" Né en 1971, CHOI Dong-hoon est diplômé de la Korean Academy of Film Arts, avant de travailler comme assistant d'IM Sang-soo sur le film TEARS en 2000. Il réalise son premier film en 2004, THE BIG SWINDLE, avant TAZZA: THE HIGH ROLLERS en 2006 et WOOCHI en 2009. THE THIEVES réalisé en 2012 devient en quelques semaines le film coréen le plus populaire de l'histoire avec plus de 13 millions d'entrées. ASSASSINATION est son 5ème film. "
J'ai lu que Assassination est votre premier film tournant autour d'un sujet historique. Pourquoi avoir choisi cette thématique ? Était-ce une idée que vous aviez depuis longtemps ?Cela fait déjà 9 ans que j'avais envie de faire ce film. J'avais en fait besoin de beaucoup étudier sur cette thématique et j'ai beaucoup réfléchi à comment la rendre intéressante comme il s'agit d'une période très sombre pour la Corée.
Ca a commencé par le fait que j'ai étudié plein de bouquins sur l'histoire des années 30 et je suis tombé par hasard sur des vieilles photos des soldats de la résistance de l'époque, donc je me suis dit que je pouvais raconter une histoire autour de ça.
Les livres étaient vraiment pour étudier. J'ai écrit le scénario en réfléchissant autour de la vie de l'héroïne.
Est-ce une personne réelle qui vous a donc inspiré ?Non, non, absolument pas. En réalité, il n'y a que deux personnes qui ont existées dans l'histoire de la Corée qui sont aussi présents dans le film. A chaque fois, j'ai toujours essayé de chercher si ce genre d'évènement s'est réellement passé dans ou non, mais il n'y avait pas d'histoires similaires dans ce cas-là.
Pourquoi avoir choisi un rôle féminin pour mener votre film ?Parce que je trouvais ça trop typique de donner le rôle du héros à un homme dans ce genre d'histoire. Je voulais montrer tout cet acheminement très difficile qu'une femme doit traverser parce qu'elle va évidemment rencontrer des difficultés dans sa mission. Et je voulais montrer tout ça.
J'avais commencé à écrire le scénario juste après mon film The Thieves puis après j'ai eu une coupure suite à laquelle j'ai recommencé le scénario à zéro.
J'ai commencé à écrire le scénario et ça a duré 6 mois, mais à un moment je me suis dit que j'arriverai jamais à le finir donc je l'ai mis de côté. Entre temps, il y a une boîte Hollywoodienne qui m'a contacté pour me proposer un projet donc j'ai commencé à travailler avec eux, mais le sujet de Assassination me trottait toujours dans la tête donc j'ai refusé et j'ai repris le scénario pour le finir.
Entre la première version du scénario et la version finale y a-t-il énormément de différence ?Oui, il y en a beaucoup. Un élément commun, c'est la mort Yeom Seok-jin, le traître.
Les sets de tournage sont plutôt impressionnants. Combien de temps cela a-t-il pris pour les construire ?Je pense que la pré-production a duré environ 8 mois. J'ai tourné pendant 1 mois sur des sets fabriqué en Chine à Shanghai et le reste pendant 4 mois, j'ai tourné des scènes directement en Corée.
Je me suis beaucoup pris la tête pendant la production de ces sets avec le designer de la production. Pour s'encourager, on s'est posé la question "Qu'est-ce qui est le plus dur de créer le Séoul des années 30 ou un OVNI ?" Mais au final, on s'est dit qu'un OVNI, ça doit être beaucoup plus simple à faire.
Avez-vous eu des contraintes pour le tournage de vos scènes avec les sets construits ?Dès le moment où j'ai commencé à écrire le scénario, j'avais tout planifié. Par exemple dans la rue où on voit cette explosion dans le magasin d'essence, j'avais déjà tout calculé pour les rues, les longueurs, les hauteurs des bâtiments ... C'était donc déjà planifié de montrer certaines parties du décor et gérer l'espace.
