Au cinéma : «Everest»

Dieu sait que le cinéma raffole des histoires vraies. Encore plus lorsque celles-ci viennent d’hommes qui ont repoussé les lois physiques de la nature pour survivre et racontent leurs péripéties. C’est le cas d’Everest, nouvelle production du réalisateur Baltasar Kormakur, qui pousse le spectateur à vivre dans l’une des zones les plus dangereuses du monde : L’Everest. Le film peut-il devenir le survival de l’année ?

Synopsis: Inspiré d’une désastreuse tentative d’ascension de la plus haute montagne du monde, Everest suit deux expéditions distinctes confrontées aux plus violentes tempêtes de neige que l’homme ait connues. Luttant contre l’extrême sévérité des éléments, le courage des grimpeurs est mis à l’épreuve par des obstacles toujours plus difficiles à surmonter alors que leur rêve de toute une vie se transforme en un combat acharné pour leur salut.

Everest est un film qui ne payait pas forcément de mine au vu de ses bandes-annonces. Avec des situations vues et revues, il aurait été difficile, malgré la forte histoire dont s’inspire le long métrage, de pouvoir marquer l’année avec ce survival. Pourtant, le film se voit être une véritable surprise grâce à des efforts de mise en scène et à quelques moments de tensions. Malheureusement, le scénario laisse de marbre face aux événements que subit le spectateur. On est intrigué de découvrir l’histoire de ces hommes qui ont bravé le plus haut sommet du monde, mais il faut dire que le film est construit sur une structure linéaire avec des checkpoints (qualifiant les camps de repos). Entre chaque checkpoints, il y aura des péripéties diverses pour enrichir l’aventure. On suivra la même structure scénaristique ce qui nous laisse très peu de surprise et ce qui permet aussi d’anticiper certains événements du film.

Si on a tendance à avoir déjà vu les quelques situations de survie, l’écriture des personnages n’arrive pas à convaincre les spectateurs. Dans les lignes, on sent qu’ils ressemblent aux hommes qui ont tenté l’ascension du mont, mais d’un autre côté, on arrive difficilement à s’attacher à eux. En fait, le peu de rebondissements du film nous incite à ne pas avoir d’empathie pour les personnages, puisque l’on devine à l’avance quel est le destin qui leur est réservé. Si l’écriture du film est convenable et loin d’être exceptionnelle, c’est avant tout dans sa mise en scène et sa réalisation que le film arrive à s’en sortir.

En effet, la mise en scène de Kormakur pousse le spectateur à être privé d’oxygène. Dans ce sens, le film propose de très jolis panoramiques pour laisser souffler le spectateur à l’occasion des camps de repos, mais lorsqu’il faut de nouveau franchir une étape, il est enfermé avec les personnages. Le réalisateur prend soin de ne laisser que très peu d’espace ce qui annihile toute possibilité de respirer. On subit chaque difficulté avec les personnages, ce qui nous permet de nous intéresser à l’action de l’écran. Pour accentuer tout ça, Baltasar Kormakur adopte une mise en scène lente qui s’accorde avec l’ascension des grimpeurs. Il y a toujours cette idée d’atteindre le sommet et il faut avouer que lorsque la caméra suit cet objectif-là, elle développe quelques idées. Toutefois, cette mise en scène lente et posée ne plaira pas à tous et il se peut que l’on se détache de l’action par moment. Mais le réalisateur s’accorde à ne pas rester contemplatif et propose rapidement quelques moments de tensions afin de ne pas laisser le spectateur s’endormir. Everest est une sorte d’hybride entre quelques plans assez beaux sur le sommet le plus haut du monde, tout en conservant des passages axés sur l’action.

Et puisqu’il faut en parler, la 3D sert aussi à l’immersion du spectateur. Sa présence renforce quelques scènes insistant sur la profondeur de champ. Malheureusement, elle ne reste exploitée que lors des scènes sur la montagne et aurait mérité à offrir plus d’ampleur par la suite afin de provoquer plus de frissons chez le spectateur qui doit accompagner les personnages.

En terme de montage, le film opte pour du parallèle montrant à la fois des séquences sur la montagne, par conséquent l’ascension des personnages, et des séquences sur le camp de base. L’idée étant de montrer ce qu’il s’est passé à chaque point de vue de l’histoire. Car finalement, le film opte pour beaucoup de points de vue différents ce qui force le casting à être sous exploités. En effet, certains personnages n’apparaissent qu’à certains moments et les acteurs devant jouer leur rôle se retrouvent à faire le strict nécessaire. Finalement, il y a cette impression de ne voir qu’une partie de l’iceberg sans en voir la partie submergée. Il manque donc cette avalanche de frissons qu’aurait pu procurer l’expérience si elle avait été franchement au bout de ses idées. Toutefois, les rôles les plus marquants restent Jason Clark, Josh Brolin ou encore Jake Gyllenhaal pour qui le film s’attarde à leur accorder de l’importance. Le reste du casting fait acte de présence et se contente du job que propose le film.

En terme de bande-sonore, le film opte sur deux directions. D’un côté, elle tente de porter le drame sans pour autant forcer les larmes, tandis que de l’autre, elle tente aussi d’apporter l’espoir de survivre. Tout en ajoutant des séquences sans musique où la tempête prendra le dessus pour enfermer le spectateur avec les personnages. Ce travail sur le son renforce une bonne immersion et l’invite à comprendre les difficultés qu’éprouvaient les personnages. Une idée qui n’apporte pas l’oscar de la meilleure bande sonore, mais qui fait correctement le boulot pour un film du genre.

En somme, Everest est une ascension glaciale qui se laisse porter à la fois par sa mise en scène anxiogène et par ses quelques séquences de tensions. Toutefois, si l’expérience peut s’avérer immersive grâce à la nouvelle technologie, il manque au film une véritable volonté de transcender le récit qu’il transpose à l’écran. Le réalisateur se contente de l’histoire de base et n’arrive pas à nous émouvoir, même s’il arrive à proposer quelques moments de grâce portés surtout par un travail sur le mixage sonore. Il en découle le fait qu’Everest est une bonne expérience, décevante par moment, mais qui pourrait surprendre par ses quelques choix de mise en scène.

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Everest. De Baltasar Kormakur. Avec Josh Brolin, Jason Clarke, Jake Gyllenhaal, John Hawkes, Robin Wright, Emily Watson, Michael Kelly, Keira Knightley, Sam Worthington, …

Sortie le 23 septembre 2015.