Forced Entry - 1973 (Ultra violence, porno crade et LSD)

Par Olivier Walmacq

Genre : horreur, trash, pornographique (interdit aux moins de 18 ans)
Année : 1973
Durée : 1h24


L'histoire : Un vétéran du Viet Nam, reconverti en pompiste dans la vie civile, est victime d'hallucinations et de délires. Il profite de brefs échanges avec des femmes de passage dans sa station service, pour obtenir leur adresse, abuser d'elles sous la contrainte et les massacrer. Alors qu'il tente d'agresser un couple de lesbiennes, celles ci le prennent à son propre jeu. Il finira par se suicider.

La critique :

Amis de la poésie et du bon goût, bonjour. Aujourd'hui, j'aimerai vous présenter un vieil ami: Forced Entry. Un film sévèrement burné, dans tous les sens du terme.  Voici son histoire... Tout commence en 1972 avec le triomphe planétaire d'un film pas comme les autres nommé Deep Throat (Gorge profonde pour les intimes). Avec lui, commence l'ère du porno chic. A savoir de bons acteurs, de vrais scénarios, des dialogues qui tiennent la route et bien sûr, du sexe à gogo (ça fait rêver non ?). 
Surfant sur cette vague inopinée (sans jeu de mots), et sortant immédiatement après, deux autres films connaîtront également un succès considérable: Beyond the green door et Devil in Miss Jones. Le film pornographique était entré dans les moeurs et, en plus, il était à la mode. Saisissant la balle au bond, Shaun Costello en profite pour réaliser Forced Entry. Mais, avec lui, le ton et le style vont s'avérer radicalement différents !

A l'ambiance smocking et paillettes du porno chic, Costello préfère le bleu de chauffe et les flatulences du porno crade, le tout agrémenté d'un gore qui tâche. Voici donc que naît ce film mutant. Oui, car en 1973, on ne mélangeait pas les genres. Soit on allait voir un film d'horreur, soit un porno. Forced entry est, en quelque sorte, un pionnier. Evidemment, de nos jours, on saute allègrement le pas (Baise moi, Exitus interruptus, Rossa Venezia...), et plus personne ne s'en étonne. 
Mais à l'époque, ce film provoqua un joli scandale, fut même classé X avant d'être tout simplement interdit. Il faut dire qu'en plus de montrer des fesses et de l'hémoglobine, le réalisateur introduit (oups désolé) dans son histoire, un propos carrément anti-militariste, donc carrément mal vu en cette période de guerre du Viet Nam. Forced Entry peut aussi être considéré comme le premier film prenant cette guerre en trame de fond, bien avant les Taxi Driver, Rambo et autres...

Attention spoilers: L'histoire peut tenir largement sur un confetti. Voici notre bonhomme (on ne saura jamais son nom) de retour au pays de l'Oncle Sam. Ayant laissé quelques neurones dans ses mésaventures, il revient fortement secoué des méninges et toujours en guerre. Mais en guerre contre cette société qui l'a envoyé au casse pipe au nom de principes qui ne sont pas les siens. Du fait de son métier de pompiste, l'énergumène a tout loisir de lier brièvement connaissance avec des femmes venant faire le plein de carburant. C'est ainsi que par quelques subterfuges, ou pour un motif futile, il va s'arranger pour connaître leur adresse. Parmi ses proies, il choisira des bourgeoises de préférence car c'est la bourgeoisie qu'il rend, avant tout, responsable de son malheur. 
Coiffé de son indévissable casquette, ce type d'apparence insignifiante (ne vous attendez pas à voir débarquer Leatherface !), va arpenter les rues de New York afin de satisfaire ses bas instincts. Ainsi, il pénétrera chez ces femmes sans défense, les forcera à des relations sexuelles dégradantes et, sans jamais leur laisser la moindre chance, les exécutera d'une balle dans la tête ou par égorgement. Complètement névrosé et psychopathe, il associe constament chaque geste qu'il fait, chaque situation qu'il vit, à un même geste, une même situation qu'il a vécu au Viet Nam.

De ce fait, le cours du film est fréquement interrompu par des flahback montrant de réelles images de guerre. Le sommet du nauséabond sera atteint lorsqu'en même temps que le forcené éjacule sur la croupe d'une victime, on aura droit à des images de cadavres d'enfants vietnamiens alignés en une rangée sans fin. Franchement, je n'ai pas bien saisi le rapport. Costello associe-t-il, peut être, l'orgasme à la mort ? Quoiqu'il en soit, je n'ai pas trouvé d'explication logique sur l'intérêt d'une telle scène. 
Le film s'achèvera de façon bizarre...En voulant agresser un couple de lesbiennes junkies en train de faire l'amour (celles ci, sous l'effet de LSD, n'auront pas peur de la mort et se moqueront de lui), notre pompiste meurtrier perdra complètement les pédales et se tirera une balle dans la tête. Voilà, voilà... Alors que penser d'un tel film ? D'abord retenir que c'est une oeuvre engagée et délibérément pacifiste (!). L'histoire débute, d'ailleurs, sur le constat d'un médecin, énumérant les troubles mentaux occasionés par la guerre, sur les vétérans.

Cependant le propos anti militariste de Costello ne m'apparaît qu'être un prétexte à une mise en scéne perverse, tordue et exhibitionniste. Ne perdons pas de vue qu'il s'agit d'un porno et que tout est montré en TRES gros plan (l'acteur appuiera même son sexe contre la caméra avant de la baptiser de quelques gouttes de sa virilité !). Mais c'est tout le contraire d'un film pornographique classique où tout est mis en oeuvre pour susciter l'excitation. Non, ici les femmes ont des bourrelets de graisse et des poils sous les aisselles... Le réalisateur ne fait rien pour attirer le spectateur. 
Au contraire, il le bouscule, l'agresse, le pousse dans ses derniers retranchements quitte à l'écoeurer... Au niveau de la réalisation, on touche les bas fonds de l'underground, si je peux oser ce pléonasme. La "qualité" de l'image est affreuse (la bande originale fut perdue puis retrouvée et rafistolée bien années plus tard), le ronronnement de la caméra est omniprésent et le perche-man a tendance à répandre son micro un peu partout ! Forced Entry, même ceux qui ne parlent pas anglais auront compris le double sens du titre...

Si nous restons objectifs, nous sommes obligés d'admettre que nous avons à faire à un mauvais film. Toutefois, par son côté pionnier et jusqu'au-boutiste, par sa brutalité quasi bestiale que (même de nos jours) très peu de films peuvent égaler, par la polémique née de son extrêmisme, Forced Entry aura vraiment marqué son époque et les esprits.


Note (généreuse) : 11/20

 Inthemoodforgore