Du film au livre : les vies privées de pippa lee

Par Amandine97430

Synopsis Allociné: Pippa Lee s'est construite une vie confortable dans une atmosphère feutrée. Elle est dévouée à son mari plus âgé, ainsi qu'à ses enfants déjà adultes. Mais à l'approche de la cinquantaine, cette sérénité en apparence parfaite s'effrite. Pippa a connu une enfance tumultueuse et délurée où se sont mêlés sexe, drogue et rock'n'roll. Désormais, elle doit donc trouver un équilibre entre sa jeunesse troublée et la femme " trop rangée " qu'elle est devenue. Sa rencontre avec un mystérieux jeune homme va lui permettre de trouver un nouveau sens à sa vie...

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J'ai pris ce film comme ça à la médiathèque enfin pour être honnête la présence de Keanu Reeves au casting a eu raison de moi.

Au début de mon visionnage, je n'arrêtais pas de me dire " quel film loufoque ! " . Je me demandais même si j'allais continuer de le regarder. Finalement, j'ai arrêté de chercher le pourquoi du comment et j'ai tout regardé.

Par bizarre, j'entends pas au sens d'un film de Tarantino ou de Tim Burton. Ici, les personnages ont tout ce qu'il y a de plus commun, classique. Mais, il y a quand même une grain de folie par-ci par-là. A commencer par exemple par la naissance même de l'héroïne, Pippa Pee. Cette dernière m'a d'ailleurs rappelée celle de Garp dans l'œuvre de John Irving ou encore celle d'Edward Bloom dans .

On peut dire que la maman de Pippa est une des plus folles du film. Dommage que son personnage incarné par Maria Bello soit dans la surenchère comme celui de Winona Ryder. A contrario, celui de Pippa malgré sa vie tourmentée est trop éteint parfois j'ai trouvé.

Cette dernière incarne à elle seule la desperate housewive dans une banlieue résidentielle pour vieux. Encore fallait-il le comprendre puisque le sujet est à peine évoqué tout comme le pourquoi de sa présence en ce lieu ( l'explication arrivera un peu tard). C'est d'ailleurs ce que je reproche un peu à ce film. Ce dernier joue et repose trop sur les non-dits de sorte qu'il est difficile d'entrer dans le jeu et de comprendre les règles. Plein de choses nous échappent donc; un deuxième visionnage s'impose sans doute.

Pourtant, sur bien des points, le film se révèle intéressant notamment dans sa réflexion sur les femmes. Femmes qui sont souvent piégées, confinés dans leurs rôles d'épouses oubliant qu'elles sont des femmes avant tout. Des femmes comme Pippa Lee qui ont tout donné pour leur vie de famille et qui au final, se trouvent lésées quand les enfants quittent le nid. Quant aux hommes, ils ne sont pas plus chanceux toujours à la quête de la jeunesse et/ou de la mère au foyer parfaite.

J'ai trouvé dommage que le père de Pippa ne soit pas davantage traité d'autant que je trouve cet acteur charismatique ( Tim Guinee) . Il offre dans ce film une scène très réussie mais qui nous laisse sur notre faim car on ne donne jamais son point de vue à lui sur tout ça.

Ce n'est qu'à la fin du film ( ou au cours) que j'ai compris pourquoi le Figaroscope disait que ce film était " doux-amer " . On a cette impression finalement que Pippa Lee n'a pas cessé de jouer des rôles; des rôles qu'on lui a attribué mais qu'en est-il de sa propre vie, de son moi intérieur? Pippa Lee nous dit à un moment que ce n'est pas parce que les femmes se sont libérées qu'elles le sont vraiment. Tragique non? Et pourtant, tellement vrai...

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Je crains que la comparaison entre le livre et le film soient inévitables tant les deux différent. Et pourtant, ce qui est paradoxal c'est que ce soit la même personne qui ait écrit le roman et réalisé le film. Alors, pourquoi autant de différences? J'imagine qu'un film et un roman ne répondent pas au même impératif; là où le livre peut s'offrir 291 pages l'adaptation ne peut pas. Mais en allant à l'essentiel, ne risque t-on pas d'enlever l'essentiel?

C'est évidemment l'impression que j'ai eu après coup. Dans un sens, il a mieux valu que je voix le film avant de le lire car j'aurai été fortement déçu je pense tant le livre surpasse et de loin le film. En effet, tout ce qui m'avait paru loufoque et parfois incompris, revêtait ici une forte connotation psychologique liée au passé, à l'enfance de Pippa Lee.

Le relation entre Pippa et sa mère est ici plus malsaine, moins édulcorée. Elle le dit d'ailleurs à un moment: " J'étais à la fois l'amante et l'enfant de ma mère " . Pour autant, l'inceste n'est pas confirmé du moins pas physiquement mais l'emprise, la domination mentales de Suky sur sa fille est indéniable. J'ai presque envie de dire que c'était une liaison fatale.

