Un temps, Sam Mendes, réalisateur génial d’American Beauty avait annoncé qu’il ne continuerait pas son travail entamé avec Skyfall sur la série des James Bond. Grand bien lui a pris de changer d’avis. Avec Spectre, il signe un retour aux sources tout en prenant soin de perpétuer le Bond nouveau né avec Daniel Craig. Ce dernier laissant à son tour planer le doute sur son éventuelle participation au prochain volume et le climax de Spectre permettant d’y croire, la boucle est bouclée.
James Bond mène cavalier seul depuis les évènements de Skyfall. Mis à pied par M, après une mission catastrophique au Mexique, il continue ses investigations solitaires qui le mène sur la piste d’une organisation terroriste et complotiste, le Spectre. James Bond (Daniel Craig)
Pure produit de la guerre froide, la saga James Bond au cinéma a su s’imposer et évoluer au fil des évènements politiques réels. Sa force consistant principalement à livrer une vision du monde moins manichéenne qu’il n’y paraît où les soviétiques ne sont pas forcément les grands méchants, où Bond est régulièrement trahi par sa hiérarchie et où, finalement, les ficelles sont souvent tirées dans l’ombre par des organisations criminelles plus proches de la City que de la mafia. C’est ce que Mendès a tout à fait compris et intègre dans une vision plus noire, moins romantique du monde, sans en perdre la saveur, à la suite de Martin Campbell et Marc Foster. Un peu comme Nolan a redonné à Batman sa dimension adulte, le cycle initié avec Craig a suivi le même chemin pour l’agent 007. Ainsi, les intentions des malfrats contre lesquelles Bond mène son combat, autant qu’il se bat contre lui-même, sont de plus en plus limpides, moins fantasques et clairement politiques. Spectre affiche une pléthore de gangsters en cols blancs dont la promiscuité avec les pouvoirs politiques n’est pas sans rappeler les redondantes affaires de corruptions qui irrigue les informations tant occidentales que dans le tiers-monde. Franz Oberhauser (Christoph Waltz) et Madeleine Swann (Léa Seydoux que l’on a vu dans The Grand Budapest Hotel, La vie d’Adèle – Chapitre 1 et 2 et La belle et la bête)
Le fantasme demeure dans cette espèce de complotisme où les puissants, surtout des financiers, auraient besoin de se rencontrer pour dominer le monde. Alors que l’on sait bien, comme l’avoue Warren Buffet, que si les plus riches gagnent la lutte des classes, ce n’est certainement pas autour d’un café mais bel et bien par leurs intérêts naturellement convergents. Sur ce point, la série réussit parfaitement, Sam Mendes étant loin de faire exception à distiller une ambiance à la fois légère par l’attitude de Bond et angoissante à travers le prisme d’un monde qui échappe au Nation et aux solidarités nationales. Bond lui-même, auquel Mendès laisse affubler des cheveux blancs, est le symbole d’un monde en perdition, soumis au banditisme international. Le réalisateur anglais n’a rien perdu de sa maitrise de la narration et de la photographie. Spectre demeure filmé avec une classe folle, une lumière appropriée et l’action, réellement rhytmée par les temps plus lents donne une profondeur au personnage de l’agent secret que le cabotinage original et légendaire de Roger Moore et Sean Connery ne laissait pas paraître. N’ayez pas peur cependant, fort heureusement, le flegme et la fougue toute britannique de Bond n’ont pas tout à fait disparues, intervenant à un rythme régulier pour que le public retrouve tout de même l’essentiel touche comique de la saga. Q (Ben Whishaw) et James Bond (Daniel Craig)
Personne ne s’était osé depuis Au service secret de sa majesté, unique Bond interprété par George Lazenby, à mettre en scène l’agent au permis de tuer dans une véritable relation amoureuse dépassant le cadre de sa tendance à céder à la drague auprès de chaque demoiselle croisant son chemin. C’est chose faite avec Léa Seydoux qui tient son rôle à la perfection. Sam Mendes entend-il clore la saga à sa façon, laissant libre quiconque voudrait la rebooter où prépare-t-il de nouveau trauma à notre agent secret préféré ? Au delà de ces suppositions, Spectre sonne comme autant comme le volet ultime d’une reconstruction d’une icône que comme un hommage à ce qu’elle fut. On ne vit que deux fois sauf Bond, prêt à renaitre constamment de ces cendres.
Boeringer Rémy
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