Genre : gore, trash, expérimental (interdit aux - 18 ans)
Année : 2013
Durée : 1h13
L'histoire : Depuis sa plus tendre enfance, Victoria a été victime d'abus sexuels par l'ensemble de sa famille. A l'âge de 18 ans, elle décide de s'enfuir et de prendre sa vie en main. Mais, tombée dans l'enfer de la drogue et de la prostitution, elle ne trouvera au bout du chemin qu'un univers de souffrances, ravagée qu'elle est par un immense chaos psychologique.
La critique :
Il est frustrant de constater que la France se traîne depuis toujours en queue de peloton du cinéma extrême européen. Certes, nous avons bien l'inénarrable Jean-Louis Costes pour nous représenter, mais ce touche-à-tout génial est tellement hors norme qu'il demeure ultra confidentiel et pour tout dire incomparable. C'est donc de loin qu'après l'Allemagne, la Serbie et les Pays-Bas, nous avons vu le Danemark apporter, lui aussi, sa pierre à l'édifice de ce genre cinématographique si particulier.
En 2013, le réalisateur scandinave Kasper Juhl se lance dans la mêlée avec Madness of Many, un film qui bénéficiera à sa sortie d'un bouche à oreille plutôt flatteur. Dernier venu sur la scène underground européenne, Kasper Juhl commence à se faire une certaine réputation auprès des amateurs de cinéma borderline. Si son premier long-métrage, Sunken Danish, passa totalement inaperçu, le réalisateur attira vivement l'attention du milieu en 2013 avec son deuxième film, Madness of Many.
Juhl est d'ailleurs un cinéaste prolifique puisqu'il a depuis réalisé deux autres films dont le très sulfureux Monstruosity, Madness of Many s'apparente avant tout à un voyage sans échappatoire au coeur du chaos psychologique qui règne dans un esprit malade et tourmenté. Un cauchemar dans lequel l'héroïne est plongée et que le réalisateur nous oblige à subir avec elle. Sur la forme, le film de Kasper Juhl ressemble à un état des lieux qu'une junkie ferait sa propre vie.
C'est donc un long monologue qui accompagne le spectateur, où Victoria, la principale protagoniste, narre les événements traumatiques de son existence qui l'ont précipitée dans les abîmes d'atroces souffrances. De prime d'abord, le pitch semble relativement intéressant. Restait à confirmer et à voir si ce film mérite vraiment les lauriers que certaines critiques lui ont tressés. Attention, SPOILERS ! Le film retrace l'enfer psychologique dans lequel Victoria, une jeune femme à la dérive. L'histoire est séparée en quatre parties : Birthday, Between two kingdoms, The darkness within et Final Chapter Rebirth.
A travers un long monologue, Victoria, une jeune femme à la dérive, dévoilant au spectateur ses pensées intimes et les démons intérieurs qui la rongent. A chaque période douloureuse de son existence, la jeune femme est littéralement plongée dans un cauchemar où elle se retrouve torturée physiquement par des êtres surnaturels. Abusée sexuellement par les membres de sa famille dès sa plus tendre enfance, Victoria fuit de chez elle à l'âge de 18 ans. Elle espère voir enfin le bout du tunnel de ses souffrances psychologiques, mais le monde entier semble se liguer contre elle.
Fragile et influençable, elle commence à tomber dans l'enfer de la drogue et de la prostitution. En perpétuel chaos, le psychisme de la jeune femme transforme ces instants de désespoir en visions surréalistes où elle se retrouve en proie à de véritables démons qui lui infligent des souffrances physiques au-delà de l'imaginable. Comme il s'agit d'une oeuvre de jeunesse, je ne serai pas trop sévère dans mes commentaires et pourtant, il y aurait de quoi.
Kasper Juhl connaît ses classiques, c'est un fait indéniable. Il les connaît un peu trop. En effet, Madness of Many présente de nombreuses analogies de style avec des films comme Martyrs (pour son final) ou Snuff 102 (pour son atmosphère). Mais là où le cinéaste danois fait très fort, c'est dans l'édifiante similitude de son film avec ceux de la trilogie Vomit Gore de Lucifer Valentine. Des jeunes femmes, prostituées, camées, qui racontent leurs états d'âme à la caméra entre deux vomissements, deux soeurs jumelles ("hommage" évident aux deux soeurs siamoises de Regoregitated Sacrifice)...
A ce point-là, ce ne sont plus des références, c'est du plagiat pur et simple. Juhl se transforme donc en copycat l'espace de nombreuses scènes où il présente son héroïne en pleine déglutition sanglante lors de ces visions cauchemardesques. Si l'on ajoute à cela que Victoria prend, à maintes reprises, le visage d'Angela, la principale protagoniste de la trilogie "luciférienne" ; on ne pourra que constater l'ahurissante ressemblance entre les deux oeuvres.
Madness of Many s'avère d'autant plus décevant que le film est loin d'être aussi extrême que ceux de Lucifer Valentine. Alors n'y aurait-il rien à sauver dans cette oeuvre underground ? Si quand même, et heureusement. Au rayon des satisfactions, nous relèverons une photographie en noir et blanc d'une éclatante beauté. Dans certaines scènes, le gris est carrément supprimé, ce qui donne aux images un aspect B.D. assez original. La couleur ne s'invite que lors des cauchemars de la jeune femme, lorsque le sang coule d'un rouge volcanique. Même si elles ne sont pas assez nombreuses (et trop filmées dans la pénombre) à mon goût, les scènes de gore s'avèrent impressionnantes de réalisme : décapitation à la hache et éventration sont au programme. Le point d'orgue arrive vers la fin du film avec une splendide double énucléation où la victime, traînée par deux géôliers masqués, sera forcée d'ingurgiter ses propres globes oculaires ! Avant ce passage horrifique particulièrement réussi, le réalisateur se sera contenté la plupart du temps de scènes d'humiliation, où Victoria se retrouve battue et enchaînée par ses mystérieux tortionnaires, dont on ne verra jamais le visage.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le film de Kasper Juhl nous laisse sur notre faim. S'il fait étalage de réelles qualités artistiques et notamment de superbes effets spéciaux, Madness of Many déçoit par son concept, un scénario quasiment photocopié sur la trilogie Vomit Gore et une trop grande profusion de références qui lui enlève en grande partie sa propre identité. Au final, on peut s'interroger sur la véritable volonté du réalisateur d'avoir voulu créer une histoire originale et de se demander s'il ne s'est pas contenté de céder à la facilité. Mais ne condamnons pas trop vite Kasper Juhl.
Malgré un manque évident de moyens, ce nouveau cinéaste underground propose tout de même des choses intéressantes, notamment dans le choix de symboliques forts au service d'une mise en scène anxiogène à souhait. Toutefois, on peut affirmer sans trop de risque de se tromper que Madness of Many ne restera pas dans les annales du cinéma extrême. Pour son coup d'essai, Kasper Juhl livre une oeuvre trop timide et surtout beaucoup trop impersonnelle pour susciter un réel enthousiasme. Bref, il y a encore des progrès à faire...
Note : 10/20