Laurent Capelluto, Ramzy Bedia, Claudia Tagbo, Camélia Jordana, Anémone
Synopsis, focalisé sur ses racines algériennes et sa religion, le courant ne passe plus vraiment. Mais un événement imprévu oblige Hanna et Hakim à se retrouver...
Je suis la fille d'un Algérien musulman, mais aussi d'une Française, de parents communistes, convertie à la chrétienté, puis au bouddhisme et à l'hindouisme. J'ai grandi comme beaucoup d'enfants de l'immigration avec un pied en France et un pied en Algérie
(du moins dans le fantasm e). Aujourd'hui le lien à l'identité passe énormément par la religion. Moi je suis une femme, née en France, qui ne croit plus en dieu et qui se revendique athée (quelque chose qui m'est tout à fait naturel mais qu'on ne peut pas vraiment faire en Algérie), et évidemment je me questionne beaucoup sur ma génération et tous ceux qui ont eu ce besoin d'aller vers la religion alors que j'essayais de m'en libérer.
Il y a ceux qui perpétuent une tradition, ceux qui la quittent, ceux qui la tordent. Après il y a aussi cette omniprésence de l'Islam chez les immigrés de première génération. On débarque dans un nouveau pays, on ne veut surtout pas gêner, on veut être aimé, on pense à ceux qui restent et à qui on doit envoyer de l'argent, à l'avenir meilleur qu'on doit donner à ses enfants, et on s'oublie. Après, il y a la seconde génération, la mienne, qui a compris que la névrose de la gentillesse, c'est aussi ne pas exister. Cette génération est tentée de placer le curseur à l'opposé : dans une revendication identitaire et religieuse extrême parce que leurs parents ont trop "fermé leur gueule". Pour moi, le personnage du père, très gentil, toujours prêt à s'adapter, est très important pour comprendre le parcours d'Hakim.
Il y avait dès le départ le désir de dédramatiser une situation politique angoissante : le racisme, l'augmentation de la méfiance, la montée du religieux et l'utilisation politique qui en est fait de tous les côtés. J'avais envie d'exprimer librement un point de vue en dehors de l'actualité sur l'Islam, le voile, le hallal. Je voulais en rire de l'intérieur, dans la complexité d'une famille. En tant qu'enfant de l'immigration, on a un regard particulier qui manque dans le débat français sur tous ces sujets obsessionnels : immigration, identité, religion. Cette deuxième génération a une place étrange, inconfortable et d'autant plus intéressante. Au début du XX
ème siècle, les gens qui se sont battus pour la séparation de l'Église et de l'État, ils se battaient contre leurs pères, contre ceux qui dominaient la société, religieusement, politiquement, socialement, économiquement.
Nous on réprime ce désir de se révolter contre une religion ou des idées répressives, parce que ceux qui les "représentent", nos parents, ont souffert toute leur vie du racisme et de la précarité. On aurait l'impression d'achever un blessé, qu'on aime de surcroit et qu'on comprend.
J'ai toujours eu l'impression que c'est ce phénomène qui pousse parfois les enfants d'immigrés à se faire l'étendard d'une culture qui n'est plus vraiment la leur. C'est à nous de parler de notre héritage, de nos souffrances et de notre connerie. Mais quand on écrit dans une France angoissée, inégalitaire et souvent xénophobe, on a la sensation de marcher au milieu d'un champ de mine, on a peur de donner du grain à moudre aux fachos et aux racistes. Pour moi, le seul remède à cette situation, c'est l'humour. Dans l'humour il y a la violence et la tendresse qui coexistent, il y a la dimension comique des personnages, des situations poussées dans leurs paradoxes, une tragi-comédie qui donne de la complexité au gens et à leur choix. Et puis avec Michel, quand on écrit ensemble, on a toujours le rire en ligne de mire. Ça nous rend plus légers et on a un truc de sales gosses provocateurs, tout excités à imaginer la tête des gens quand ils verront les vilains tours qu'on leur a préparés.
Certaines scènes étaient déjà dans ma tête. La scène de l'accouchement par exemple où on a conçu un lit à trucage artisanal pour donner l'impression qu'Agnès accouchait vraiment. C'était très ludique. Avec ma fille, qui jouait Hanna à 3 ans, on n'avait pas le choix, on était suspendu à ce qu'elle voulait bien faire, j'imaginais une situation, on cachait la caméra, on a essayé avec la complicité des acteurs de l'amener à ce qu'on voulait. Mais j'avais dessiné aussi la scène où la fillette de 10 ans va chez le docteur. J'ai aussibeaucoup travaillé les passages d'une époque à l'autre, par exemple les silhouettes dans le tunnel, car le récit était complexe et il fallait provoquer des sensations sans perdre le spectateur trop longtemps. Après, tout était un travail passionnant avec au centre le choix des acteurs et des décors. Pour l'image, j'avais envie de peaux très chaleureuses, de couleurs chaudes, d'éviter la sensation d'image plate qu'a parfois le numérique. J'ai travaillé avec
Guillaume Deffontaines, qui avait déjà fait mon court-métrage J'aurais pu être une pute. On s'entend très bien, on aime tous les deux chercher, changer d'avis, laisser entrer la vie dans ce qu'on avait décidé précédemment. Le travail sur le rythme et le récit, avec la monteuse du film, Monica Coleman, a aussi été très important au montage. Et à la musique, j'ai collaboré avec Jérôme Bensoussan un ami de quinze ans. Ses compos me surprennent toujours
et m'émeuvent en même temps.
