[CRITIQUE] : Mon Roi

Par Fuckcinephiles

Réalisateur : Maïwenn
Acteurs : Emmanuelle Bercot, Vincent Cassel, Isild Le Besco, Louis Garel,...
Distributeur : Studio Canal
Budget : -
Genre : Drame, Romance.
Nationalité : Français.
Durée : 2h04min.
Synopsis :
Tony est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski. Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio. Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré? Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ? Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer …

Critique :
#MonRoi ou un beau, énergique mais inconsistant portrait d'un amour toxique aussi irrésistible que pénible. Bercot et Cassel y sont géniaux.— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 14 Octobre 2015

Ce qu'il y a de fascinant dans la carrière de l'inestimable (oui, elle l'est) Vincent Cassel, c'est décemment son imprévisibilité, le bonhomme étant capable de passer d'une superproduction made in France (La Belle et la Bête) à un drame international tout aussi friqué mais classieux (Enfant 44), en passant par à une production mineure en Australie ou il incarne LA tête d'affiche majeure (Partisan), avec une facilité déconcertante.
Cette imprévisibilité, mais surtout cette faculté d'être crédible et épatant dans n'importe quel rôle, voilà ce qui fait la force du bonhomme depuis le début des années 2000, mais c'est également ce qui en a fait l'un des plus important représentant du cinéma hexagonale à l'étranger, affichant son charisme animal chez quelques-uns des plus grands cinéastes en activité (Steven Soderbergh, Danny Boyle, David Cronenberg, Darren Aronofsky, Jacques Audiard, Gaspard Noé, Jean-Jacques Annaud).

Et inutile de dire que son année 2015 a encore une fois été des plus chargée.
Alors qu'il boucle actuellement le tournage de l'ambitieux Juste la Fin du Monde de Xavier Dolan, il nous revient cette semaine dans les salles obscures avec Mon Roi de Maïwenn, présenté en compét officielle durant la dernière Croisette Cannoise (tout comme Tale of Tales de Matteo Garrone, dans lequel il figure également) et qui a permit à la belle Emmanuelle Bercot de repartir avec le prix d'interprétation féminine.
Mon Roi, ou une nouvelle et sempiternelle étude du couple au cinéma.
Si sur le papier le film n’annonçait rien de bien nouveau à l'horizon, l'idée de voir la cinéaste tenter d'apporter sa pierre à l’édifice avait tout de même de quoi intriguer le cinéphile lambda, surtout vu le joli casting engagé pour l'occasion (Maiwenn a toujours su bien s'entourer, on est d'accord).
Le métrage s'attache donc au destin de Tony, une femme dans la force de l'âge qui est admise dans un centre de rééducation après une grave chute de ski.
Dépendante du personnel médical et des antidouleurs, elle prend le temps de se remémorer l’histoire tumultueuse qu’elle a vécue avec Georgio.
Pourquoi se sont-ils aimés ? Qui est réellement l’homme qu’elle a adoré ?

Comment a-t-elle pu se soumettre à cette passion étouffante et destructrice ?
Pour Tony c’est une difficile reconstruction qui commence désormais, un travail corporel qui lui permettra peut-être de définitivement se libérer…
S'il est une évidence qu'il est bien plus consensuel, moins puissant et ambitieux que son précédent essai, Polisse (Prix du Jury à Cannes en 2012), le nouveau Maïwenn incarne néanmoins un fiévreux drame domestique, un récit intime et malade sur l'union de deux âmes diamétralement opposées, capté par le prisme de la détresse poignante de Tony, femme broyée par son amour à la limite du masochisme pour Georgio, un charmeur narcissique, menteur et manipulateur dont elle est follement éprise malgré son désir maladif de tout détruire pour des plaisirs fugaces (l'alcool, la drogue, l'adultère).
Dix ans d'une union mouvementée à la violence aussi implacable que sourde, une décennie durant laquelle Tony sera rongée au pied de la lettre par l'adage " l'amour rend aveugle ", tant elle acceptera tous les excès de son compagnon de souffrance jusqu'à un point de non-retour, une chute de ski symptomatique du mal-être profond qu'elle subit au quotidien.

Principalement construit sur les souvenirs de Tony qu'elle se remémore durant sa période de rééducation en clinique, avec Mon Roi, la cinéaste cherche avec sincérité à mettre en image de la manière la plus réaliste qui soit (et avec un joli soucis du cadre dans sa mise en scène pour une fois), le thème archi-rebattu de la passion destructrice dans tout ce qu'elle a de plus douloureux et poignant, non sans une certaine dose d'humour magnifiquement véhiculée par des dialogues vifs et finement scriptés.
Pas la fresque émotionnelle attendue après vision certes, mais on peut lui accorder la qualité de filmer la vie de tous les jours et les aléas du quotidien avec une sensibilité et une justesse rare, cette vérité du quotidien tellement anodine mais vraie qu'elle appuie par une volonté (habile ou non, au choix) de mettre en exergue une psychologie de comptoir façon Femme Actuelle, soutenant pleinement l'aspect commun, banale de son histoire pouvant trouver un large écho chez son auditoire.
Dommage en revanche, qu'elle fasse preuve de nettement moins de subtilité mais surtout de nettement moins d'adresse dans sa narration, trop démonstrative et maladroite, notamment dans la difficile reconstruction étape par étape de son héroïne (et son attachement à un groupe de jeunes handicapés un brin caricatural délivrant en chœur, un numéro de charme/humoristique assez - voir trop - proche de celui de Georgio), avec la symbolique du rétablissement du corps face à la destruction du cœur.

Que l'on adhère ou non à son constat dramatique ne s'épargnant pas ou peu de clichés faciles (certains le trouveront émotionnellement racoleur, ce qui n'est pas entièrement faux), il est en revanche indéniable que Maïwenn offre constamment un terrain de jeu parfait pour permettre à ses comédiens principaux de s'exprimer de la plus belle manière possible.
En tête, évidemment, la composition magistrale de Vincent Cassel, impérial dans la peau de Georgio, salaud magnifique et véritable héros de son histoire - plus que Tony -, bien plus juste et spontané que la pourtant saisissante Emmanuelle Bercot, dont la performance perd cependant en force (crédibilité ?) dès lors que sa réalisatrice décide de faire lentement glisser Tony dans une hystérie braillarde peu crédible.
A leurs côtés, Louis Garrel, en roue libre, offre également une composition des plus remarquable dans la peau du beau-frère blasé et sarcastique.

A eux trois (et avec peut-être, aussi, la belle Isild Le Besco), ils font exister des personnages archétypaux et tirent décemment vers le haut un beau, énergique mais inconsistant portrait d'un amour toxique aussi irrésistible que pénible, qui enfonce beaucoup trop de portes déjà ouvertes et usent de beaucoup trop de grosses ficelles pour pleinement convaincre.
Jonathan Chevrier