Objectif et besoin : deux éléments fondamentaux qui permettent d’approfondir une histoire. En travaillant l’objectif de votre personnage central mais aussi ses besoins particuliers, votre histoire ne sera pas accusée de superficialité.Dans la plupart des histoires, un personnage central a un objectif conscient. Il a une mission qu’il a pris en charge et qu’il doit mener (du moins s’en est-il convaincu) à bon terme. L’objectif est ce que extérieurement votre héros aspire. Extérieurement signifie que cet objectif est à la fois connu du lecteur et du personnage, ce qui le rend palpable car cet objectif est aussi connu de tous les personnages de cette histoire.
Ce qui permet de déterminer un objectif est que cet objectif est généralement contrecarré par une force antagoniste. Cette force quel qu’elle soit rend presque impossible la réussite de l’objectif. Cette force a soit le même but que le personnage principal et bien évidemment, cet objectif ne se partage pas. Ils sont donc en compétition pour l’obtention d’un objectif unique. Soit pour des raisons tout à fait personnelles à l’antagoniste, celui-ci va s’opposer au protagoniste (généralement, il ressort une intention de nuire manifeste même si l’objectif n’est pas au centre des préoccupations de l’antagoniste, sa volonté indéfectible de nuire au héros est tout aussi forte si ce n’est plus que la réussite de l’objectif pour le héros).
Le besoin
Sous cette volonté d’accomplir un objectif visible par tous repose un besoin conscient ou inconscient. Ce besoin (généralement insconscient) a souvent à faire avec l’image de soi, ou bien il s’agit de trouver l’amour ou de vivre une vie meilleure. Gardez à l’esprit que le personnage n’a probablement pas conscience de ce besoin. Melvin Udall (Pour le pire et pour le meilleur de Mark Andrus et James L. Brooks) est provocateur, insolent, égoïste. En découvrant peu à peu qu’il peut s’occuper d’autre chose que de lui-même (c’est ce qu’illustre son arc dramatique), il va découvrir l’amour et une vie bien meilleure que celle qu’il vivait (et qui lui convenait au début de l’histoire).
Lorsque vous créez votre personnage, il vous faut imaginer ce qui lui manque pour être vraiment heureux, pour s’accomplir pleinement. Vous identifiez ainsi un besoin pour ce personnage. Ce besoin est capital car il vous permettra de rendre licite les actions et réactions de celui-ci.
Vous vous rendrez compte aussi que l’objectif extérieur ne pourra être atteint que lorsque le personnage aura comblé ce manque dans sa vie. Le besoin interne peut jouer soit contre l’objectif, soit le supporter mais encore une fois, ce besoin devra être résolu pour que l’objectif externe soit résolu (il arrive parfois aussi que le besoin interne motive l’objectif externe. Dans ce cas, l’objectif visible est créé pour satisfaire le besoin interne du personnage).
Vous pouvez constatez que votre muse a plusieurs combinaisons à sa disposition. Ne vous en privez pas. Pourtant, cette aspiration ne peut rester cachée du personnage tout au long de l’histoire. Dans une histoire correctement structurée, il y a toujours un moment de crise où le personnage prend soudain pleinement conscience de son besoin. Voir nos articles sur la structure pour comprendre quels sont les points majeurs qui proposent ainsi des tournants importants soit de l’histoire, soit de la personnalité du personnage.
La faille
Alors que l’objectif extérieur se voit contré par une force antagoniste visible, le besoin interne d’un personnage se voit lui aussi empêché. Il ne s’agit cependant pas d’un intervenant extérieur. Tout se passe dans l’intériorité du personnage.
En effet, il existe dans sa personnalité une faille, un défaut qui bloque la satisfaction du besoin. Cette faiblesse du personnage sert d’opposition interne à un besoin interne. Et bien que le personnage ne soit pas conscient de son problème personnel (du moins pas immédiatement), ce n’est pas le cas du lecteur qui est très vite informé de cette faiblesse (elle s’illustre dans le comportement du personnage à travers des situations spécifiques).
La faille majeure d’un personnage de fiction prend souvent sa source dans le passé du personnage, généralement l’enfance. Notez que ce passé n’est généralement pas montré, des bribes de celui-ci sont cependant toujours vivaces dans le présent de la narration sous une forme ou une autre (souvenirs, révélations d’autres personnages…).
L’Opening Image (la séquence d’ouverture de votre histoire) peut donner les informations relatives au passé du personnage et qui ont profondément meurtri celui-ci. Depuis cette blessure, le personnage n’agit pas comme il le devrait devant les situations (comportement inapproprié que l’on peut parfois qualifié d’étrange, ou bien encore blessant envers les autres personnages).
Le personnage subit cette blessure, il en porte les stigmates tout au long de son aventure jusqu’à ce qu’il en soit guéri à la fin de l’histoire (son arc dramatique est ainsi complété).
A lire :
LA PSYCHOLOGIE DU PERSONNAGE
Considérons Jumeaux de Ivan Reitman. Vincent Benedict est le personnage central. Il n’est pas nécessairement celui qui fait avancer l’intrigue mais l’histoire se focalise autour de lui et de son objectif visible, conscient et mesurable de 5 millions de dollars.
Il y a une forte opposition à ce but qui s’incarne sous les traits d’un véritable méchant qui veut lui aussi ce trésor. Un seul trésor et aucune possibilité de partage : l’antagoniste veut la même chose que le héros.
Nous avons ainsi une faille majeure dans la personnalité de Vincent. Cette faiblesse s’explique dans le fait de l’abandon de sa mère et qu’il fut très jeune livré à lui-même et qu’il déduisit (à tord) qu’il valait mieux filouter les gens plutôt que de se faire avoir par eux.
Pour changer, Vincent devra abandonner son égoïsme et cet apitoiement qu’il porte sur lui-même afin d’aller à la rencontre de ce qu’il désire vraiment (voire même de sa véritable nature).
Vous constaterez que les données changent selon les histoires mais le motif de cet arc dramatique se retrouvent presque chez tous les héros.
Jumeaux est aussi très intéressant car le besoin et l’objectif vont poser un dilemme à Vincent : soit il s’échappe avec l’argent (son objectif) mais quelqu’un menace la vie de son frère (son besoin).
Que décidera-t-il ?
Au moment du climax, le point de crise maximale pour le héros, Vincent décide de sauver son frère. Il abandonne volontairement l’argent pour sauver la vie de son frère. Vincent est devenu meilleur. Et ce n’est qu’au moment de cette crise qu’il réalise son besoin. C’est ainsi que la cicatrice de son enfance s’est refermée (définitivement). L’auteur donne à son lecteur ce qu’il veut : il évite ainsi la frustration du lecteur, un sentiment toujours léthal pour une histoire.