[Critique] – « Un début prometteur » : Vertiges d’amour

Par Victorvandekadsye @BrouillonsCine

Qu'il est difficile, en France, de se mettre à la comédie de nos jours, tant elles sont sans réelle audace et sans réels partis pris. Aujourd'hui, rares sont celles qui sortent du lot par leurs qualités plutôt que par le nombre d'entrées qu'elles font au cinéma. On pourrait regretter les comédies d'autan, où on misait plus sur le scénario que sur le casting, certaines arrivant à mêler les deux à la fois. Mais il ne faut pas être mauvaise langue car des comédies arrivent tout de même à réussir leur pari, même si le parcours est périlleux.

Après avoir gagné le César du meilleur court-métrage pour La Femme de Rio, Emma Luchini revient à la réalisation, pour son second long-métrage, en adaptant le roman de Nicolas Rey, avec qui elle avait réalisé le court-métrage précédemment évoqué. Et, une fois n'est pas coutume dans le cinéma français, la réalisatrice nous propose une comédie sur la famille avec en guest star Manu Payet et son père, le seul et l'unique, Fabrice Luchini. Et une fois n'est pas coutume, Un début prometteur s'enlise dans une certaine facilité décrédibilisant toutes les vaines tentatives d'originalité.

Emma Luchini nous conte une (des?) histoire(s) d'amour, frôlant avec le triangle amoureux. Deux frères ( Manu Payet et Zacharie Chasseriaud) une femme ( Veerle Baetens) se cherchent alors qu'au second plan un père est désarçonné par une rupture ( Fabrice Luchini). La réalisatrice se perd dans des faits superflus, qui ne sont là que pour meubler, comme si l'amourette du jeune garçon de 19 ans est trop faible pour tenir 1h35. La course de lévrier ne nous révèle pas grand chose sur les personnages. Une jeune femme joueuse ? Peut-être. Faut-il en conclure que son jeu continue dans son affinité avec les deux hommes ? Emma Luchini laisse perplexe le spectateur sur les réelles intentions du film. Mais on sent tout de même une motivation, celle d'émouvoir et de montrer une certaine douceur dans un monde de brut, notamment lors du mariage. L'interprétation de Veerle Baetens de la chanson " Mes hommes " de Barbara transporte, même si beaucoup moins que l'originale. Mais sur la forme, cette scène est ratée, car elle n'émeut pas et nous laisse simplement voir une femme chanter un amour à trois hommes, cela sans aucune émotion, comme si tout est censé passer par les acteurs. Emma Luchini aurait du faire des choix esthétiques mettant mieux en valeur ses acteurs, ce qui aurait transporté les spectateurs, mais malheureusement, le résultat est fade et commun. Commun à des dizaines de déclarations d'amour que l'on a déjà pu voir au cinéma de ces dernières années.

Hasard du calendrier, le film ne peut que nous rappeler le récent Les Deux amis de Louis Garrel, avec des scènes aux schémas identiques. Lequel retenir ? Les Deux amis, et de loin, ce dernier étant porté par un casting délaissant le jeu pour se cantonner à un naturel de " vrais potes ".

La direction d'acteurs d'Emma Luchini a ce quelque chose de très théâtral. Un jeu moins naturel, plus forcé, où l'on peine à trouver de réelles émotions. Ainsi, Veerle Baetens et Zacharie Chasseriaud ne sont pas toujours des plus crédibles, surtout lors de leurs différents flirts. Toutefois, faire tourner Fabrice Luchini s'avère être une valeur sûre. Cet homme a ce je-ne-sais-quoi qui passionne, ou qui désespère, mais il est impossible de lui reprocher son jeu, qui s'adapte à toutes les situations. De son côté, Manu Payet, en gros barbu avec des cheveux made in Tarzan, a changé et grandit, tout en continuant de nous faire sourire, voire rire. Radiostars lui a permis d'exploiter de nouvelles ressources et de ne plus se cantonner à cette image d'humoriste qu'il renvoyait, malgré lui.

Au final, " Un début prometteur " se voit légèrement sauvé par une partie du casting, mais son classicisme et son manque d'ambition lui font défaut.

Zoran Paquot