Reign est le genre de série qui plaît ou déplaît immédiatement, mais que l'on soit fasciné par les méandres du pouvoir si dangereusement placé entre les mains d'adolescents sans expérience ou qu'on s'exaspère face au manque de respect des conventions historiques, on ne peut nier que la série ne fait jamais de sur-place. Elle avance au contraire comme un bulldozer implacable qui broie tout sur son passage. En deux saisons, on a vu un roi mourir, une reine violée, la peste et le choléra, une dame de compagnie déchue, la révolte des protestants, l'apparition des Bourbon, une variante de la reine Margot, une quantité incroyable d'intrigues de boudoir et un amalgame hilarant de conventions théâtrales ou Mary et Catherine se persuadaient que les femmes n'étaient pas autorisées à monter sur scène (chers scénaristes, vous confondez la France et l'Angleterre). Fidèle au modus operandi, la saison trois démarre sur les chapeaux de roues alors que l'on amorce le problème épineux de la succession au trône.
Si le scénario de ce premier épisode est monté en château de cartes (parfois, il ne suffirait que d'une bonne conversation à cœur ouvert pour que toutes ces machineries s'écroulent), les acteurs sont remarquablement touchants. La saison deux terminait en grande pompe avec l'arrivée d' Elizabeth d'Angleterre dans la distribution, et avec Catherine déchue (pas pour longtemps on la connaît), c'est un véritable jeu d'échec qui se joue entre les reines. Négociations militaires, offres de mariage, rappel des rejetons royaux et arrivée de pirates parfumés version Jack Sparrow, Reign balance des péripéties à tour de bras dans une ambiance plus rococo que jamais. Les costumes évoquent bien plus la maison Bourbon que celle de Valois, ces demoiselles se baladent toujours cheveux au vent et ces messieurs de la cour osent se montrer débraillés devant le roi. C'est un peu comme si les visuels reflétaient le manque de rigueur de la grande histoire, qui semble s'effriter alors que la réalité historique la rattrape. François II n'a pas régné longtemps et le destin tragique de Mary reine des Scots plane comme un nuage sombre au-dessus nos personnages. D'un certain côté, c'est là tout l'attrait de l'histoire : comment les scénaristes vont-ils sortir leur reine de ce mauvais pas ? Vont-ils suivre l'Histoire, ou se rebeller en fanfare et réécrire les évènements comme Tarantino dans Inglourious Basterds ? Mais d'un autre côté, le suspense est un peu mince pour maintenir l'intérêt du spectateur très longtemps.
Le charme de Reign, c'est surtout sa distribution. Toby Regbo se révèle captivant en roi chancelant et beaucoup plus convainquant qu'en guerrier sans peur et sans reproche. Adelaide Kane, toujours parfaite avec son visage d'ange et sa force indéniable lorsqu'elle croise le fer avec Megan Follows. Leurs histoires changent à une vitesse vertigineuse d'un épisode à l'autre, mais la constance de leurs relations est ce qui rend la série humaine. Rois, reines et tout ce que vous voulez de politique, c'est avant tout une lutte de pouvoir et d'affection entre une mère, son fils et sa belle-fille. La grande question est de savoir si la structure saura se rééquilibrer lorsque l'un de ses trois piliers sera parti. On peut regretter que certains personnages majeurs de la première et deuxième saison se retrouvent relégués au second plan (le bâtard du roi, Nostradamus, etc.) parce que la politique prend toute la place. Cela dit, si la série pouvait arrêter de jouer au tennis avec les personnages secondaires qui font de constants aller-retours entre la grâce et la disgrâce, elle gagnerait certainement en gravité, ce qui au bout de deux saisons ne serait peut-être pas une mauvaise chose.
Crédits: CW