Hanna prend du plaisir avec les autres hommes avec lesquels elle couche, elle ne se punit pas. Mais avec Paul, il y a quelque chose de plus. Quelque chose bascule et se libère avec lui. C'est d'autant plus intéressant qu'un malentendu fait qu'il pense qu'elle est une pute, ce qui fait de lui un client. Pourtant c'est une scène d'amour. Dans cette scène, je voulais être très proche d'eux, qu'on soit dans le détail de leurs visages et de leurs peaux, intégrés au désir, jamais voyeurs. On a lancé une prise, Guillaume Deffontaines était agenouillé, très près du lit, il n'y avait presque personne sur le plateau et là, Vimala et Laurent sont partis pour vingt minutes d'amour de cinéma. Elle l'a embarqué et lui, il s'est laissé faire. L'idée était que ce soit joyeux, tendre. Guillaume a tenu le plus possible avec la lourde caméra. À la fin, il y avait leurs soupirs de plaisir à eux et ceux de Guillaume épuisé, au coeur de la scène !
La femme d'Hakim n'est pas la caricature de la femme voilée soumise.
Kenza a du caractère, un point de vue, elle ne s'écrase pas. Et c'est elle qui amène Hakim à se réconcilier avec sa soeur. Elle conduit, elle fume. C'est une Française qui a envie de rester française, elle n'est pas du tout dans cette guerre contre la France, son rapport à la religion est moins névrotique que celui d'Hakim qui, à un moment s'est senti rejeté et exprime ainsi son hostilité. Camélia Jordana a un visage très régulier, sensuel et apaisant, je voulais qu'elle soit belle avec ce voile, que ça ne coupe pas sa féminité. Je voulais filmer ce couple dans la passion aussi, car ce n'est pas parce qu'ils sont croyants qu'ils n'ont pas de corps, de désir.
Entre elle et moi, c'est une vraie histoire d'amitié, et de travail depuis mon premier court-métrage. Elle a lu le film très en amont. J'aime écrire en pensant à elle, sa beauté, son mystère. J'ai toujours envie de la filmer. Une fois qu'elle fait confiance, elle donne énormément, elle a une liberté extraordinaire, elle n'a peur de rien. Sauf parfois de sa propre émotion. Vimala a quelque chose de profondément triste aussi, comme tous les grands acteurs de comédie, elle sait transformer cela en rire, elle a un rythme unique et tout son corps est au service du jeu. Comme Laurent Capelluto d'ailleurs. La façon dont il place les répliques génère toujours un effet comique surprenant. Il est pince-sans-rire et sexy. Paul est un médecin gentil, limite banal, Laurent lui apporte cette intelligence pétillante, il est à la fois rassurant et naïf, à la fois l'homme et la femme, à la fois Tony Curtis et Marylin.
Je recherchais quelqu'un qui n'ait pas besoin de crier pour avoir l'air violent et faire un peu peur. Quand j'ai rencontré Mehdi par l'intermédiaire d'
Aurélie Guichard, la directrice de casting, j'ai été impressionnée par son charisme. J'aime son côté physique, allié à une grande douceur dans le visage. Il a une palette de jeu très large et quand on les a mis ensemble, avec Vimala, leurs points communs physiques étaient évidents, on voyait se dessiner une famille.
Il avait ce que je cherchais dans le rôle, une générosité non feinte derrière laquelle on peut sentir les blessures et l'angoisse. Il est très drôle mais c'est aussi un acteur dramatique qui prend aux tripes. Le casting est fondamental pour moi, c'est là où le film se
"joue". J'aime bien que les acteurs de ce film viennent d'horizons très différents, qu'il n'y ait pas de "chapelles".
Quand tu as la chance d'avoir des comédiens tellement bons et avides de jouer, c'est très exaltant. Ça donne de la réalité au film. J'ai eu la chance de pouvoir compter sur des amis, des camarades, qui ont accepté des petits rôles, ce que j'ai pris comme des cadeaux. C'était toujours des petits défis. Ces comédiens ont apporté leur expérience et leur personnalité. On essayait de s'éclater, de faire de ces quelques jours de tournage un moment fort. Par exemple,
Lyes Salem m'a "emmenée" en Algérie où il a tourné tous ses films en me mettant en contact avec son équipe là-bas. C'était comme un parrainage alors c'était le pied de démarrer avec lui qui joue le douanier, à l'aéroport d'Alger. Idem avec Bruno Podalydès qui avait joué dans mon court avec Vimala que j'ai eu un immense plaisir à retrouver. Christophe Le Masne a accepté de reprendre son rôle "d'emmerdeur en chef" de ses propres films, et j'ai réécrit la scène où Paul croit qu'Hanna est pute, pour que Christophe Paou puisse y trouver un terrain de jeu à sa mesure. Carole Franck et Zinedine Soualem, ont accepté de venir aussi, j'ai une passion pour ces deux acteurs, ils me font tellement rire, j'aimerai qu'ils soient dans tous les films !
Excellente scénariste, Baya Kasmi signe ici son premier long-métrage en tant que réalisatrice et scénariste.
Les invraisemblances et les grosses ficelles alourdissent un scénario qui traite un sujet d'actualité sur un ton qui se veut frivole. Cette parodie légère, souvent trop appuyée et alambiquée, rend le film quelque peu rébarbatif.
Ceci étant dit les spectateurs présents dans la salle s'amusaient beaucoup, preuve que le pari de Baya Kasmi semble réussi, pour certains.
La bande-annonce semblait alléchante, le film ne m'a pas convaincu. Compte tenu de son histoire, de son talent en tant que scénariste, je m'attendais à un film drôle et profond à la fois. À trop appuyer sur certains points comiques, l'histoire des personnages devient secondaire. C'est dommage.
Seul le talent des acteurs a retenu mon attention. Est-ce suffisant pour parler d'un premier long-métrage ?