Quant au père quasiment absent du film, est beaucoup plus présent à ma plus grande joie. Son attitude face au complexe d'Electre de sa fille ( et la maladie de sa femme), est complexe. Pippa elle-même n'y comprend rien; l'adolescence n'y arrangeant rien bien au contraire. Tente-t-il de se protéger lui et/ou sa femme ou ce qu'il a construit? Ou est-ce que tout ça l'arrange? Ou encore sa foi l'oblige-t-il à chérir ce qu'il a même si c'est imparfait et ingrat quelquefois?

Ma robe de mariée était rose très pâle. [...] J'avais l'impression d'être une novice qui prononçait ses vœux. Épouser Herb, c'était comme changer de peau, ma dernière chance d'être bonne. Je savais que si je foirais ça, je serais perdue à jamais.

La richesse du personnage font en sorte qu'il n'y a ni bon ni mauvais, ni coupable ni victime. Ce sont des gens qui font au mieux avec les armes qu'ils ont en leur possession.

Autre chose qui est quand même pas mal occulté dans le film, les relations de Pippa avec les autres à commencer avec les femmes. Ses rapports se jouent toujours sur l'amour, le désamour, la jalousie et l'admiration. Amy, son amie d'enfance, en est le meilleur exemple puis il y a sa mère et ensuite, la petite amie de sa tante Trish.

Il y a également beaucoup de sexualité sous adjacente, de quête existentielle et d'identité; avoué ou non avec les femmes de sa vie. Avec Amy, elle se cherche peut-être; avec sa mère, le cordon ombilical n'a jamais été rompu de sorte qu'elle embrassait sa mère. Et tout comme sa mère faisait avec elle, Kat fait des photos où la sensualité et la sexualité sont exacerbés mais en même temps cachés.

Avec les hommes, c'est différent mais la menace permanente de la figure maternelle n'est jamais loin. Elle dit d'ailleurs que ce fardeau est transmis de génération en génération tel un héritage (pesant) refilée de mère en fille. Même, Suky y a eu droit et c'est sans doute pour se démarquer de sa propre mère qu'elle a été dans l'excès inverse avec Pippa. Cette dernière fera à son tour tout l'inverse avec Grace, sa fille pour la protéger.

Bon, vous allez me dire quel est le rapport avec les hommes hein? Eh ben, il semble que Pippa tout comme sa mère avant elle a une image formaté de l'homme. Tout sa vie, elle a pensé que le rôle d'une femme devait être de servir son mari, ses enfants. En clair, d'être une excellente mère au foyer et une épouse attentive aux désirs du maitre de la maison. C'est d'ailleurs ce qu'elle reproche au fils de Dot, Chris incarné par Keanu Reeves. Ce trentenaire qui vit comme un nomade au lieu de se trouver un boulot sérieux.

Je vous suggère de retourner à cette petite vie que vous vous êtes fabriquée. Je suis sûr que vous êtes très heureuse sous toute cette détresse.....
" Vous avez raison, vous savez, dit-elle? Vous êtes un trouduc.
- Je vous l'avais dit. " Il se voûta au-dessus de ses dernières frites maison, agita sa fourchette. " On se revoit dans quelques pets ", conclut-il gaiement en prenant une bouchée.

Parce que l'homme (toujours plus âgé qu'elle soit dit en passant) est celui qui fait bouillir la marmite et veille à la sécurité de la maison. Pippa attend de l'autre qui la dirige, la façonne et lui offre le rôle de sa vie. Et, c'est cette illusion là qu'elle perd aux prémices de la maladie de Herb, son mari. Piégée dans Papyland, Pippa réalise enfin que c'est à elle de décider qui elle veut être; qu'elle est une femme avec des désirs, des ambitions et des rêves.

Avec Chris, elle renoue avec cette féminité perdue avec cette volonté de retrouver sa liberté après tant de nuits blanches, de bons repas concoctés avec amour et de culpabilité. Elle a vu en Herb son sauveur, son guide tel un prince charmant venu pour la sauver elle, la fille perdue. Mais, en le faisant il l'a aussi piégée en la modelant à son image.

Les hommes sont eux-aussi victime de leurs choix ou de leurs absences de choix. Ils sont piégés également par le gente féminine, par leur éducation aussi sans doute. Eux, sont les pères aimants qui ramènent l'argent. D'un côté, on pourrait presque dire qu'ils ont le beau rôle parce qu'ils échappent aux corvées domestiques et au piège du quotidien. Mais, d'un autre côté il n'assiste pas aux premiers pas de leurs enfants, ils ne voient pas et/ou ne veulent pas voir la dépression de celles qui partagent leurs vies. Oui, ils ont raté quelque chose et leur virilité masculine en prend un sacré coup. Et, le temps n'arrange rien bien au contraire.

Je pourrai continuer encore longtemps comme ça tant ce roman est d'une finesse et d'une rare intelligence tant sur la psychologie humaine que sur le portrait peu glorieux des mirages de notre société contemporaine.

Conseil final: Voir le film avant de lire l'œuvre.