Les Fantômes du Chapelier (Claude Chabrol rencontre Georges Simenon)

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genre: thriller, policier
année: 1982
durée: 2 heures

l'histoire : Dans une petite ville, Léon Labbé, chapelier de métier, a tué sa femme et entretient l'illusion que cette dernière est toujours vivante. Son voisin d'en face, un petit tailleur juif devient le confident privilégié de Léon, qui lui, tue avec méthode les amies de son épouse et nargue la police avec des lettres anonymes. 

La critique :

On ne présente plus Claude Chabrol qui appartient désormais au panthéon du cinéma français. Décédé en 2010 à l'âge de 80 ans, Claude Chabrol s'est souvent attaqué à la bourgeoisie provinciale. Il s'agit aussi d'un réalisateur éclectique avec des films parfois graves, mais aussi des comédies dramatiques plus légères. Néanmoins, à travers sa filmographie, on note un goût assez prononcé pour les psychopathes et les tueurs en série. C'est par exemple le cas de Landru, réalisé en 1963.
Vient également s'ajouter Les Fantômes du Chapelier, sorti en 1982. Le long-métrage, qui oscille entre le thriller et le genre policier, est l'adaptation d'un roman homonyme de Georges Simenon.

Au niveau de la distribution, le film réunit Michel Serrault, Charles Aznavour, Monique Chaumette, François Cluzet, Aurore Clément, Isabelle Sadoyan et Mario David. Pour la petite anecdote, ce n'est pas la première fois que Michel Serrault interprète un chapelier. Il l'avait déjà fait auparavant, néanmoins dans un registre plus léger et comique, dans La Tête du Client.
En l'occurrence, Claude Chabrol décide de suivre et de respecter le roman original à la lettre. Attention, SPOILERS ! Léon Labbé (Michel Serrault), un bourgeois de Concarneau, tient une boutique de chapeaux en face d'un tailleur d'origine arménienne, Kachoudas (Charles Aznavour). Ce dernier suit le chapelier dans ses pérégrinations.

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Il finit par se rendre compte qu'il est l'étrangleur de vieilles femmes qui sévit dans la région depuis deux mois. Kachoudas renonce à le dénoncer et tombe malade. Labbé finit par lui avouer la raison de ses crimes : il a assassiné sa femme et, pour cacher son crime, il lui faut éliminer toutes les amies de son épouse, car celles-ci entendaient lui rendre visite pour son prochain anniversaire.
Autant le dire tout de suite : Les Fantômes du Chapelier n'est pas spécialement un grand cru de Claude Chabrol. Ce polar mineur dans la filmographie du cinéaste permet néanmoins de poursuivre cette diatribe d'une bourgeoisie provinciale, le thème de prédilection du réalisateur. 

En outre, l'enquête menée par le commissaire Pigeac (l'excellent Mario David) ne présente presque aucun intérêt. Paradoxalement, Claude Chabrol se soucie assez peu des états d'âme du policier. Le cinéaste préfère se concentrer sur son duo atypique, Michel Serrault et Charles Aznavour. Claude Chabrol choisit de se focaliser sur les portraits de ces deux hommes diamétralement opposés.
D'un côté, Michel Serrault interprète un Léon Labbé prisé, respecté et estimé par sa communauté. Cet honnête commerçant s'occupe désormais de sa femme impotente. Insoupçonnable aux yeux de tous, Labbé va néanmoins commettre l'irréparable. Il assassine sa femme et la remplace par un vulgaire mannequin.

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Peu à peu, Labbé se confit dans la folie et la psychopathie. Il décide de tuer toutes les amies de son ex-épouse (Je renvoie au synopsis). De l'autre, Charles Aznavour incarne un certain Kachoudas, un tailleur immigré. Réduit à un simple observateur, ce dernier ne tarde pas à soupçonner Labbé. Pourtant, plutôt que de le dénoncer, Kachoudas arpente les rues sombres et esseulées de Concarneau, à la poursuite d'un serial killer qu'il admire et le fascine.
Entre les deux hommes, se noue une étrange relation. A partir de cette attirance ambiguë et malsaine, Claude Chabrol décrit la longue descente en enfer de deux hommes. Malade et réduit à quia, Kachoudas est condamné à exhaler son dernier soupir. Quant à Labbé, il sombre dans la neurasthénie mentale.

Claude Chabrol peut s'appuyer sur les excellentes compositions de Michel Serrault et de Charles Aznavour. Le duo fonctionne à merveille. Dans un rôle à contre-emploi, Michel Serrault joue un tueur en série à la fois ténébreux, mystérieux, fallacieux et presque fascinant. Quant à Michel Aznavour, il incarne finalement cette autre facette de ce criminel redoutable : un visage couard et un regard admiratif qui le scrute en catimini. Encore une fois, tout l'intérêt du film repose essentiellement sur le jeu (tout en finesse) de ses deux acteurs principaux. Toutefois, le long-métrage n'est pas exempt de défauts, entre autres, d'un rythme assez lénifiant, un peu trop peut-être.
A cela, s'ajoute une enquête assez soporifique et une mise en scène plutôt conventionnelle. Bref, un thriller assez peu captivant au final malgré une interprétation (encore une fois) irréprochable.

Note : 11.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver