Terrorama ! (Attention, film anarchiste !)

Par Olivier Walmacq

Genre : drame, trash, inclassable (interdit aux - 18 ans)
Année : 2001
Durée : 1h43

L'histoire : Un groupe de marginaux, révoltés contre la société et la futilité de l'existence, décide de s'unir afin de commettre un acte "terroriste" par l'emploi d'une violence totalement gratuite. Ils décident d'enlever un présentateur star de télévision, de l'humilier par des sévices particulièrement cruels, de filmer leurs exactions et de diffuser la bande à une heure de grande écoute. 

La critique :

Attention, film choc en perspective. Voici Terrorama !, un vent de folie venu des Pays Bas. Bien qu'il date déjà de 2001, je n'ai découvert ce film que très récemment et par la même, son réalisateur Edwin Brienen. Voici un jeune homme qui a dû être bercé trop près du mur lorsqu'il était petit ! Retenez bien son nom car l'énergumène a tout pour devenir une des références de l'underground européen voire mondial. Terrorama !, son premier film, est une petite bombe de mauvais goût et un défi aux bonnes moeurs. J'ai même lu que l'on avait à faire à un nouveau Salò, rien que ça. 
Sans aller jusqu'à établir (faut pas pousser quand même) une comparaison avec le chef d'oeuvre de Pasolini, on peut affirmer que l'on tient ici une oeuvre sacrément burnée. Rien d'étonnant alors que ce lascar soit copain comme cochon avec le roi de la provocation made in France, Jean-Louis Costes. Le performeur français tient d'ailleurs un petit rôle dans un autre film de Brienen, Liebenspornografie en 2004, et les deux compères avaient même élaboré un projet commun intitulé "Merde" (tout un programme) mais qui n'a hélas jamais vu le jour.

Terrorama ! est une oeuvre terriblement noire et désespérée. Un Seul contre tous, version trash et délurée si vous voyez ce que je veux dire. Brienen n'a pas un fol espoir en l'homme et ça se voit. Le film comporte très peu d'effets gores. Sa violence est surtout psychologique mais elle est extrême. Les acteurs sont tous des inconnus, mais il est à noter que Edwin Brienen joue presque son propre rôle puisqu'il interprète Edwind, un réalisateur raté et revanchard. 
Attention spoilers: L'action débute dans les bas fonds d'une ville (que l'on suppose être Amsterdam), avec la présentation de personnages tous plus dégénérés les uns que les autres. Un travesti dans un club punk-rock, un dealer dans des ruelles sales, un petit trafiquant d'armes, une dominatrice SM adepte du lesbianisme etc. Chacun de ces personnages, aigri et usé par la vie, se lance dans un monologue, parfois face caméra, pour confier ses états d'âme et balancer la triste réalité de son existence à la face du spectateur.

Brienen interrompt régulièrement le fil de l'histoire par des passages surréalistes et blasphématoires. Ainsi, une femme se fera violer par un homme déguisé en Saint Nicolas. Plus tard, pendant qu'un couple fait l'amour dans une voiture, un homme se poste devant eux tout en récitant des vers moralisateurs tirés du Coran. Le passage le plus choquant est sans nul doute la vision d'un Christ, nu dans un cimetière, qui laisse tomber sa croix puis se masturbe dessus jusqu'à éjaculation; ceci devant un officier SS et une femme tatouée, amputée des deux seins. 
La deuxième partie du film est plus linéaire. Nous faisons alors la connaissance de Gerard Van Bungen, un présentateur vedette de la télé hollandaise. Alors qu'il prend un verre avec sa nouvelle collaboratrice dans un salon particulier, il se fait agresser par le groupe de marginaux. Tabassé, jeté dans le coffre d'une voiture, il se retrouve séquestré dans un hangar isolé. Là, avec la complicité de la collaboratrice de Van Bungen, le groupe installe projecteurs et caméras. Leur but ? Enregistrer l'intégralité des exactions dont ils vont se rendre coupables sur le présentateur pour diffuser le tout sur une chaîne nationale à une heure de grande écoute. Pour le pauvre homme, le calvaire commence.

On lui écrasera une cigarette sur le visage, on lui urinera dessus, on le forcera à faire une fellation. Une jeune femme, que le groupe a capturé entre temps, subira aussi des sévices gratinés. Les hostilités s'arrêteront le temps d'une représentation théâtrale improvisée où les marginaux laissent libre cours à leur haine et leurs élucubrations. Le film s'achèvera avec le meurtre des deux otages tandis que les névrosés sabreront le champagne autour du corps sans vie du présentateur.
Le cinéma indépendant dans toute sa splendeur... Brienen avoue avoir été influencé par Lynch et Fassbinder. Moi je veux bien mais à la vue de cette première oeuvre, je trouve plutôt que son cinéma est un croisement entre celui de Waters (sans la gaudriole), de Hussain (sans la poésie), de Costes (sans la pornographie, quoique certaines scènes sont limites) et même de Marian Dora (sans le gore). Récompensé en 2002 aux festivals de Rotterdam et Toronto, Terrorama ! est une oeuvre malsaine et dérangeante. Le cinéaste hollandais n'est visiblement pas un grand fan de la nature humaine. Il ne se fait non plus aucune illusion sur la valeur de l'existence.

Par des actes violents et totalement gratuits, les personnages se mettent hors la loi d'une société qu'ils vomissent, installant par la même, le chaos et l'anarchie. Car Terrorama ! est un film anarchiste. Nihiliste même. C'est ce qu'affirme une intervenante, s'adressant au spectateur lors du dernier plan.
Bien sûr, le film de Brienen n'est pas exempt de reproches. 
Ainsi les personnages sont présentés trop succinctement. On aurait aimé que le réalisateur prenne le temps de développer leur histoire et nous explique un peu plus le parcours chaotique de ces individus. J'ai trouvé également le final un peu trop vite expédié, mettant un terme trop rapidement à une tension qui montait crescendo. Au rayon des satisfactions, on relèvera une interprétation plus que correcte et surtout une tonalité abrupte et sans concession qui comblera les amateurs de films extrêmes. 

Ne soyons tout de même pas trop sévère car pour ses débuts derrière la caméra, Edwin Brienen se débrouille remarquablement bien et pour un coup d'essai, c'est presque un coup de maître. Avec un style qui lui est propre, le cinéaste hollandais a su s'approprier les différentes influences dont il se revendique pour nous proposer une oeuvre en tout point déstabilisante.
En conclusion, Terrorama ! se révèle être une sacrée révélation et un petit uppercut dans la gueule, redonnant un souffle nouveau à un cinéma underground européen légèrement en sommeil. Edwin Brienen, retenez bien ce nom...

Note : 14,5/20

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