Y a-t-il le moindre effet spécial utilisé pour Assassination ?Dans les scènes actions, il n'y avait pas vraiment d'effets spéciaux. Mais il y a des effets spéciaux quand vous regardez les décors avec les montagnes au loin. Et sinon ce qui est un peu bête, c'est que dans les années 30 en Corée, il n'y avait pas beaucoup de voitures. Mais comme j'avais besoin de faire plein de trou avec des mitraillettes, j'étais obligé d'acheter des voitures parce que les modèles de cette période là n'existent plus en Corée.
J'ai dû faire venir des voitures des États-Unis. Mais elles ne roulent pas très vite parce que ce sont des modèles des années 80 et j'ai donc dû faire en sorte qu'on ait l'impression que ces voitures roulent vite.
Il y avait des scènes très importantes où le moteur s'arrêtait en plein milieu, où encore il y a des scènes où l'acteur devait faire un mouvement avec le volant de manière très fluide, mais en fait, le volant est très lourd et tourne mal donc il était obligé de faire des grands mouvements... ça cassait tout.
Le film aborde un sujet assez lourd pour l'Asie : l'occupation japonaise. Un sujet toujours aussi sensible, même maintenant ?Je pense effectivement que c'est un sujet qu'on doit aborder avec attention. La relation entre la Corée et le Japon est plus que cordiale de nos jours, mais sauf sur cette partie historique parce que les coréens estiment qu'il n'y a pas eu de vraies excuses de la part des japonais.
J'avais envie de montrer aux spectateurs cette petite partie de la période de la résistance pour l'indépendance parce que effectivement, ce n'est pas juste avec un film que l'on peut vraiment faire connaître cette période de l'occupation japonaise, mais néanmoins, je voulais véhiculer cette image à travers ces personnages de ce qui a été vécu à cette période.
Oui, il y avait aussi beaucoup de japonais qui voulaient aider les coréens à l'époque. En fait, cette histoire d'occupation, c'était juste des histoires politiques.
Le personnage de Jung-woo Ha parle de parricide à plusieurs reprises, pouvez-vous nous en dire plus ? Est-ce un phénomène de cette époque connu en Corée ?C'est un peu des légendes qui sont racontées aux enfants depuis longtemps. Ce personnage là faisait partie de ce groupe secret où justement les pères étaient devenus des traîtres pour aider les japonais. Comme c'était difficile de tuer son propre père, les membres de ce groupe se donnaient pour mission de tuer le père d'une autre personne du groupe, ils se disaient "Tu n'as qu'à tuer mon père et moi je tuerais le tien". Et en fait, ce personnage Hawaï Pistol est un personnage qui faisait partie de ce groupe et qui s'en est détaché après.
C'est une histoire qui raconte le destin d'une femme, sauf qu'elle ne sait pas où elle va et comment son destin va être propulsé dans le futur. Mais à un moment elle fait face à son destin et sait ce qu'il va se passer. Et Hawaï Pistol arrive à trouver un point commun avec cette femme et c'est cela que j'ai voulu montrer.
Dans le film vous partez d'un sujet très global qui est l'occupation japonaise et la résistance, mais plus le film avance plus il s'agit d'une histoire personnelle, d'une histoire de famille. Pourquoi recentrer l'histoire ainsi ?Les autres films, c'est souvent l'inverse et moi je voulais faire le contraire. J'ai beaucoup réfléchi à comment mener ce film pour aboutir sur quelque chose de personnel. J'ai pensé que c'est en faisant un film dans ce style là et de cette manière là que l'on pouvait bien ressentir cette époque.
A l'origine quand j'ai fait ce film dont le titre est Assassination, c'était dans l'objectif que l'héroïne arrive à tuer le capitaine Yem.
Vous avez beaucoup de scènes d'actions extrêmement bien construites, comment les mettez-vous en scène ?Imaginez, un meurtre c'est toujours quelque chose où on est en planque très longtemps et il faut attendre le bon moment pour accomplir la mission. Je voulais montrer à quel point il était difficile de rester planqué pendant des heures pour arriver à ses fins.
Je voulais filmer de sorte à ce qu'on ressente l'action comme si on était sur la scène, comme si cela se passait à coté de moi. J'aurais très bien pu tourner comme dans les grands films hollywoodiens avec des grands effets. Mais je voulais surtout que cela soit des scènes tournées façon opéra.
