Conflit et obstacles : forces motrices

Une histoire sans conflit est une histoire qui ne va nulle part. S’il n’y a pas un conflit, il ne peut y avoir de drame. Même les comédies à leur façon proposent un conflit : il est indispensable.Maintenant, il faut bien comprendre que le conflit n’est pas la même chose qu’un obstacle. Un obstacle est une complication qui n’aura pas de conséquences majeures sur l’histoire ou la destinée du héros, qu’il surmonte ou non cette épreuve.

La définition d’un conflit passe d’abord par la notion de débat. Le conflit est un désaccord de longue date le plus souvent, il peut être un conflit d’intérêt ou se nicher dans l’opposition entre des désirs ou des besoins contradictoires. Le conflit peut prendre la forme d’une dispute ou d’une simple brouille, d’un lutte ou d’une guerre. D’une manière générale, le conflit s’installe dans la durée.
L’obstacle quant à lui se définit comme une chose (événement ou autre) qui bloque le chemin du protagoniste ou qui entrave ses progrès vers la réalisation de son objectif. L’obstacle est une complication ponctuelle dont la portée est limitée dans l’histoire à la fois dans sa durée mais aussi dans son influence sur le héros (bien que celui-ci doit toujours apprendre quelque chose des épreuves qu’il parvient ou non à surmonter).

Dans un script, un obstacle est toute forme de résistance au besoin ou au désir d’un personnage. Maintenant, ce besoin ou ce désir crée l’action (à travers la motivation), il est donc impératif de définir très tôt quel sera le besoin ou le désir incoercible de votre protagoniste.

Prenons un exemple :
l’échelle d’un couvreur tombe sur le sol. Son problème n’est pas tant que l’échelle soit tombée au sol, mais il a un besoin très urgent d’aller au toilette (imaginez-le souffrant d’une gastro-entérite et vous comprendrez facilement que l’échelle est le moindre de ses problèmes).
Tous les autres couvreurs sont allés déjeuner et il est seul. Il a donc un besoin clairement défini et une complication (ou obstacle) : l’échelle est au sol. Que peut-il faire ? Eh bien, appelez à l’aide probablement dans un premier temps (les solutions recherchées sont toujours les plus simples au début, c’est naturel) ou de toutes façons essayer de trouver un autre moyen pour descendre.
A noter que le besoin de ce couvreur l’incite à agir et à surmonter l’obstacle. Le besoin crée la motivation qui incite à l’action.

D’où viennent les obstacles ? ils peuvent être jetés sur le chemin du héros par d’autres personnages ou par les circonstances. Dans le cas du couvreur, c’est donc la situation qui l’a placé dans une si mauvaise posture. Notez aussi que cette situation n’est pas le fruit d’un hasard. S’il est seul sur le toit, c’est peut-être aussi à cause du mauvais temps qui a fait fuir les autres couvreurs (quant à lui, il lui a fallu rester pour des raisons financières) et c’est un coup de vent malencontreux mais attendu qui a renversé l’échelle mal arrimée. Tout est question de cause et d’effet dans un scénario.

En fin de compte, la différence subtile entre conflit et obstacles est que les obstacles créent du conflit car chaque besoin, chaque désir – chaque tentative du héros de vouloir quelque chose – possède son obstacle, sa complication. Sinon, cela serait trop facile et ne serait certainement pas du goût du lecteur.
Votre job d’auteur est donc d’injecter du conflit (en suivant le schéma Motivation/Obstacle) afin de maintenir l’action et donc l’intérêt du lecteur.

Le conflit est le plus efficace lorsqu’il se trouve sur le chemin du succès pour le protagoniste. Réussir un objectif revêt différentes significations pour un protagoniste : il signifie d’abord la réussite d’une mission. Le protagoniste doit accomplir quelque chose.
L’objectif peut être aussi plus personnel et concerné la transformation de la personnalité du personnage. Au début de l’histoire, votre héros n’est pas bien dans sa tête. Disons qu’il y a quelque chose (d’indéfinissable pour lui car il n’en a pas conscience) au début de l’histoire qui l’empêche d’être heureux. Tout au long de l’histoire, les épreuves et obstacles vont l’aider à prendre conscience de son malaise,  à identifier et surmonter la faille majeure de sa personnalité qui l’empêchait de s’accomplir, d’être heureux.
Le conflit joue au moins à ces deux niveaux de perception : l’une externe, tangible ; l’autre interne.

Autrement dit, vous avez deux problèmes à mettre en place. Vous devez vous poser la question de ce qui peut l’empêcher de réussir son objectif externe (sa mission) et de ce qui l’empêche de s’accomplir (vous devez trouver une faille majeure dans sa personnalité qu’il devra au préalable surmonter avant d’affronter avec quelques chances de succès le problème externe).

De toutes façons, l’usage du conflit et d’obstacles crée de la tension dramatique et cette tension est une énergie dont vous allez vous épancher et cette force magnifique alimentera votre intrigue. Elle la fera palpiter. Donc gardez bien à l’esprit (et c’est immensément important) qu’à chaque motivation que vous inventez, vous devez lui adjoindre un obstacle.

Elizabeth English, fondatrice du  Moondance Film Festival dit :
“There are five distinct types of conflict that can be used in screenwriting. Inner or personal conflict, relational conflict, social or local conflict, situational conflict, and universal or cosmic conflict. All five types of conflict can be in a single screenplay, and can involve most, if not all of the characters, interacting with each other and with the protagonist and antagonist(s). Conflict as the central event drives the story and the characters. Conflict in the plot structure breathes life into your story! The audience relates to your protagonist and to the conflicts he or she faces. The patterns of tension resulting from the visible and invisible forces the characters overcome create a believable reality for the film-goer, and increase the film’s impact on that audience.”
Il y a 5 types distincts de conflit qui peuvent être utilisés dans l’écriture de scénarios. Le conflit interne ou personnel, le conflit relationnel, le conflit social ou local (au niveau d’un village, par exemple), le conflit situationnel et le conflit universel ou cosmique. Les 5 types de conflit peuvent se trouver dans le même scénario et peuvent impliquer la plupart si ce n’est tous les personnages, interagissant les uns avec les autres et avec le protagoniste et l’antagoniste. Le conflit comme événement central est l’élément moteur de l’histoire et des personnages. Le conflit dans la structure de l’intrigue insuffle la vie dans votre histoire ! Le public s’identifie à votre protagoniste et aux conflits qu’il ou elle fait face. Le jeu des tensions résultant des forces visibles et invisibles que le protagoniste doit vaincre crée une réalité vraisemblable pour l’amateur de films et augmente l’impact du film sur ce public.

Nul doute que le conflit interne (Inner Conflict dans la littérature anglo-saxonne) est le conflit le plus difficile à relayer à l’écran en particulier s’il s’agit du conflit principal d’une histoire ou que toute l’histoire se concentre sur ce conflit.
Le conflit est un élément essentiel quel que soit le genre. Le lecteur a besoin de voir le protagoniste réussir son voyage mais une part de ce succès tient dans sa capacité à surmonter chaque obstacle, à s’opposer à un conflit permanent.

Hamlet de Shakespeare est un bon exemple de conflit interne. Hamlet est en guerre avec sa conscience et son conflit interne est en fait résolu lorsqu’il meurt (la mort est sa rédemption), lorsqu’il réalise surtout que sa mère ne faisait pas partie de la machination autour de la mort de son père.