MUNE, LE GARDIEN DE LA LUNE : la face cachée de l’animation ★★★★☆

Un film d’animation visuellement sublime… Mais pas que.

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Avec les prouesses de Minuscule, et plus récemment du Petit Prince, le cinéma d’animation français a montré qu’il pouvait se révéler techniquement ambitieux (surtout dans le domaine de l’image de synthèse), tout en se permettant des choix artistiques et narratifs plus radicaux et moins enfantins, que l’on pensait surtout réservés à la scène indépendante, voire à Pixar. De façon moins prononcée car beaucoup plus orientée vers le divertissement, Mune, le gardien de la lune contribue à cette concurrence face aux États-Unis, grâce au talent créatif de Benoît Philippon et d’Alexandre Heboyan, ce dernier ayant travaillé sur Kung Fu Panda. Dans un univers de conte de fées, le soleil et la lune sont accrochés à deux créatures géantes tout droit sorties de Shadow of the Colossus, qui se déplacent en harmonie sur la Terre. Elles ont néanmoins besoin de gardiens, qui se renouvellent lors de grandes cérémonies. L’histoire prend justement place durant une passation de pouvoir, où le jeune faune Mune se retrouve, à son grand désarroi, choisi pour protéger l’astre de la nuit. Son incompétence et ses confrontations avec l’arrogant gardien du soleil Sohone donnent l’opportunité au méchant Bowser de service de voler la précieuse étoile, les obligeant à collaborer pour la récupérer, accompagnée de la fragile Cire.

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Loin du second degré post-moderne actuellement cher à Disney, la force de Mune est de constamment prendre son histoire au premier degré. Ainsi, nous sommes dès les premières minutes happés par ce monde merveilleux plein de couleurs, où la nature est représentée comme dans des toiles de maîtres. Si certains pensent qu’il faut minimiser l’univers d’un film pour parler aux enfants, les deux cinéastes n’hésitent pas à développer une véritable mythologie, nous faisant croire à cette civilisation dont le système est régi depuis des millénaires. Face à la beauté des images, le hors-champ, primordial dans la fantaisie, a tout autant d’importance, faisant lorgner le métrage du côté des Lovecraft ou Tolkien. Il puise d’ailleurs dans la poésie écolo de ce dernier par le mécanisme de la planète. La nature a besoin des êtres qui la peuplent pour exister, et vice versa. La magnifique scission entre le jour et la nuit en vient à suggérer plusieurs décors en un, comme une sorte de split-screen savamment pensé incitant à la symbiose. Tel Le Voyageur contemplant une mer de nuages, les personnages ressentent la magie de ces paysages enchanteurs, et invitent le spectateur à faire de même.

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Mais au-delà de sa dimension spectaculaire, Mune fait preuve d’une maturité que ne laissait pas présager ses designs au premier abord. Partant des archétypes du conte et du voyage du héros, le film n’hésite pas à frôler parfois une certaine noirceur, notamment lorsqu’il interroge les responsabilités de la vie d’adulte. Les cycles du jour et de la nuit s’apparentent à ceux de la vie et de la mort. L’absence et la disparition ont une place étonnamment importante et plus ou moins explicite, trouvant leur plus belle représentation quand Cire se fige comme une statue à cause du froid. Philippon et Heboyan peuvent ainsi explorer d’autres contrées, à l’instar de ses univers distincts par l’animation. L’image de synthèse de la réalité laisse place aux coups de pinceaux traditionnels dans le monde des rêves. On pourrait reprocher aux réalisateurs de laisser parfois les enfants (c’est-à-dire la cible visée) sur le carreau à cause de certains choix esthétiques, mais il est préférable de louer cette envie de ne pas les rabaisser intellectuellement. Si Mune en ressort plus complexe, il n’en est pas moins divertissant et prenant. Et même s’il cède parfois aux sirènes du marketing (il a bien entendu ses mascottes irritantes, sortes d’hybrides entre les Minions et les volatiles d’Angry Birds), il révèle une réelle ambition de cinéma, qui pourrait aussi bien servir à la cinéphilie des plus jeunes qu’un bon Pixar.

Réalisé par Alexandre Heboyan et Benoît Philippon, avec les voix de Michael Gregorio, Izia Higelin, Omar Sy

Sortie le 14 octobre.