Empathie

Par William Potillion @scenarmag

D’où vient l’empathie que nous éprouvons pour les personnages de fiction ? Imaginons que nous ayons créé un personnage : Jeanne. Ce sera notre héroïne dont l’histoire conte sa destinée. Un destin qui sera en jeu dans les combats qu’elle devra mener. Ces batailles (quelles que soient les formes qu’elles prennent) donnent aussi le ton de l’histoire et l’intérêt du lecteur envers ce qui arrive à Jeanne.Que Jeanne soit une bonne personne ou non, cela importe peu dans le lien empathique que doit créer l’auteur entre son personnage et le lecteur. Ce qui importe est que le lecteur établisse une connection avec le personnage, qu’il ait envie qu’il réussisse.

Quels sont les éléments qui vont permettre cette relation privilégiée entre l’auteur et le héros ?
Dans le cas de Jeanne, celle-ci pourrait être une fille sexy. il ne s’agit pas de muflerie de notre part, mais cet aspect physique peut orienter le premier contact (entre une princesse et une sorcière, la sympathie est généralement tournée vers la princesse). Sans sombrer dans le stéréotype, il faut bien reconnaître que dans un script l’habit fait le moine (peut-être parfois aussi pour leurrer le lecteur sur les véritables motivations du personnage).

Dans le même ordre d’idées, la présentation du personnage ou ses pérégrinations peuvent révéler des compétences et des talents hors norme. Lorsque le lecteur identifie chez le personnage un talent qu’il lui envie, nous sommes déjà sur la voie d’une reconnaissance. Il suffit de comparer deux personnages, l’un équipé d’une aptitude particulière et l’autre non, pour que l’attention du lecteur soit immanquablement attirée par celui qui sort de la triste banalité du quotidien. Le lecteur baigne dans un tel quotidien, lorsqu’il lui est proposé de s’évader de cette réalité, il saisit l’opportunité. C’est une astuce intéressante pour préparer le terrain envers le personnage principal. Même réaction lorsque votre personnage fait des choses impressionnantes. Il sort de l’ordinaire et c’est cela qui compte.

Parfois, un narrateur ou des personnages secondaires désignent le personnage qui méritera l’intérêt du lecteur. Ils agissent comme une loupe grossissante pour distinguer un personnage particulier ou bien c’est la situation initiale qui va mettre en avant le personnage que vous aurez choisi  comme votre héros.

Cependant, il est aussi nécessaire de préparer votre héros avec des détails qui rappellent qu’il possède aussi les faiblesses de tout être humain. Souvent, le personnage n’a pas conscience des défauts majeurs dans sa personnalité et il ne semble pas en souffrir. Mais ils influent sur son comportement, ses attitudes et ses prises de décision. D’ailleurs, l’arc dramatique du héros au cours de son aventure consistera souvent pour lui à surmonter la faiblesse majeure qui caractérise sa personnalité.

Donc, notre personnage Jeanne aura une personnalité construite autour de qualités humaines qui peuvent être positives ou négatives. D’ailleurs, ce jugement peut varier selon les cultures ou même les individus. C’est à l’auteur de choisir les valeurs sociétales qui illustrent le mieux la personnalité de son personnage.
Maintenant, l’idée n’est pas tant de faire vivre à Jeanne des moments difficiles, de jeter sur son chemin des épreuves. Ce qui va rendre Jeanne si attachante aux yeux du lecteur est le jeu qui va s’opérer en elles entre les qualités humaines qui la caractérisent. Est-ce que la part d’ombre (dont elle n’a probablement pas conscience) l’emportera sur les valeurs qui font que nous aimons Jeanne ?
Est-ce que Jeanne remportera ce combat qu’elle se livre à elle-même ?
car seule sa part d’ombre est capable de la mettre à terre bien plus que l’adversité. Ce ne sont pas les épreuves, ni les tourments qui la mettent en danger mais bien comment elle va gérer ces moments (d’ailleurs tout comme elle gère les moments de joie et de bonheur).
Bien que les actions et réactions d’un personnage le définissent aux yeux d’un lecteur, celles-ci dépendent entièrement de sa personnalité. Une personnalité dont vous êtes le maître d’œuvre en tant qu’auteur.

Si la connection entre Jeanne et le lecteur est établie, une des raisons les plus fortes qui nous font aimer Jeanne est bien ses faiblesses. C’est lorsque Jeanne est vulnérable qu’elle est humaine. C’est cette humanité que nous ressentons lorsque nous nous identifions à Jeanne (par des traits de sa personnalité, par les situations qu’elle vit, ne serait-ce que par des bribes d’expériences que nous reconnaissons chez elle, que nous avons déjà vécues ou du moins par certains aspects approchants).
Ces défauts chez Jeanne qui mettent le lecteur à portée d’esprit de Jeanne  sont ce qui lui permet de comprendre que Jeanne doit prendre conscience de ses défauts pour devenir une meilleure personne. C’est ainsi que l’auteur justifie l’arc dramatique de son personnage principal. L’arc dramatique n’est en fait que l’évolution en mieux de la personnalité d’un personnage et même si la conclusion de l’histoire aboutit à la mort d’un personnage, cette mort sera le plus souvent considérée comme une rédemption.

Une chose est sûre cependant. Si vous glorifiez trop votre personnage principal, votre lecteur aura tendance à reporter son affection sur des personnage secondaires.
Considérons Buffy, par exemple. Elle connaît de nombreuses tribulations au cours de la série mais elle est un personnage très admiré par ceux qui l’entoure, elle possède des talents et des aptitudes impressionnants et fait rarement une erreur fatale. C’est probablement une des raisons qui fait que de nombreux fans lui préfèrent Spike, le malheureux et languissant vampire.

Le côté sombre d’un personnage devrait se maintenir jusqu’au climax, ne pas être résolu avant celui-ci. C’est en effet lui qui alimente le conflit interne du personnage. C’est cet aspect de la personnalité du personnage que le lecteur espère voir vaincu à la fin de l’histoire, mais pas avant parce que le personnage perdra à coup sûr beaucoup de son sel.