genre: drame
année: 1941
durée: 1h59
l'histoire : A la mort du milliardaire Charles Foster Kane, un grand magnat de la presse, Thompson, un reporter, enquête sur sa vie. Les contacts qu'il prend avec ses proches lui font découvrir un personnage gigantesque, mégalomane, égoïste et solitaire.
La critique :
On ne présente plus Orson Welles, réalisateur émérite et accompli, qui a exercé une énorme influence sur le cinéma américain durant la période 1950 - 1970. Son oeuvre va bouleverser plusieurs générations de films et de cinéastes, entre autres, Stanley Kubrick, à jamais marqué par des chefs d'oeuvre tels que Citizen Kane, Le Procès, La Dame de Shanghaï et La Soif du Mal.
En l'occurrence, Citizen Kane, sorti en 1941, est considéré par l'American Film Institute comme le meilleur film de toute l'histoire du cinéma. Rien que ça... Citizen Kane constitue également le tout premier long-métrage d'Orson Welles. Artiste aux multiples facettes, à la fois cinéaste, producteur, scénariste, acteur et presdigitateur, Orson Welles obtient une totale liberté pour la réalisation de Citizen Kane.
Il semblerait que le film soit inspiré d'un personnage réel : William Randolph Hearst, un homme d'affaires américain et magnat de la presse, qui s'est réfugié dans la tristesse, la solitude et dans un immense manoir à la fin de sa vie. Pour la petite anecdote, celui-ci tentera d'interdire le film, heureusement sans succès. Au moment de sa sortie, les critiques et la presse cinéma sont plutôt partagées vis-à-vis de Citizen Kane. Si certaines exaltent les qualités du long-métrage, d'autres le vilipendent, le brocardent et le vitupèrent. Citizen Kane serait surtout le produit ou le résultat d'un réalisateur faraud, infatué, vaniteux, présomptueux et mégalomaniaque.
Bien sûr, à l'époque, Orson Welles ne le sait pas encore, mais il vient tout simplement de signer le plus grand film de toute l'histoire du cinéma.
A propos de Citizen Kane, Orson Welles déclare : "Le public est seul juge. Kane est à la fois un idéaliste et un escroc, un très grand homme et un individu médiocre. Tout dépend de celui qui en parle. Il n'est jamais vu à travers l'œil objectif d'un auteur. Le but du film réside d'ailleurs plus dans la présentation du problème que dans sa solution." La distribution du long-métrage réunit Orson Welles lui-même, Joseph Cotten, Dorothy Comingore, Agnes Moorehead, Ruth Warrick, Ray Collins et Erskine Sandford.
Attention, SPOILERS ! Un vieil homme meurt seul dans son immense forteresse de Xanadu après avoir énoncé sa dernière parole :"Rosebud". Une bande d’actualités rappelle les traits essentiels de son existence : homme immensément riche, propriétaire de quantité de journaux, collectionneur immodéré d’oeuvres d’art, Charles Foster Kane débuta sa carrière grâce à la fortune de sa mère.
Marié à la nièce du président des Etats-Unis, un scandale mit fin à cette relation avant que son ex-femme et son fils périssent dans un accident d’avion. Sa carrière politique prit fin au même moment. Il épousa une chanteuse d’opéra, qui demanda également le divorce. Cette vie intéresse un directeur d’agences qui dépêche un de ses journalistes, Thompson, afin de connaître la signification du dernier mot prononcé par Kane. Pour ce faire, Thompson compulsera les mémoires de Thatcher, à qui la mère de Kane le confia pour parfaire son éducation, et interrogera les familiers ayant survécus au magnat de la presse.
Des flash-back montreront ainsi les récits de Bernstein, qui contribua au succès du premier journal de Kane, l’Inquirer, Leland, ami intime et chroniqueur dramatique à l’Inquirer mais que Kane finit par rejeter, Susan Alexander, la seconde épouse que Kane voulut transformer en chanteuse lyrique et Raymond, le majordome de Xanadu.
