genre: action, film noir
année: 1999
durée: 1h56
L'histoire : C'est au milieu des oiseaux, dans une cabane perchée sur le toit d'un immeuble abandonné, que Ghost Dog étudie un ancien texte samouraï. Ghost Dog est un tueur professionnel qui se fond dans la nuit et se glisse dans la ville. Quand son code moral est trahi par le dysfonctionnement d'une famille mafieuse qui l'emploie de temps à autre, il réagit strictement selon le code samouraï.
La critique :
En l'espace de trois décennies, Jim Jarmusch est devenu le chantre du cinéma indépendant américain. Des films tels que Mystery Train, Stranger Than Paradise, Dead Man et Broken Flowers lui ont permis d'asseoir sa réputation et sa notoriété. En l'état, Jim Jarmusch est le digne représentant d'un cinéma intellectuel, néanmoins accessible au grand public.
Avec Ghost Dog, la voie du samouraï, sorti en 1999, le réalisateur cherche à casser cette image et à varier les plaisirs. Au moment de sa sortie, le film est salué et plébiscité par la presse et les critiques cinéma. Pourtant, au cinéma, Ghost Dog ne remporte qu'un succès d'estime. La distribution du long-métrage réunit Forest Whitaker, John Tormey, Cliff Gorman, Tricia Vessey, Henry Silva et Isaach de Bankolé.
Attention, SPOILERS ! C'est au milieu des oiseaux, dans une cabane perchée sur le toit d'un immeuble abandonné, que Ghost Dog étudie un ancien texte samouraï. Ghost Dog est un tueur professionnel qui se fond dans la nuit et se glisse dans la ville. Quand son code moral est trahi par le dysfonctionnement d'une famille mafieuse qui l'emploie de temps à autre, il réagit strictement selon le code samouraï.
Ghost Dog considère Louie comme son maître à la suite d'un incident survenu huit ans auparavant. Mais ce dernier fait partie de la mafia italienne locale locale. Quand la fille du « Parrain » devient le témoin d'un des contrats de « Ghost Dog », celui-ci semble alors bien gênant pour les mafieux qui décident de s'en débarrasser au plus vite.
Bien étrange que ce Ghost Dog, la voie du Samouraï. Avant tout, le film est un hommage appuyé et à peine déguisé à Le Samouraï de Jean-Pierre Melville (1967). Ainsi, on retrouve dans le film de nombreuses références et allusions au chef d'oeuvre de Melville : un tueur à gage solitaire dont les seuls compagnons sont des volatiles (en particulier des pigeons), le port et l'utilisation de gants blancs, le rôle des oiseaux dans les deux films qui alertent de l'intrusion de l'ennemi et bien sûr la conclusion finale, que je ne dévoilerai pas dans cette chronique...
A l'instar du héros de Jean-Pierre Melville, Jim Jarmusch nous propose de suivre les pérégrinations d'un personnage hors-norme, taciturne, flegmatique, coi et charismatique.
Jim Jarmusch a l'excellente idée de faire appel aux services de Forest Whitaker. Pourtant, l'acteur ventripotent ne correspond pas forcément à l'idée que l'on se fait d'un samouraï. Contre toute attente, Forest Whitaker est totalement habité par son personnage. C'est donc avec grâce, élégance et sobriété que l'interprète emprunte toutes les gestuelles et les postures de ce tueur à gages énigmatique, grand amoureux de la littérature japonaise.
Pourtant, cette existence quiète est ponctuée par quelques sorbets de glace au chocolat et une amitié solide et indéfectible avec Raymond, un marchand de glaces ; et une jeune gosse encore impubère. Jim Jarmusch ne se focalise pas seulement sur son protagoniste principal.
Dans Ghost Dog, les personnages secondaires tiennent eux aussi une place prépondérante. A l'image de Raymond, qui parle un jargon incompréhensible, en l'occurrence le yoruba, et qui laisse ses interlocuteurs pantois. C'est donc avec de solides références que Jim Jarmusch nous assène Ghost Dog. J'ai déjà cité Le Samouraï de Melville, mais comment ne pas évoquer les westerns spaghettis qui se transforment ici en western urbain, ainsi que les films d'Akira Kurosawa, entre autres, Rashomon ?
Dans Ghost Dog, l'espace et le mouvement sont littéralement confondus et indissociables. Ainsi, la caméra de Jarmusch se focalise parfois sur une nature aérienne pour se concentrer ensuite sur une action plus dense et brutale, à l'image des incursions violentes de son héros principal.
Le long-métrage est régulièrement entrecoupé par la philosophie et les préceptes du samouraï, dictés par la voix-off d'un narrateur. Dans Ghost Dog, il existe cette étonnante fragilité existentielle : cet oiseau qui se pose sur le fusil du héros avant que celui-ci ne décime ses anciens patrons, les parties d'échec avec Raymond, cette tristesse insondable devant la dépouille déchiquetée d'une aronde...
Avec Ghost Dog, Jim Jarmusch revisite à sa manière la dialectique du maître et de son vassal. Encore une fois, Ghost Dog considère Louie comme son sauveur, c'est pourquoi il le traite comme son maître, qu'il se doit de protéger à tout prix. En effet, au début du film, un flash-back nous montre Ghost Dog se faisant passer à tabac par des gangsters, puis Louie arrive et lui sauve la vie.
Délicieux paradoxe, le vassal est l'exact opposé de son maître. Alors que Ghost Dog a épousé les thèses et les préceptes des samouraïs : orgueil, honneur, bravoure et fierté, Louie est décrit comme un voyou ordinaire, fallacieux et finalement sans grande personnalité. Vient également s'ajouter une musique hip-hop, composée par les soins de RZA, membre du Wu Tang Clan, qui confère à cet étrange polar, une noiceur indicible, une grande mélancolie.
Note : 16.5/20
Alice In Oliver