genre : comédie noire, inclassable (interdit aux - 12 ans)
année : 2012
durée : 1h42
L'histoire : Elisabeth, mère de famille, est une catholique convaincue qui mène une vie paisible avec son mari et ses deux fils. A la demande du diocèse, elle accueille le père Achille dans sa famille. Mais celui-ci se livre à des attouchement sur le fils d'aîné d'Elisabeth. Par honte et désespoir, l'adolescent se suicide. Folle de douleur, la mère éplorée va désormais appliquer la loi du Talion contre toutes les soutanes qui croiseront sa route. Ca vai saigner dans les presbytères.
La critique :
Miam miam, le beau petit film polémique que voilà ! C'est acide, c'est iconoclaste, c'est un brin provocateur, bref c'est du belge. En attendant qui, sur ce blog, a entendu parler de ce film, donc Au Nom du Fils ? Je douterai qu'il y ait grand monde. Normal, film interdit ou presque et black out total en France pendant un bon moment. Pourtant, il ne s'agit pas d'une oeuvre scandaleuse qui ferait preuve d'une violence hors norme ou d'une atteinte aux bonnes moeurs, loin s'en faut.
L'affiche du film est même sympathique : "Quand La vie est un long fleuve tranquille rencontre Kill Bill" (l'affiche cinéma, elle, proclame : "C'est encore arrivé près de chez vous"). Ca a le mérite d'attirer le chaland sans pour autant être dans l'outrance et le scandale. Seulement voilà. Au Nom du Fils traite d'un sujet pour le moins épineux et pourtant devenu tristement banal de nos jours : la prédophile dans les milieux ecclésiastiques. Les plus caustiques me rétorqueront que prédophilie et curés, c'est quasiment un pléonasme.
Un secret de polichinelle qui a largement été éventé depuis des lustres. Alors pourquoi une telle interdiction ? Mystère. Ce film dérangerait-il l'épiscopat au point de vouloir le faire disparaître dans les oubliettes du Septième Art ? Pourtant, le papar François, lui-même, a récemment décidé de taper du poing sur la table et de faire le ménage au sein de l'institution et au Vatican, en premier lieu. En tout cas, vous ne trouverez pas beaucoup d'informations sur cette oeuvre étrangement (et injustement) clouée au pilori par les autorités religieuses, ainsi que la frange des catholiques les plus conservateurs.
Rendons grâce à la Fnac qui fut la seule à éditer le dvd (Amazon a suivi le mouvement par la suite) sur le territoire français. Depuis plus d'une vingtaine d'années, le cinéma belge a pris pour (bonne) habitude de nous balancer de temps à autres des petites bombes cinématographiques sur le marché. En 1992 sortait le cultissime C'est arrivé près de chez vous et en 2007, nous avions eu droit à Ex Drummer, un ovni trash méchamment secoué.
Même s'il n'est pas aussi rock'n'roll que ses prédécesseurs, Au nom du fils s'inscrit cependant dans cette lignée de films provocateurs qui n'ont d'autre but que de réveiller de leur léthargie des spectateurs anesthésiés par un cinéma trop politiquement correct. Le casting emmené par Astrid Whettnall comprend, entre autres, le toujours excellent Philippe Nahon. Attention, SPOILERS ! Elizabeth, bourgeoise quadragénaire catholique bien coincée, vit avec son mari et ses deux fils dans un charmant pavillon de banlieue. Très croyante, elle anime une émission religieuse où elle essaie de remettre les âmes égarées sur le bon chemin. En même temps, le diocèse étant dans une grande nécessité, il demande à tous les fidèles de loger des prêtres pour une durée de trois ans.
Pour la famille d'Elizabeth, ce sera le père d'Achille. En bigote convaincue, Elizabeth se réjouit de la venue d'un homme de Dieu qui va représenter, pense-t-elle, une bénédiction pour sa famille. Mais le tableau idyllique va très vite s'assombrir.
Le mari d'Elizabeth est tué dans un accident de chasse (chasse très particulière puisqu'elle consiste à tirs à vue sur une cible à l'effigie de Ben Laden) et pire que tout, son fils aîné, Jean-Charles, victime d'agissements pédophiles de la part du père d'Achille, se suicide sous ses yeux. Dès lors, Elizabeth perd tout sens de la charité chrétienne. Désormais, elle va flinguer. Malgré les conseils pleins de sagesse de son parrain, le père Taon (Philippe Nahon), elle décide d'adopter la Loi du Talion.
Oeil pour oeil, dent pour dent. Elizabeth se lance dans une folle croisade vengeresse. Du cureton le plus insignifiant à l'évêque lui-même, elle dézingue sans pitié tous les représentants de l'église qui ont le malheur de croiser sa route... Quand un cinéaste belge libre penseur, Vincent Lannoo, rencontre un cinéaste québécois catholique, Philippe Falardeau, cela donne Au nom du fils, une comédie noire, irrévérencieuse et 100 % décalée. Pourtant, le réalisateur Vincent Lannoo souffrit de mille morts pour que son oeuvre puisse sortir au grand jour.
Il fut confronté à des distributeurs tous plus frileux les uns que les autres pour débloquer les financements nécessaires. Et très vite, il s'aperçut que la censure lui mettait des bâtons dans les roues. Pourtant, en Belgique, le bouche à oreille fonctionna à merveille et le film cumula plus de 8 000 spectateurs en à peine trois semaines et sur une seule salle ! L'anathème qui frappa (frappe toujours) Au nom du Fils est incompréhensible et véritablement très exagéré.
Film blasphématoire, rien que ça ! En vérité, ce petit film, dont le style fait furieusment penser à celui de Mocky qui aurait croisé Tarantino, ne choquera guère que les grenouilles de bénitiers et quelques critiques aigries, dénuées d'un quelconque sens de l'humour. Car il est évident inconcevable de prendre un tel scénario au premier degré. S'il met le doigt sur un douloureux fait de société, le réalisateur utilise de trop grosses ficelles pour que l'histoire en devienne un tant soit peu crédible, et c'est volontaire. En aucun cas, on ne trouve le côté impie que certains dénoncent avec une vigueur risible.
Les personnages restent à leur place sans à aucun moment vilipender ou insulter la religion catholique. Les acteurs sont impeccables, avec en tête Astrid Whettnall en mère éplorée, transformée en impitoyable serial killer de soutanes. Quant à Philippe Nahon, il est parfait en vieux curé désabusé qui n'hésite pas à distribuer quelques torgnoles quand il le faut ! Le reste de la distribution est au diapason. Le petit scandale qu'il aura provoqué et la réputation sulfureuse de ce film ubuesque ne sont assurément pas mérités.
C'est, hélas, un exemple de plus de l'ostracisme qui règne à notre époque où l'on ne peut plus rien dire (ou faire) sans soulever de vagues de protestations outrées de l'intelligentsia bien-pensante. Loin d'être outrancier, le métrage de Vincent Lannoo se suit comme une fable acerbe, mordante, dont l'unique but est de bousculer les bonnes consciences. Sans commettre le moindre sacrilège cinématographique, le réalisateur s'est juste amusé à mettre quelques gouttes d'acides dans l'eau bénite...
Note :13.5/20