AVRIL ET LE MONDE TRUQUE (Critique)

Par Cliffhanger @cliffhangertwit
SYNOPSIS: 1941. Le monde est radicalement différent de celui décrit par l'Histoire habituelle. Napoléon V règne sur la France, où, comme partout sur le globe, depuis 70 ans, les savants disparaissent mystérieusement, privant l'humanité d'inventions capitales. Ignorant notamment radio, télévision, électricité, aviation, moteur à explosion, cet univers est enlisé dans une technologie dépassée, comme endormi dans un savoir du XIXème siècle, gouverné par le charbon et la vapeur.
C'est dans ce monde étrange qu'une jeune fille, Avril, part à la recherche de ses parents, scientifiques disparus, en compagnie de Darwin, son chat parlant, et de Julius, jeune gredin des rues. Ce trio devra affronter les dangers et les mystères de ce Monde Truqué. Qui enlève les savants depuis des décennies ? Dans quel sinistre but ?

Débuter dans l'animation est un pari compliqué. Raconter une histoire de science fiction, d'uchronie aussi. La situer en France, en plein règne de Napoléon III rajoute à la difficulté. Et c'est fort de toutes ses contraintes qu' Avril et le monde truqué brille encore plus par sa réussite. Comme Les Triplettes de Belleville ou L'illusionniste, les réalisateurs choisissent un dessin classique, sans synthèse. Aidés par la direction artistique du grand Jacques Tardi, il en résulte un beau dessin animé avec une vraie patte qui le différencie du reste de la production qu'elle soit francophone, américaine ou nippone. Le choix de Tardi est plutôt habile au vu du sujet traité. En effet, le dessinateur est réputé pour ses albums se situant dans un passé proche, que ce soit les deux guerres mondiales ou le Paris des années 50. L'action ici se déroule dans une version "alternative" de notre histoire qui nous emmène de 1920 à 1950. Sauf que dans cette version de l'Histoire, l'électricité n'a pas été découverte et Napoléon V règne sur une France à l'ambiance de vapeur digne des plus beaux univers steampunk. Cela permet aux réalisateurs Franck Ekinci et Christian Desmares, et à Tardi d'imaginer des téléphériques traversant l'Europe, des dirigeables s'accrochant aux tours Eiffel (oui, AUX) et d'ajouter à un Paris à la fois semblable et différent une couche de brume du plus bel effet.

Malgré un univers dystopique, le film aborde des thèmes extrêmement actuels. Pollution, guerre, course à l'énergie et limites scientifiques, toutes ces thématiques s'entremêlent efficacement. Car sans tomber dans la dénonciation simple ou la morale facile, Avril et le monde truqué est avant tout une histoire de famille. Une famille plongée dans une aventure pleine l'action, de rebondissements et de beaucoup d'humour. Pour porter cette histoire et donner vie à ces personnages, le choix des voix est remarquable. Une Marion Cotillard gouailleuse comme rappelant La Môme Edith Piaf ou un Jean Rochefort en papi burlesque avec une verve inimitable. Chaque rôle colle parfaitement à son personnage animé et donne une vraie crédibilité à l'ensemble. Impossible de ne pas sourire devant Darwin le chat parlant, interprété par un Phillipe Katerine aussi fou que d'habitude. Difficile d'ailleurs de ne pas penser au Chat du Rabbin à qui François Morel avait prêté sa voix dans le film de Joann Sfar. Le film arrive à alterner avec bonheur des moments d'aventures épiques par l'intermédiaire de poursuites et d'une action extrêmement bien rythmée, mais aussi par des instants émouvants autour de l'histoire d' Avril et de sa quête familiale, et souvent une vraie poésie dans les décors, dans les images et dans une mise en scène qui ne fait que mettre en valeur le travail de Tardi. Alors, et c'est peut être le seul bémol du film, il faut adhérer au style Tardi. Les visages, les postures et même ce petit côté animation traditionnelle pourraient rebuter les habitués de la synthèse parfaitement lisse et fluide. Réussissant avec habileté à innover en plongeant dans l'histoire française et la science fiction, Avril et le monde truqué peut tour à tour évoquer Miyazaki et son Château ambulant, Brad Bird et son Géant de fer mais conserve son identité unique et sa magie propre. Après Mune et le gardien de la lune , l'animation française arrive à se renouveler avec talent et l'on espère que le public suivra pour que cela continue encore longtemps.

CHEF-D'ŒUVRE

Catégories : Critiques Cinéma

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