Le Fils de Saul (2015) de Laszlo Némès

Par Seleniecinema @SelenieCinema

Un film très attendu suite à son Grand Prix au festival de Cannes 2015, confirmé ensuite pars a nomination à l'Oscar du Meilleur Film étranger qui aura lieu début 2016. Un joli buzz avec des critiques dithyrambiques et, au vu du sujet, le soutien moral de Claude Lanzmann réalisateur du documentaire "Shoah"... Bref, "Le Fils de Saul" semble être le nouveau chef d'oeuvre sur ce sujet épineux depuis "La Liste de Schindler" (1993) de Steven Spielberg... Malheureusement il s'agit d'un grande et belle déception !... Tourné sur pellicule afin d'accentuer le grain et le sentiment d'oppression, le metteur en scène avoue s'être inspiré du chef d'oeuvre "Requiem pour un massacre" (1985) de Elem Klimov. Bon choix. Mais le réalisateur fait aussi le choix radical du caméra à l'épaule en filmant en gros plan son personnage principal sur 95% du film en laissant l'arrière-plan en flou. Il mise tout sur les effets sonores et l'imagination du spectateur. Audacieux certe mais on reste surtout hors émotion.

En effet l'acteur principal qui est de quasi tous les plans ne transmet rien. L'acteur, Géza Röhrig, est un poète hongrois vivant à New-York dont le réalisateur dit : "... j'ai pensé à lui. Sans doute car tout est mouvant et mouvement chez lui, sur son visage et sur son corps : impossible de lui donner un âge, il est à la fois jeune et vieux, mais il est aussi beau et laid, banal et remarquable, profond et impassible, très vif et très lent ; il bouge, remue vite, mais sait égalementtrès bien garder le silence et l'immobilité."... Sur le film on en peut franchement pas être d'accord, il offre un visage impassible et sans la moindre once d'émotion et/ou de ressentiment ce qui est difficile à admettre dans un tel contexte. Si ce n'est l'acteur alors il y a un soucis de direction de la part du cinéaste. Mais il y a aussi le soucis de la vraisemblance car il est tout aussi difficile d'être avec le personnage dans une quête qui tient difficilement la route. Un homme des SonderKommando qui, tout d'un coup, se trouve un fils et fait tout pour lui faire une sépulture digne de ce nom ?! Au détriment de sa vie, de la vie des autres, de sa liberté (peut-être), et aussi soudainement comme d'une envie de pisser ?! Il manque un cadre plus probant sur ce point. Ajouté à l'immobilisme facial du "héros" on est émotionnellement trop mis à l'écart. La vraie force du film est d'avoir voulu une plongée immersive et viscérale dans l'extermination à Aushwitz, et on salue le travail et l'audace d'un tel projet. Sauf que on ressent rien de viscéral, on est d'autant plus déçu (et c'est peu de le dire !) que la quête presque mystique de Saul vampirise le thème de fond. Intéressant et évidemment nous sommes de toute façon pris dans la tole de fond mais ça reste une oeuvre qui finit quasiment en hors sujet. Sans doute la plus grosse déception de l'année...

Note :