genre : drame, biopic (interdit aux - 12 ans)
année : 1981
Durée : 2h18
l'histoire : Christiane, une jeune berlinoise de treize ans, vit très mal le divorce de ses parents et entretient une relation compliquée avec sa mère. Elle rêve de s’intégrer à une bande d'amis et de s'en approprier les codes. Lorsqu'elle sort en boîte de nuit pour la première fois, la descente aux enfers de Suzanne commence: la drogue puis la prostitution vont venir ternir le reste de sa jeunesse.
La critique :
Roman choc et coup de poing de la fin des années 1970 (1978 pour être exact), Moi, Christiane F., 13 ans, Droguée et Prostituée, écrit par deux journalistes, Kai Hermann et Horst Riest, est une biographie sur la jeune Christiane Felscherinow. Le livre connaît un vif succès dans son pays (l'Allemagne) et au-delà de ses frontières. Trois ans après sa sortie en librairie, donc en 1981, Uli Edel, réalisateur, scénariste, monteur et producteur allemand, décide de transposer cet opuscule à l'écran.
Autant le dire tout de suite, le film ne réunit pas d'acteurs très connus. A la rigueur, seule Natja Brunckhorst, dans le rôle de Christiane F., fait figure d'exception. Un propos à minorer tout de même puisque l'actrice sera toujours caricaturée à cette jeune impubère.
On note aussi la participation de David Bowie qui vient ajouter sa corde musicale à la bande originale du film, entre autres, sous les complaintes de la chanson "Heroes" ("We can be Heroes, just for one day"). Pour l'anecdote, la fameuse Christiane Felscherinow est toujours de notre monde aujourd'hui. Un vrai parcours du combattant. Presque un miracle en somme.
Désormais cinquantenaire, Christiane Felscherinow est une survivante. Aux dernières nouvelles, elle aurait même replongé dans la drogue. Triste constat... Le film homonyme retrace évidemment le parcours de la jeune éphèbe. Attention, SPOILERS ! Christiane F. a 13 ans. Elle vit avec sa mère à Berlin. Un soir, elle se rend au "Sound", une discothèque à la mode.
Elle y fait la connaissance de Detlev, toxicomane, avec qui elle lutine, s'acoquine et s'énamoure. Pour se rapprocher de lui, elle commence à se droguer, d'abord une pilule de LSD, puis l'héroine. C'est le début de l'engrenage. Bientôt, l'argent va manquer. Christiane décide de se prostituer pour se procurer de l'argent. Apprenant la mort de son amie Babsi d'une overdose, Christiane tente de se suicider.
Fidèle au matériel original, le film respecte les grandes lignes du roman de Kai Hermann et Horst Riest. Mais le long-métrage ne se contente pas de décrire le parcours cauchemardesque de notre jeune héroïne. Moi, Christiane F., 13 ans, Droguée et Prostituée se divise en plusieurs parties bien distinctes. Dans la première, le film suit tout simplement le quotidien de la jeune adolescente.
Christiane vit avec sa mère et sa soeur. Ses parents ont divorcé. Christiane ne voit plus son père. L'absence du paternel dans ce petit appartement exigu de Berlin se fait furieusement sentir. Jusqu'au jour où la soeur de Christiane quitte le foyer pour rejoindre celui du patriarche. Pour Christiane, ce départ soudain et impromptu signe sa longue déréliction en enfer.
C'est la seconde partie du film. Christiane fait alors la connaissance de plusieurs adolescents en manque total de repères. Dans un premier temps, Christiane noie son chagrin et sa peine dans les drogues sommaires. Parallèlement, elle assiste à la lente décrépitude de son nouveau petit copain, Detlev. A l'instar de son petit ami, Christiane va elle aussi plonger dans la toxicomanie. Encore une fois, bienvenue en enfer !
Le long-métrage décrit avec précision le marasme de cette jeunesse berlinoise en pleine anomie et neurasthénie mentale : les shoots, les symptômes de manque et évidemment la prostitution pour payer cette évasion dans un autre monde, ce nouvel Empyrée terrestre et illusoire. Certes, avec l'aide de son énamouré, Christiane tente de s'en sortir, de "décrocher".
Elle assiste même impuissante à la mort (par overdose) de sa bande de copains. C'est la troisième et dernière partie du film. Parallèlement, elle retrouve sa soeur, elle aussi en pleine déliquescence. Ce n'est pas seulement Christiane qui est malade, mais le monde de l'adolescence et la société toute entière. Le film est finalement le témoignage de son époque, entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, soit dix ans avant la chute du Mur de Berlin.
Comme un symbole, David Bowie chante déjà le désespoir d'une jeunesse tuméfiée et tétanisée par une société consumériste qui ne leur offre déjà plus de repères, de contraintes ni de limites. Certains évoquent déjà la naissance de la génération "X", de ces éphèbes ostracisés, incompris et vitupérés par le petit monde des adultes. D'ailleurs, les parents sont étrangement absents du film.
La mère de Christiane apparaît brièvement dans le long-métrage. Insouciante, elle semble plutôt préoccupée par sa nouvelle amourette. Nos enfants sont destinés à devenir de véritables bombes à retardements. Au mieux à finir comme de vulgaires cacochymes qui s'abandonnent à la drogue, à la prostitution, au suicide, éventuellement au crime et à la déréliction.
Tel est le message pessimiste et nihiliste véhiculé par Eli Edel. Le film fonctionne souvent comme une sorte de documentaire qui porte une regard torturé (et sans concession) sur cette jeunesse arpentant les rues sombres et sans issue de Berlin. Bref, vous l'avez compris. Moi, Christiane F., 13 ans, Droguée et Prostituée est un film coup de poing, à réserver à un public particulièrement averti.
En l'occurrence, l'interdiction aux moins de 12 ans est assez surprenante tant certaines images et séquences sont dures et d'une noirceur totale.
Note : 16.5/20
Alice In Oliver