Un antagoniste proteiforme

Par William Potillion @scenarmag

Un antagoniste à la hauteur est l’élément dramatique pour écrire une fiction qui tienne la route. Une précision cependant doit être faite : Tous les antagonistes ne sont pas obligatoirement les méchants ou méchantes de l’histoire.Même la télévision réalité a besoin de mettre en place un antagonisme pour capter l’attention des téléspectateurs. L’antagonisme généralement personnifié installe conflit et opposition dans une histoire.

Considérons Le Fugitif de Jeb Stuart et David Twohy, d’après les personnages créés par Roy Huggins, le but de Richard Kimble est de trouver le meurtrier de sa femme, le but de l’U.S. Marshall Sam Gerard est de pourchasser et capturer Kimble.

Est-ce que cela fait de Gerard un méchant ou Bad Guy ? Non. Gerard est un U.S. Marshall déterminé à capturer un fugitif condamné par la justice. Il fait son job.

La relation entre Gerard et Kimble est une relation d’opposition. L’opposition est ce qui définit l’antagonisme. L’objectif de l’antagoniste est clairement en opposition avec celui du protagoniste. C’est de ce conflit que naît une action dramatique ainsi qu’un élan dramatique, un mouvement qui va de l’avant, qui fait avancer l’intrigue.

L’antagonisme est un concept protéiforme. Il peut être véritablement incarné ou être une entité ou une idée personnifiées ou non. Par exemple, le monde a combattu l’idée du fascisme représentée cependant par Hitler et Mussolini. A travers ces personnages, c’est le concept même du fascisme qui a été incarné.
La nature peut être aussi une force antagoniste lorsque le héros doit lutter contre les éléments naturels pour sa simple survie, par exemple.

Le conflit intérieur

Mais l’ennemi le plus dramatique est encore soi-même. Nous sommes notre propre ennemi et les œuvres de fiction réussies l’ont bien compris. Considérez Scarlett O’Hara. La Guerre de Sécession est le conflit visible, tangible dans lequel tous les personnages, tous les interprètes de cette aventure sont impliqués.
Mais le véritable antagoniste se tapit chez Scarlett elle-même. Scarlett se bat en effet contre les idéaux  de son époque concernant la féminité. La Guerre de Sécession sert de contexte, de toile de fond à l’expression du problème personnel de Scarlett contre lequel elle doit lutter et surtout vaincre pour sortir gagnante de cette tragédie que fut cette guerre civile.
Il faut d’ailleurs noter que pour renforcer cette opposition, le personnage de Melanie représentait quant à lui l’idéal féminin du Sud et la compétition entre elles pour gagner Ashley préfigurait déjà la grande idée (pas celle des seules raisons économiques) derrière cette Guerre de Sécession, conflit d’idées.
Comme vous le constatez, l’antagonisme, moteur du conflit, a une présence (quel qu’elle soit) quasi permanente au sein de l’histoire.

Qu’en est-il de Rhett Butler ? Présent du début à la fin de l’histoire, il est celui par lequel le scandale arrive, qui fera de Scarlett celle qu’elle deviendra. Nous préférons cependant considérer Butler comme un Impact Character, concept développé par Dramatica. Il est le personnage qui force Scarlett à prendre conscience de son problème. Il est celui qui va influer sur l’arc dramatique de Scarlett O’Hara.
Voici la définition qu’en donne Dramatica : L’opposition (d’un point de vue dramatique, pas nécessairement celle d’un conflit majeur) entre le personnage principal et l’Impact Character force le personnage principal à faire face à son problème personnel. Chaque personnage principal a un unique Impact Character qui le force à voir ce problème personnel. Du point du vue du personnage principal, l’Impact Character peut sembler bloquer la route vers la solution de son  problème personnel ou il peut sembler vouloir mettre des bâtons dans les roues du personnage principal pour le détourner de la solution ou du moins de le retarder. D’un point de vue plus objectif, la fonction de l’Impact Character est d’empêcher le personnage principal de mettre au placard son problème personnel, le forçant à le prendre en charge directement.

Le conflit est partout

Si vous vous sentez embourbé dans une situation que vous avez écrite, tentez de la résoudre en considérant que l’antagoniste est celui qui fait réagir le protagoniste jusqu’à ce que la question centrale que soulève votre histoire soit résolue par ce dernier.

Il y a généralement un antagonisme principal (intérieur ou extérieur). Mais ce qui importe cependant est que le conflit doit être déjà présent au niveau de la scène. Il s’incarne (ou non d’ailleurs) dans des personnages secondaires qui revêtent le temps de la scène le masque de l’antagoniste. Chaque scène devrait être justifiée c’est-à-dire qu’elle devrait avoir un but. La question à se poser est donc de savoir qui ou quoi se dresse contre ce but.

Ce qui importe somme toute, c’est le drame humain que permet de décrire le conflit. Sans conflit, ce drame humain ne serait qu’une tranche de vie à laquelle personne ne prêterait attention. Dans En pleine tempête de William D. Wittliff, s’il n’y avait pas l’ouragan, comment décrire les motivations qui poussent le Capitaine Tyne et ses hommes à risquer leur vie ?
Le conflit est l’élément moteur qui vous permet d’exprimer ce que vous avez à dire.
De plus et ce n’est pas négligeable, l’antagoniste vous permettra d’illuminer votre héros. Sans un antagonisme à la hauteur, votre héros paraîtra bien fade.