Depuis quelques années à la télévision, on délaisse le camp des héros sans peur et sans reproche façon John Wayne pour s'intéresser de plus près aux antagonistes. Walter White, de Breaking Bad en est sans doute l'un des exemples les plus frappants et c'est avec délice que le public se plonge dans le monde de ce prof de chimie qui se transforme peu à peu en monstre d'orgueil assoiffé de pouvoir. Comparés aux portraits psychologiques ultra-nuancés de personnages comme Francis Underwood, Tony Soprano et autres Jax Teller, les héros traditionnels, vertueux chevaliers défenseurs de la veuve et de l'orphelin, commencent à paraître un peu insipides. Et nul anti-héros n'est aussi fascinant que le méchant par excellence, celui que tous les détectives du monde s'acharnent à retrouver avant qu'il ne fasse plus de victimes : le tueur en séries.
L'assassin récidiviste est en effet devenu un des piliers les plus intéressants de la télévision moderne. Le public se lasse très vite du policier balourd en manque d'amour et de whisky pour se glisser, frémissant d'impatience, dans l'esprit parfois sournois, et parfois franchement maladif de celui qui commet les meurtres. C'est un tour de force considérable, et un challenge stimulant pour les scénaristes, de nous installer dans la tête d'un criminel et de nous pousser à avoir de l'affection pour lui. La série de Showtime Dexter, est sans doute l'un des chef-d'œuvre du genre, grâce à l'alliance d'un script charpenté comme une cathédrale gothique et de la performance de Michael C. Hall, acteur émérite, phénoménal de subtilité. Plus récentes, on peut également citer Hannibal de Bryan Fuller sur NBC et la série britannique The Fall comme deux excellentes illustrations du concept. Si Hannibal joue sur les visuels lustrés et quelque peu ésotériques, The Fall se fonde sur l'égalité des deux adversaires, et transforme l'enquête policière classique en un véritable jeu d'échecs.
Petite dernière dans la lignée de ces séries troubles qui s'imposent comme grandes favorites du public : Wicked City. La comparaison avec Dexter est inévitable puisqu'en seulement dix minutes, notre héros Kent ( Ed Westwick) a déjà trucidé une pauvre fille ramassée dans un bar. Petite surprise cependant : il renonce à tuer sa deuxième victime Betty ( Erika Christensen) quand il apprend qu'elle a des enfants. Il aura fallu aux scénaristes une vingtaine de minutes pour nous donner le code de conduite du héros et ses failles. Naturellement, Kent ne va pas pouvoir continuer à massacrer les filles en paix, puisque l'inspecteur Jack Roth ( Jeremy Sisto) et son collègue Paco Contreras ( Gabriel Luna), que soit dit en passant Jack ne peut pas voir en peinture, sont chargés de l'affaire. S'ensuivent un enchaînement de scènes glauques qui se veulent parfois érotiques et de nombreuses démonstrations de virilité parmi ces mâles de la police. Ah oui, et on est en 1982, ce qui nous donne droit à moult fioritures en matières vestimentaires et capillaires.
Si Wicked City voulait cacher ses influences, c'est raté. On retrouve la pâte de Dexter dans le comportement de Kent, depuis son besoin insatiable de tuer et la présence d'un certain code d'honneur dans sa façon de procéder jusqu'à son attirance pour une femme aux tendances violentes (cristallisées dans cette scène où Betty écrase une araignée). Visuellement la série s'en sort plutôt bien, recréant l'ambiance sulfureuse de Sunset Strip dans les années 80 et la violence est traitée de manière intéressante. Cela dit, pour un pilote, ça manque un tout petit peu de punch et de charisme dans l'ensemble, et on ne peut pas dire que l'épisode vous laisse pantelant et mort d'envie de savoir la suite. A voir comment tout cela évolue dans les prochaines semaines.
Crédits: ABC