Les Yeux Sans Visage (La fille de Frankenstein)

yeux sans visage

genre: horreur, épouvante (interdit aux - 16 ans)
année: 1960
durée: 1h28

l'histoire : Le chirurgien Genessier souhaite remodeler le visage de sa fille Christiane, rendue méconnaissable suite à un accident de voiture, mais pour cela il doit effectuer des greffes de peau qu'il aura prélevée sur des jeunes filles.  

La critique :

Le nom de Georges Franju ne doit pas vous évoquer grand-chose. Pourtant, le cinéaste appartient au panthéon du cinéma français. Sa carrière derrière la caméra débute dès 1935 avec une succession de courts-métrages. Grand amoureux de l'expressionnisme, Georges Franju impose peu à peu son style si particulier. On lui doit plusieurs films cultes, souvent méconnus du grand public, entre autres, le superbe Judex, mais aussi Thérèse Duqueyroux (l'adaptation du livre de François Mauriac) et La Faute de l'Abbé Mouret (l'adaptation du roman d'Emile Zola).
Vient également s'ajouter Les Yeux Sans Visage, sorti en 1960. Ce film est aussi considéré comme le chef d'oeuvre de Georges Franju.

Le long-métrage va inspirer plusieurs générations de cinéastes, notamment Jesus Franco, qui va réaliser un remake, L'horrible Docteur Orloff. Par la suite, Les Yeux Sans Visage influencera également d'autres cinéastes : Georges Romero avec Bruiser, John Carpenter pour Halloween : la Nuit des Masques, ou encore Pedro Almodovar pour La Piel Que Habito.
Pourtant, au moment de sa sortie, la presse et les critiques cinéma ne sont pas spécialement panégyriques. Certains journalistes reprochent au film une violence excessive et parfois outrancière. Néanmoins, le film de Georges Franju va rapidement devenir une référence. 
Le long-métrage est souvent considéré comme le meilleur film d'horreur français jamais réalisé. 

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Clairement, Les Yeux Sans Visage n'a pas usurpé sa réputation. On tient là une véritable pépite du genre épouvante. Au niveau de la distribution, le long-métrage réunit Pierre Brasseur, Alida Valli, Juliette Mayniel, Edith Scob, François Guérin, Alexandre Rignault et Béatrice Altriba. Attention, SPOILERS ! Alors que son assistante Louise (Alida Valli) vient de jeter dans l'eau le corps d'une jeune femme, le docteur Génessier (Pierre Brasseur), un éminent chirurgien, donne une conférence sur les greffes de peaux.
Son métier lui permet en réalité d'offrir un nouveau visage à sa fille Christiane (Edith Scob), présumée morte dans un accident de voiture dont il est le responsable. Il a installé un laboratoire dans sa propriété où il pratique régulièrement des expériences sur des chiens qu’il garde captifs.

C’est aussi le lieu dans lequel son assistante et complice attire des jeunes femmes pour prélever leur visage et les greffer sur celui de sa fille, Christiane. Cette dernière, recluse dans ce manoir, doit porter un masque blanc inexpressif pour dissimuler son visage meurtri. Les greffes se succèdent et échouent jusqu’au jour où une opération semble réussir. Christiane retrouve alors son visage. 
Mais progressivement, les tissus de la peau se dégradent et les nécroses réapparaissent. Les Yeux Sans Visage constitue également le second long-métrage de Georges Franju. Le film est l'adaptation d'un roman de Jean Redon. Le visage comme élément à part entière de la structure identitaire... Telle est la thématique principale des Yeux Sans Visage. Mais pas seulement... 

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Il est aussi question de difformité, de différence et de cet effet miroir qui va exposer les divers protagonistes à leur propre faciès, le reflet ineffable de leur âme... En ce sens, Les Yeux Sans Visage n'est pas sans rappeler le mythe de Frankenstein. Christiane est la fille défigurée d'un éminent chirurgien (Le docteur Génessier). A l'instar du fameux Docteur Frankenstein, lui aussi utilise sa propre fille à des fins douteuses et pernicieuses. Il est cet apprenti sorcier qui aspire au Divin (le Complexe d'Icare), regimbant les lois de Dame Nature. Il est aussi ce professeur respecté par la société. 
Pourtant, ce médecin semble également atteint par le syndrôme de Docteur Jekyll et Mister Hyde. A l'instar de son étrange modèle, lui aussi revêt plusieurs facettes. Tantôt manipulateur et séditieux, tantôt séducteur et monstrueux, Génessier brille surtout par son extraordinaire placidité et ce, en toutes circonstances.

Coi et impassible, Génessier est aussi un meurtrier, multipliant les kidnapping et les opérations chirurgicales, à la recherche d'un nouveau visage pour sa fille. Néanmoins, le spectateur est amené à douter de ses réelles intentions. Génessier serait plutôt cet apprenti sorcier qui cherche constamment à repousser les limites de la science moderne. Le chirurgien psychopathe est exclusivement entouré de personnages féminins. Pour lui, les femmes ne sont que de vulgaires appâts qu'il peut exploiter, manipuler et éventuellement assassiner. Encore une fois, il est le digne épigone du Docteur Frankenstein.
A certains moments, Georges Franju privilégie l'enquête policière, qui fonctionne de façon assez classique. Mais l'essentiel du film repose néanmoins sur cette imagerie à la fois fantastique, onirique, fantasmagorique et mélancolique. A l'image de la musique lancinante et entêtante de Maurice Jarre...

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A contrario, Georges Franju nous convie parfois au coeur de l'horreur. Dans son genre, la séquence chirurgicale à "visage" ouvert est un sommet de froideur et de terreur "clinique". Cependant, Georges Franju euphémise parfois son propos par le jeu (tout en grâce) d'Edith Scob. Condamnée à se cacher derrière un masque de couleur d'albâtre, la jeune femme éplorée supporte difficilement sa condition de "morte vivante". Sur ce dernier point, Georges Franju confère à cette étrange héroïne une aura féérique.
Si la jeune éphèbe est incapable d'exprimer la moindre émotivité, ses yeux trahissent néanmoins son amertume, sa tristesse insondable et son désespoir indicible. Elle aussi appartient à cette mythologie des monstres sacrés, à ces personnages de cirque et de foire, un peu comme les "freaks" de La Monstrueuse Parade (Tod Browning, 1932). Bref, encore une fois, on tient là "le" meilleur film d'horreur français, et de loin, très loin...

Note : 20/20

sparklehorse2 Alice In Oliver