genre: horreur, thriller (interdit aux - 16 ans)
année: 1983
durée: 1h22
L'histoire : Tout juste sorti de prison après avoir purgé une longue peine pour meurtre avec préméditation, un psychopathe se lance à la recherche de sa nouvelle proie à abattre. Il trouve de nouvelles victimes potentielles dans une maison où vivent une vieille dame et ses deux enfants.
La critique :
Une société autrichienne en plein marasme et en pleine déliquescence... Un thème qui semble être l'un des sujets de prédilection de Michael Haneke à travers des oeuvres telles que Benny's Video et Funny Games. Le réalisateur s'est probablement inspiré d'un autre film autrichien. Son nom ? Schizophrenia, réalisé par Gerald Kargl en 1983. En outre, Schizophrenia reste le film le plus connu du cinéaste.
Par la suite, Gerald Kargl ne tournera plus aucun long-métrage. Mais avec Schizophrenia, il signe une expérience filmique à part entière. D'ailleurs, le film est non seulement plébiscité et salué par les critiques et la presse cinéma, mais aussi par les fans du cinéma trash. Schizophrenia va également influencer plusieurs générations de cinéastes, entre autres, Gaspard Noé, le réalisateur du fameux et controversé Irréversible.
Inutile de mentionner les acteurs à moins que les noms d'Erwin Leder, Rudolph Götz, Silvia Rabenreither et Edith Rosset vous disent quelque chose. Mais j'en doute. En l'occurrence, le scénario de Schizophrenia est assez particulier puisqu'il pourrait se résumer à une sorte de monologue intérieur. Paradoxalement, c'est aussi ce procédé qui rend le film aussi singulier et original.
Surtout, en dehors des locutions et des longues rhétoriques meurtrières du "héros" principal, le long-métrage contient assez peu de vrais dialogues. Attention, SPOILERS ! Un psychopathe, qui vient de purger une peine de plusieurs années de prison pour avoir tué au hasard une vieille dame, est enfin libéré. Il est obsédé par l'idée de commettre un crime.
Après s'être arrêté dans une station-service, il prend un taxi et essaie de tuer la conductrice avec ses lacets. Il n'y arrive pas et est obligé de s'enfuir. Il arrive dans une grande propriété qui semble déserte dans un premier temps, mais où il rencontre un homme handicapé mental et moteur. Deux femmes reviennent. Elles sont visiblement allées faire des courses.
Le tueur les attaque et les ligote, tandis que le frère tente de s'échapper. Après l'avoir noyé dans la baignoire, le tueur tente de ranimer la mère, mais se rend compte qu'elle est morte et qu'il ne pourra la tuer en forçant la fille à regarder, comme il en avait l'intention. Premier constat : l'action de Schizophrenia se déroule dans une ville anonyme autrichienne.
A l'instar de cette cité anomique et qui semble (presque) en déshérence, le tueur est lui aussi anonyme. Même remarque pour les autres protagonistes du film. Par conséquent, avec Schizophrenia, Gerald Kargl met en exergue cette absence identitaire. Impression renforcée par l'absence (encore) de toute musique. Ici, ce qui intéresse Gerald Kargl, c'est cet environnement ambiant, cette atmosphère indicible, étouffante et anxiogène. Dans un premier temps, Gerald Kargl prend le soin de filmer la ville par plusieurs vues panoramiques pour ensuite se focaliser sur les pas empressés du psychopathe de service.
Tel un chasseur et un prédateur à la recherche de nouvelles proies, celui-ci doit à tout prix assouvir ses pulsions et ses envies de meurtres. il doit tuer, massacrer et torturer.
A partir de là, la caméra de Gerald Kargl se concentre presque exclusivement sur la psyché du criminel. Avec Schizophrenia, le cinéaste nous propose un périple autoscopique dans le for intérieur de ce serial killer. Ce dernier est assailli par des pulsions incoercibles et inexpugnables. Gerald Kargl s'intéresse alors à la "logique", par ailleurs incohérente, de son personnage principal.
Pour ce tueur impavide et imprévisible, il s'agit de reproduire et de perpétuer les démons du passé : le meurtre de toute sa famille, en particulier sa mère et sa soeur. Visiblement, le psychopathe éprouve une haine viscérale vis-à-vis des femmes. A travers ce voyage intérieur, Gerald Kargl nous propose aussi une descente en enfer, dans des limbes infernales vouées à la déréliction et à la décrépitude.
Quant aux victimes du tueur en série, elles subissent passivement ses exactions outrancières, à l'image de cet homme replet et handicapé, confiné dans une chaise roulante, puis noyé dans une baignoire, et qui reste étrangement coi et silencieux. Quant à la mère, elle assiste presque calmement aux assauts du criminel avant de se faire elle aussi assaillir puis étrangler. Enfin, c'est au tour de la fille.
Pourtant, malgré l'absence de résistance, les meurtres sont volontairement étalés sur la longueur. Contre toute attente, le tueur de Schizophrenia n'est pas un génie du mal, une sorte de psychopathe retors et insaisissable qui brille par son intelligence et son outrecuidance. Pire encore, le criminel se révèle plutôt malhabile dans l'exécution de ses victimes. Par exemple, il aura toutes les peines du monde à mettre un terme à la vie du fils handicapé.
Même remarque pour la mère et la fille. Si Gerald Kargl n'épargne aucun détail dans la lente décadence de son psychopathe de service, la violence de Schizophrenia ne repose pas vraiment sur la profusion et les effusions sanguinaires. En outre, la violence du film s'appuie davantage sur cette aperception mentale, ainsi que sur cette autodestruction psychique et physique.
Lors des séquences de meurtres et d'exécutions sadiques, Gerald Kargl se concentre surtout sur les faciès et les expressions des divers protagonistes : le remuement des lèvres, des regards ulcérés et exorbités qui s'entrecroisent, des mains trémulantes, des voix chevrottantes et agonisantes, des cris d'orfraie et diverses tintinnabulations... Bref, avec Schizophrenia, Gerald Kargl happe littéralement le spectateur à la gorge, comme si ce dernier devenait lui-même la victime de ce serial killer anonyme.
C'est probablement pour cette raison que Schizphrenia fait autant référence dans le milieu cinématographique. On comprend mieux pourquoi Gaspard Noé le cite régulièrement parmi ses principales influences. En un seul mot : indispensable.
Note : 17/20
Alice In Oliver