Comment expliquer le succès phénoménal et la réputation de Citizen Kane ? Probablement à cause de sa technicité et de sa virtuosité au niveau de la mise en scène. Orson Welles a recours à la profondeur du champ, omniprésente sur toute la durée du film. Ensuite, le réalisateur varie les effets de plongée et de contre-plongée en fonction des humeurs de son personnage principal.
En vérité, Citizen Kane a déjà été analysé, décortiqué et "radioscopé" (si j'ose dire) par de nombreuses critiques cinémas, particulièrement panégyriques (aujourd'hui) sur cet immense classique du noble Septième Art. En tant que vulgaire cacographe, je vais tenter d'apporter ma modeste pierre à l'édifice. Citizen Kane s'ouvre et se termine sur une pancarte : "No trespassing".
Cette pancarte est forte en symbole. En ce sens, Citizen Kane a presque une dimension psychanalytique et indicible, dont le but est de pénétrer à la fois dans l'enceinte isolée et presque fortifiée de Charles Foster Kane, un magnat de la presse qui baigne dans l'opulence. Pourtant, ce capitaliste fortuné n'est pas ce nabab faste et despotique. Dès l'introduction du film, Orson Welles nous présente un vieil homme anomique en plein marasme et décrépitude.
Rongé par les remords, il prononce un dernier mot : "Rosebud"... Telle est la dernière épitaphe (pour le moins) énigmatique et le dernier soupir poussé par cet homme abandonné de tous. Un journaliste enquête sur la vie de cet industriel médiatique et politique. C'est probablement pour cette raison que certaines critiques de l'époque y voient un film mégalomaniaque.
Dans un premier temps, Orson Welles décrit un chef d'entreprise particulièrement ambitieux. Charles Foster Kane ne contrôle pas seulement la presse. Il veut prendre le pouvoir et exercer une influence despotique et infrangible sur la société toute entière. Clairement, Orson Welles s'identifie et se personnifie à travers ce personnage à la fois ténébreux, mystérieux et fallacieux.
A l'instar de son protagoniste principal, lui aussi cherche à s'imposer, avec ce tout premier long-métrage, comme un parangon de technicité et de virtuosité dans l'univers du cinéma. Orson Welles multiple les gros plans sur les lèvres d'un Charles Foster Kane à l'agonie pour nous emmener finalement à l'extérieur d'une demeure (un château en l'occurrence) cossue, étrangement esseulée au beau milieu d'un paysage obombré, désertique et chaotique.
En ce sens, Citizen Kane apparaît comme la quintessence du film noir, un style qu'affectionne tout partiulièrement Orson Welles, et qu'il réitérera par la suite avec La Soif du Mal, dans un tout autre genre néanmoins. Dans Citizen Kane, il est aussi question de mouvement, d'espace mais aussi du temps qui passe. On pourrait presque y voir une oeuvre cosmologique à travers le regard et les longues homélies du narrateur. Celui-ci nous propose une véritable plongée dans la vie de Charles Foster Kane, cet homme à la stature imposante, mariée à une femme callipyge.
Pourtant, ses nouvelles responsabilités de mari, de père et de magnat de la presse ne l'empêchent pas de lutiner et de s'énamourer avec une jeune "cantatrice" (un terme vraiment à guillemeter tant les talents vocaux de cette dernière laissent à désirer) seulement âgée de 22 ans.
A partir de là, la gloire et la célébrité de Kane s'amenuisent pour laisser place (peu à peu) à un espace de plus en plus sombre et corseté. Doucement mais inexorablement, la pièce se referme jusqu'à l'inéluctable, à savoir le glas et la longue déréliction de Charles Foster Kane. "No Trespassing" symbolise à la fois ce château quasi fortifié et l'âme impénatrable du protagoniste principal.
Quel est le mystère qui nimbe la dernière locution de Kane, "Rosebud" ? La réponse se trouve évidemment dans le traumatisme infantile et désormais dans les flammes de l'enfer, à l'image de cette luge (c'est presque le plan final...) s'embrasant dans un four anonyme. Bref, une telle oeuvre mériterait sans doute un meilleur niveau d'analyse. En l'état, Citizen Kane n'a pas usurpé son statut d'immense classique du cinéma. Un sommet dans son genre, tout simplement !
Note : 20/20
Alice In Oliver