Ce dimanche 9 Novembre, nous avons pu assister à la retransmission de Joyaux au cinéma, réalisée par Vincent Bataillon, le ballet de George Balanchine, triptyque autour des trois écoles de danses qui ont influencé le grand chorégraphe, inspiré par les bijoutiers de la cinquième avenue new-yorkaise, notamment Van Cleef & Arpels et mise en scène par le Bolchoï de Moscou. Replaçant en trois actes, les trois écoles différentes de ballet.
George Balanchine, née à Saint-Pétersbourg en 1904, fit ses débuts au Théâtre Marrinsky à Saint-Pétersbourg. Novateur, jugé subversif par le pouvoir soviétique, il profite d’une tournée en Allemagne en 1924 pour fuir vers Paris. Il y est alors engagé par Serge de Diaghilev, fondateur des Ballets russes et créera pour l’Opéra de Paris. Quelques années plus tard, il s’installe aux États-Unis et, en 1934, il fonde la School of American Ballet à New-York. Joyaux est une œuvre tardive conçu comme un hommage à ses trois institutions.
Le premier acte, intitulé Émeraudes, reprenant des extraits de Pelléas et Mélisande et de Shylock de Gabriel Fauré, engage un corps de ballet, tout de vert et de pierreries orné. Il s’agit pour Balanchine de rendre hommage à l’école romantique française. Le Bolchoï choisit un décor minimaliste, simples draperies verticales aux couleurs de la pierre précieuse. Traditionnellement, il respecte le port du tutu long en ce qui concerne les costumes.Pour les novices, ce type de ballet peut être particulièrement dur à appréhender, principalement en raison de l’absence de fil conducteur narratif.
Contrairement aux ballets les plus connus, tels Le lac des cygnes ou Ivan le terrible, Joyaux tend moins à raconter une histoire qu’à illustrer une métaphore d’un lieu et d’une ambiance. En ce sens, le second acte, intitulé Rubis, reprenant Capriccio pour piano et orchestre d’Igor Stravinsky, est plus parlant, reprenant de manière transparente et plus intuitive les standards du jazz au sens musical et ceux, chorégraphique, de Broadway. Balanchine a su imprimer aux rythme des danseuses, déhanchées et balancées, une impression typiquement new-yorkaise. Vêtues d’un rouge chatoyant, les danseuses semblent prises dans le rythme endiablé d’un dancing des années vingts.
Enfin, pour conclure ce ballet, Balanchine à voulu rendre hommage à Saint-Pétersbourg. Avec le dernier acte, intitulé Diamants, reprenant la Symphonie polonaise de Piotr Ilitch Tchaïkovski, il entend reprendre le style des plus grands ballets de l’époque impériale. Sur un fond étoilé, se différenciant des deux premiers actes, le Bolchoï entend sûrement rendre leur primauté aux origines. C’est le blanc immaculé des danseurs et des danseuses étoiles qui symbolisent au mieux la beauté de la tradition la plus pure. Ce dernier instant de grâce rend toutes ses lettres de noblesses à la troupe de ballet, la chorégraphie de Balanchine donnant tous son sens aux grands mouvements synchronisés, parfaitement exécutés, où la grâce se dispute à la poésie immanente de la danse classique.
A la croisé des chemins, apparemment sans narration, Joyaux raconte finalement une toute autre histoire, niché dans les non-dits. Il est question ici de l’éloignement, de l’exil, de l’attachement à ses racines tout autant que de la richesse du métissage. A l’image de Stravinsky dont il fut longtemps le chorégraphe et ami, Balanchine vécut en exil sans oublié d’où il venait. A l’orée de sa carrière, Joyaux fut le testament de toutes ses influences si diverses.
Boeringer Rémy
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