Au cinéma : «L’homme irrationnel»

Son tour des mœurs d’Europe de côté mais toujours aussi prolifique, Woody Allen présente hors compétition son « Irrational Man ». Retour d’Emma Stone à l’affiche après Magic in the Moonlight, arrivée en grande pompe de Joaquin Phoenix dans l’imaginaire d’écriture du réalisateur américain et rumeurs d’un renouement avec les grands thèmes qui ont transcendé son Match Point… Le Woody Allen 2015 a beaucoup de son côté pour intriguer.

L’homme irrationnel est Abe Lucas, professeur d’université fraîchement affecté à l’aile Philosophie de l’Université de Braylin, vit une crise existentielle profonde. Sa rencontre avec Jill, son étudiante, va lui apporter, plus qu’une simple idylle, un but. Et une obsession.

Joaquin Phoenix et Emma Stone sont ainsi les interprètes épatants du couple romanesque, triangulé quoiqu’en proportion moindre par l’actrice américaine Parker Posey. Romance ? L’homme irrationnel a certes moins du portrait unique que d’une longue et fascinante conversation : qu’il soit intellectuel, bavard ou profondément intime et fait de gestes, c’est le dialogue permanent entre deux personnages, deux comédiens en alchimie parfaite qui porte le film. Et qui sait assouplir un script (forcément ?) rigide quoique ciselé.

L’histoire de Jill et Abe concentre ainsi en substance les obsessions Alleniennes : nature de la morale Dostoïevskienne, place du choix, ordre et chaos… Désigné comme la suite spirituelle de Crimes & Délits et de Match Point, le film en mobilise les thèmes avec la même perversité. Les séquences de tension s’enchaînent en dégringolades impossibles, les idéals se fissurent. La cohérence des évènements rend la fable jouissive jusqu’à son dénouement.

Et c’est avec une certaine pudeur que Woody Allen filme l’aventure sentimentale de ses héros, relation criante de justesse et qui prend corps en lente métamorphoses, des mots vers les actes, de la tendresse à la fièvre. Jouant aussi de paradoxes entre distance narrative et intimisme, il assortit son récit de monologues intérieurs en off que complètent une bande-son purement illustrative. Et évoque encore un peu le registre de l’apologue qui, s’il perd en ambiguïté, ne s’épuise pas en caractère.

Léger en surface, L’homme irrationnel est une fable perverse qui renoue avec les thèmes et principes philosophiques chers à son auteur. Il est porté par un duo d’acteur au sommet, dont l’alchimie dynamise un script copieux en idées et parfois distant dans la forme.

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L’homme irrationnel. De Woody Allen. Avec Joaquin Phoenix, Emma Stone, Parker Posey, Jamie Blackley, Meredith Hagner, Ben Rosenfield, Susan Pourfar, David Aaron Baker, …

Sortie le 14 octobre 2015.