, vieux couple d'Europe centrale, imposent leur amitié et leurs services. Si Guy accepte facilement ce voisinage, Rosemary s'en inquiète. 

La critique :

On ne présente plus Roman Polanski, un réalisateur, producteur et scénariste franco-polonais désormais reconnu dans le monde entier. On lui doit plusieurs classiques du noble Septième Art : Le Locataire, Répulsion, Le Bal des Vampires, Chinatown, Tess, ou encore Le Pianiste. Vient également s'ajouter Rosemary's Baby, sorti en 1968. Certains fans du cinéaste considèrent Rosemary's Baby comme un film prémonitoire à la trajectoire funeste.
En effet, il est question ici d'une secte satanique. Peu de temps après le tournage du film, Sharon Tate, la femme de Roman Polanski, enceinte de huit mois, est assassinée par des adeptes de la secte de Charles Manson, un tueur en série tristement célèbre. A l'origine, Rosemary's Baby est l'adaptation du best-seller éponyme d'Ira Levin.

Repéré par Robert Evans, un producteur, Roman Polanski est contacté par la Paramount pour réaliser son premier film hollywoodien. Au moment de sa sortie, Rosemary's Baby est unanimement salué et plébiscité par les critiques et la presse cinéma. Le film asseoit définitivement la notoriété de Roman Polanski. Au niveau de la distribution, le long-métrage réunit Mia Farrow, John Cassavetes, Ruth Gordon, Sidney Blackmer, Maurice Evans, Ralph Bellamy, Angela Dorian et Charles Grodin.
Rosemary's Baby obtient même plusieurs récompenses, entre autres, l'Oscar de la meilleure actrice pour un second rôle pour Ruth Gordon, et le prix David di Donatello. Pour la petite anecdote, c'est Mia Farrow elle-même qui chantonne le générique (de début et de fin) du film.

Pour le rôle de Guy Woodhouse, plusieurs grandes stars seront approchées : Robert Redford, Richard Chamberlain, Jack Nicholson et Warren Beatty. Finalement, John Cassevetes leur est préféré. Rosemary's Baby sera même suivi par un téléfilm, Qu'est-il arrivé au bébé de Rosemary ?, réalisé par Sam O'Steen. Attention, SPOILERS ! Un jeune couple, Rosemary Woodhouse et Guy Woodhouse s'installe, pour un loyer modique, dans un spacieux appartement de la célèbre maison Bramford, un vieux bâtiment de Manhattan assez inquiétant du fait de la réputation sinistre de certains résidents d'autrefois.
Rosemary est une femme heureuse, qui se consacre totalement à sa maison et à son mari dont elle souhaiterait avoir un bébé.

Guy, de son côté, voudrait devenir une star mais sa carrière peine à démarrer. À la suite de circonstances bizarres, les Woodhouse deviennent amis avec Roman et Minnie Castevet, un couple d'âge avancé, qui vit au même étage qu'eux et qui se transforme en « parents » de substitution à l'égard de Rosemary et Guy. Une nuit, Rosemary a des hallucinations et fait un cauchemar.
Elle a rêvé qu'elle était violée par le diable en personne. Au réveil, Guy présente ses excuses pour lui avoir fait l'amour pendant qu'elle était inconsciente. Elle découvre peu après qu'elle est enceinte. Avec Rosemary's Baby, Roman Polanski replonge dans les dynamiques de Répulsion, un huis clos anxyogène où il était question aussi de dissociation mentale et de paranoïa sous forme de complot.

Roman Polanski confère à ce futur accouchement une aura très particulière. La nouvelle parturiente vit sa grossesse comme un chemin de croix intérieur. Dans un premier temps, Roman Polanski place Rosemary dans un environnement exigu, étroitement surveillé et en proie à des événements étranges. Des voisins de pallier qui annônent de longues mélopées au cours de la nuit, un mari qui change subitement de comportement et qui semble pactiser avec d'autres locataires, un gynécologue pernicieux et fallacieux... Bref, autant d'éléments qui vont concourir à créer cette sensation de malaise.
A contrario, Roman Polanski cherche parfois à sortir son héroïne de cette ambiance claustrophobe et malsaine. Ainsi, le réalisateur propose plusieurs séquences se déroulant en extérieur.

Mais à nouveau, Rosemary se sent oppressée, épiée et presque claquemurée, à l'image de cette séquence se déroulant dans une cabine téléphonique. Peu à peu, Roman Polanski pose le doute sur la bonne santé mentale de son personnage principal : paranoïa, hystérie ou simple dépression liée à la grossesse ? A cela, s'ajoute une dimension onirique, maléfique et fantasmagorique.
Roman Polanski plonge le spectateur en plein cauchemar et présente une héroïne en état de transe. Dans ce rêve étrange, il est question d'une secte satanique célébrant la fin du monde. Rosemary est attachée puis violée par une bête aux yeux vairons et démoniaques. Encore une fois, le film se veut énigmatique. Mieux encore, Rosemary's Baby s'apparente à un film eschatologique où il est question de l'Antéchrist et donc de la fin du monde.

Dans Rosemary's Baby, la tension monte crescendo. Que ce soit dans son appartement ou à l'extérieur, l'héroïne est constamment opprimée, même à l'intérieur de son propre corps. En ce sens, Rosemary's Baby apparaît également comme un film traitant de la féminité et de la maternité. Pour l'héroïne, la grossesse devient un long chemin escarpé aux contours déformés, lancinants et exacerbés.
Quant au fameux rejeton, il semble lui aussi imperceptible, presque invisible... Tout du moins jusqu'à la révélation finale, dernier uppercut en pleine poire d'un thriller énigmatique, qui oscille entre l'épouvante et le fantastique. L'air de rien, Rosemary's Baby aborde nos peurs et nos angoisses les plus archaïques, celles qui sont profondément enfouies dans notre cerveau reptilien.
Bref, ce thriller horrifique a bien mérité son statut de classique du cinéma.

Note : 19/20

 Alice In Oliver