[CRITIQUE] : The Green Inferno

Cela faisait depuis Hostel – chapitre II en 2007 que Eli Roth n’avait plus tourné, s’étant consacré à d’autres projets en tant que producteur, scénariste ou encore acteur chez son pote Quentin Tarantino. Le réalisateur est de retour cette année avec deux films : Knock Knock, un thriller sexuel avec Keanu Reeves sorti dans nos salles le 23 septembre dernier, et The Green Inferno, film de cannibales disponible en e-cinéma depuis le 16 octobre. Ce dernier aura connu une sortie compliquée, se construisant de festival en festival une réputation de film interdit, à l’instar de Cannibal Holocaust en son temps.

Green-Inferno-afficheAprès l’excellent Hostel – Chapitre II, on s’était pris à croire qu’Eli Roth avait abandonné ses artifices de petit ricaneur au profit d’un cinéma véritablement subversif et dérangeant. The Green Inferno était donc l’occasion de voir si le cinéaste américain allait définitivement s’engager sur la voie prometteuse empruntée par son prédécesseur, ou au contraire retomber dans les travers des nanars de ses débuts. A l’heure où le cinéma d’horreur s’adresse à un public de plus en plus jeune, il est évidemment réjouissant de voir naître des projets risqués et rentre-dans-le-lard. Mais The Green Inferno est-il le film sauvage et radical qu’il prétend être ? Tout le problème est là. Si la promesse d’un film de cannibales dans la veine des séries B italiennes bien trash des années 1970 est forcément alléchante, elle n’est malheureusement jamais tenue. Le film suit ainsi un groupe d’activistes, qui après le crash de leur avion en pleine Amazonie se retrouve entre les mains d’une tribu cannibale. Malgré l’indéniable amour que Roth porte au genre et la sincérité qui peut s’en dégager par instants, le film est hélas bien trop gangréné par les vieilles manies de son réalisateur. N’assumant jamais la dimension extrême et iconoclaste de son sujet, Roth limite ici le gore à une simple farce potache, court-circuitant toute immersion ou tension à coups de blagues pipi-caca franchement embarrassantes (notamment une scène de diarrhée d’une crétinerie gênante). Incapable de distiller une sensation de malaise, le film n’est pas non plus spécialement généreux dans les effusions gores. En effet, il faut se frapper près de 40 minutes d’exposition en compagnie de personnages tous plus cons les uns que les autres avant de rentrer dans le vif du sujet. Une fois que l’on accepte l’aspect grand-guignolesque du film, quelques séquences peuvent prêter à sourire, mais voient hélas leur impact amoindri car jamais soutenues par un projet global de mise en scène. Eli Roth ne parvient pas à donner une quelconque consistance à son film, s’emmêlant complètement les pinceaux tant dans son propre univers référentiel que dans son propos.

Le film se  veut en effet être une charge corrosive à l’encontre des activistes mais se limite finalement à une blague de sale gosse qui témoigne d’un cynisme contradictoire avec l’idée que se fait Roth du genre. Là où Hostel – chapitre II réussissait à concilier jaillissements gores extrêmes, ruptures de ton et propos pertinent, The Green Inferno donne l’impression de ne jamais savoir quelle direction prendre. Tiraillé entre le discours politique et la grosse pantalonnade puérile, Roth livre un propos totalement à côté de la plaque sur le militantisme écolo et la manipulation médiatique. Le film est caricatural d’un côté comme de l’autre, que ce soit dans la représentation clichée de la tribu cannibale ou dans la caractérisation de cette bande d’ados décérébrés au service d’une cause qu’ils ne comprennent pas. Cette approche simpliste est ainsi en contradiction avec le parti-pris visuel de Roth, à savoir un style réaliste cherchant à donner une impression de pris sur le vif. Le film échoue aussi à ce niveau là, ne parvenant pas à renouveler les codes visuels du genre ou tout simplement à se trouver une identité qui lui est propre. Il faut dire que le cinéaste n’est pas vraiment aidé non plus par la photographie d’Antonio Quercia, dont les couleurs fluo donnent à l’ensemble une allure cheap à la limite du téléfilm M6. Au final, The Green Inferno est un film bien sage tant dans son propos que dans sa mise en scène, ce qui est quand même un comble pour un genre aussi transgressif par nature !

En tant que farce débile, The Green Inferno pourra éventuellement plaire à certains cinéphages déviants. En revanche, ceux qui cherchent en ce film une expérience traumatisante de cinéma hardcore peuvent aisément s’en dispenser !