Effectivement, il y a ce côté un peu gangster de l'époque des westerns, mais c'est parce que j'aime beaucoup ce genre de film.
Avez-vous d'autres influences en ce qui concerne la mise en scène ?Je ne dis pas ça parce que je suis en France actuellement, mais j'ai beaucoup aimé les films de Jean-Pierre Melville. Je ne sais pas pourquoi mais je suis tombé par hasard quand j'étais au lycée sur un film de Jean-Pierre Melville à la télé et j'ai été tellement impressionné que je n'arrivais pas à oublier ce film.
Mais à l'époque évidemment, je ne savais même pas qui était le réalisateur, quel film c'était, j'en avais aucune idée ! C'est beaucoup plus tard quand j'ai vraiment commencé à faire des études de cinéma que j'ai retrouvé ce film et c'est là je me suis aperçu que c'était un film de Jean-Pierre Melville qui s'appelait Samouraï.
C'était la grande mode en Corée quand j'étais lycéen. Tous les garçons regardaient des films d'action hong-kongais. Mais d'un côté, j'ai été vraiment attiré par un autre genre de film français comme le film de Melville.
Est-ce Samouraï qui vous a donné envie de faire du cinéma ?Non pas celui-là. Celui qui m'a vraiment donné envie de devenir réalisateur c'est Pulp Fiction. C'est là où je me suis rendu compte qu'un film, tu le fais vraiment comme t'as envie de le faire !
Qu'est-ce qui vous a plu dans Pulp Fiction ?Il n'y a aucune limite dans l'espace temporelle. Il est vraiment fait à la sauce du réalisateur, de la manière qu'il en a envie. Mais je trouve que ce qui est important c'est qu'il faut toujours une sorte de charisme dans le cinéma
Assassination est pour vous un second très grand succès en Corée. Qu'est-ce que vous avez ressenti ? Est-ce que cela vous a donné la même sensation qu'en 2012 avec The Thieves ?C'est pas pareil. Ma première fois après The Thieves, j'étais émerveillé et très surpris. Je me disais "Waouh, qu'est-ce qu'il se passe". Et la deuxième fois pour celui là je me suis dit "Hmmm, d'accord".
Quand on fait un film, personne ne sait s'il va réussir ou non. Même ce film a eu plus de succès que ce que j'avais imaginé.
Ce qui est important pour mon prochain film, comme cela prend deux ans et demi pour en faire un, il faut que pendant toute la durée, cela continue à me stimuler et m'amuser. Je sais que si ça ne m'amuse pas, les spectateurs ne seront pas non plus intéressés.
Vous aviez déjà travaillé avec les acteurs jouant dans Assassination pour The Thieves. Les avez-vous choisis parce que ce sont des personnes avec qui vous aimez travailler ou parce que vous avez pensé que les rôles leur convenaient ?Quand j'ai tourné The Thieves, ça s'est super bien passé. On a une sorte d'imagination par rapport aux acteurs qu'on a en temps que réalisateur. Dès le moment où j'ai commencé à écrire le scénario, je pensais déjà aux personnages. Je me suis "Ces acteurs colleraient à ceci" et j'imaginais comment ils pourraient interpréter ces rôles.
Et quand je tourne deux films d'affiler comme ça avec les mêmes acteurs, je me dis que c'est vraiment bien.
Effectivement, un romancier m'a dit que mon scénario reprend des éléments de son roman, mais c'est une histoire basée sur l'Histoire donc effectivement, il y avait peut-être des similarités. Mais personnellement, je ne sais pas, je n'ai pas lu le livre.
Mais j'étais vraiment en colère. Les gens qui ont lu le livre et vu mon film savent que ça n'a rien à voir donc ça va, ça ne m'impacte pas.
Encore maintenant cela m'énerve, mais j'ai porté plainte et j'ai gagné.
Avez-vous déjà des projets pour un prochain film ?Pour l'instant, c'est vrai que j'ai pas mal d'idées, mais j'ai pas encore défini sur quoi mon choix allait s'arrêter. J'attends de voir par quoi je vais me faire attraper. Je suis en vacances en ce moment ! Dès que je rentre de vacances en Corée, je vais commencer à me prendre la tête.
Bonne chance alors, et merci pour cette interview.Merci à vous.
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