Combat Shock (Le film "shock" des productions Troma)

Par Olivier Walmacq

genre : drame, guerre (interdit aux - 16 ans)
année : 1986
Durée : 1h25

L'histoire : Frankie, vétéran du Vietnam, essaye de refaire surface dans une vie où il n'a plus sa place. Il voit son monde s'écrouler et parcourt les rues à la recherche d'un travail. Mais la ville est une jungle où Frankie ne tarde pas à perdre complètement pied

La critique :

Conspué, répudié et ostracisé par le système hollywoodien, le producteur et réalisateur américain, Lloyd Kaufman, décide de créer sa propre société de production au début des années 1970. C'est ainsi que naît Troma Entertainment. Hélas, durant cette même décennie, les longs-métrages de la nouvelle firme indépendante ne font pas recette.
Confinés dans l'oubli et l'indifférence, les films ne sont que des petites séries B, voire Z, qui éprouvent les pires difficultés à rencontrer leur public. Pourtant au milieu des années 1980, la sortie du premier The Toxic Avenger change la donne. Cette comédie gore, grivoise et irrévérencieuse asseoit définitivement la notoriété des productions Troma.

Lloyd Kaufman tient enfin sa revanche sur Hollywood et fait taire ses contempteurs. Après (l'immense) succès surprise de The Toxic Avenger en vidéo, Troma a de nouvelles ambitions. En 1986, la firme produit un film sérieux, loin des excentricités habituelles. Son nom ? Combat Shock, réalisé par Buddy Giovinazzo. Lloyd Kaufman considère même Combat Shock comme le meilleur film produit par Troma. Pour une fois, les critiques et la presse cinéma se montrent même panégyriques.
Certains fans exultent et n'hésitent pas à qualifier le film de petit chef d'oeuvre. Néanmoins, Combat Shock ne reste qu'un succès d'estime. Le long-métrage ne parvient pas à s'imposer dans les salles obscures. En vidéo, il n'obtient qu'une petite reconnaissance de la part d'une petite poignée d'irréductibles. 

Pourtant, avec les années, Combat Shock va peu à peu asseoir sa réputation. Reste à savoir si le film est bel et bien le "shock" annoncé. Heureusement, la réponse est positive. Cependant, les fans de productions trash et graveleuses à la sauce Troma sont priés de quitter leur siège et d'aller faire un petit tour. Combat Shock se détache radicalement des productions habituelles de la firme.
La distribution du film ne réunit aucun acteur notoire. Visiblement, le casting est essentiellement composé d'acteurs non-professionnels. Attention, SPOILERS ! Frankie Dunlan a subi les horreurs de la guerre du Vietnam. Après que les membres de son peloton furent tous sauvagement assassinés, il a été kidnappé, drogué et torturé pendant deux ans.

Maintenant père de famille, Frankie tente d’oublier le passé et refait sa vie dans un quartier ultra démuni de Staten Island. Sans éducation, ni compétence, Frankie se bute aux nombreux refus des employeurs et doit supporter la pression de devoir nourrir sa famille sans le sou. Le passé violent du jeune homme refera surface dans des conditions tragiques.
En l'occurrence, Combat Shock s'apparente à un mélange assez étrange et disparate entre Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976), les vigilante movies et Eraserhead (David Lynch, 1977) ! Les premières images du film nous plongent en pleine guerre du Vietnam. 
Poursuivi par des soldats ennemis, Frankie est finalement kidnappé et atrocement torturé (Je renvoie au synopsis...). 

Pourtant, Frankie revient d'entre les morts, de cette terre désolée et mutilée par les bombardements, les balles et diverses exactions outrancières. Il l'ignore encore. Mais de retour chez lui, la guerre s'est transformée en guérilla urbaine. Par certains aspects, le scénario de Combat Shock n'est pas sans rappeler celui du premier Rambo (Ted Kotcheff, 1982).
Néanmoins, le film se détache rapidement de son modèle pour se concentrer sur le quotidien sordide et misérable de Frankie. Vivant avec sa femme replète et son enfant monstrueux dans un petit appartement vermoulu, Frankie écume les rues sombres et sauvages d'un quartier en déshérence. Au chômage et insolvable, l'ancien soldat doit trouver rapidement un boulot pour éponger ses dettes. En vain.

Très vite, les souvenirs de la guerre refont surface et Frankie replonge peu à peu dans la violence. Pour survivre dans cette nouvelle bataille, cette fois-ci urbaine, il doit reprendre les armes et affronter les inimitiés d'une bande de voyous. Frankie fait partie de ces anciens soldats oubliés par l'Amérique. Cloîtré dans son appartement en ruines, il doit supporter les quolibets de sa femme hystérique, ainsi que les cris incessants de son moutard monstrueux.
En l'occurrence, ce quotidien misérable n'est pas sans rappeler la folie ambiante d'Eraserhead. Le faciès disgrâcieux du bambin de la famille n'est pas sans faire référence au monstre du film de David Lynch. En revanche, lorsque le héros se fond dans les quartiers paumés de la ville, Combat Shock se mue en vigilante movie. La jungle vietnamienne se transfigure alors en jungle urbaine.

Cette fois-ci, le film se transforme en tragédie humaine. La caméra de Buddy Giovinazzo ne lâche jamais Frankie. Elle suit ses pas hésitants dans un décor sordide et moribond où ne règnent que la violence et la loi du plus fort. Si le film délivre bien l'uppercut annoncé, il n'est pas exempt de tout reproche. Nanti d'un modeste budget, le film paraît un peu obsolète aujourd'hui.
Combat Shock a tout de même bien souffert du poids des années. Enfin, certaines réminiscences du personnage principal sont un peu redondantes, confinant parfois au bourrage de crâne. Mais ne soyons pas trop sévères, Combat Shock reste probablement le film le plus engagé des productions Troma. Dans son genre, il reste une perle noire, un film coup de poing qui marque durablement les esprits.

Note : 15/20

 Alice In Oliver