Continuons d’étudier ce que John Truby pense de la prémisse.
A lire :
JOHN TRUBY : LA PREMISSE – PART 1
JOHN TRUBY : LA PREMISSE – PART 2
JOHN TRUBY : LA PREMISSE – PART 3
Lors du précédent article, nous avons envisagé de mettre le doigt sur la façon de raconter votre histoire, sur l’angle d’approche que vous alliez adopter pour dire votre monde à un lecteur.
Déterminez le meilleur personnage pour votre histoire
Vous avez donc une idée de laquelle vous avez tiré une sorte de mode opératoire. Il est maintenant temps de concevoir votre héros. Le héros est le personnage qui est au centre de votre histoire. C’est son histoire que vous allez conter. Il faut donc que ce personnage soit le plus fascinant, le plus attirant et suffisamment complexe pour que cela vaille le coup que vous consacriez tant de temps à écrire à son propos et que le récipiendaire de votre histoire ne regrette pas le temps qu’il consacrera à la lecture de celle-ci.
Cela implique que le personnage central n’est pas nécessairement le plus sympathique de toute votre dramatis personae (la liste de tous les personnages de votre histoire).
Votre tâche consiste donc à comprendre quel est le personnage qui attire votre attention (et dans le même mouvement, celle de votre lecteur). Autrement dit, il sera le personnage moteur de l’action.
Pour trouver ce personnage, John Truby conseille (comme beaucoup d’autres) de se poser les bonnes questions.
En considérant que la prémisse contient (au moins en germes si ce n’est explicitement) tous les éléments dramatiques de votre histoire, il suffit de se poser les bonnes questions pour extraire les informations contenues dans la prémisse :
– Quel est le personnage que j’aime le plus ?
– Est-ce que j’ai envie de le voir agir ? de le placer dans des situations difficiles ? Est-ce que j’ai envie de triturer sa destinée ?
– Est-ce que sa façon de voir les choses me convient ? Ai-je envie de voir à travers ses yeux ? Peut-il m’aider à décrire mon monde de fiction ?
– Est-ce que je suis vraiment inspiré par les défis que je vais jeter sur son chemin et prendre plaisir à imaginer les moyens qu’il utilisera pour les surmonter ?
Si aucun des personnages que votre idée implique ne trouve de réponses favorables aux questions ci-dessus posées, faites-vous violence et changez d’idée. Vous vous économiserez une souffrance à venir.
Si vous vous apercevez qu’il y a effectivement un personnage qui convient bien mais si vous n’en aviez pas fait votre personnage principal, modifiez votre prémisse pour qu’il le soit.
Ayez une idée du conflit principal
Vous avez votre personnage principal. Maintenant, pour comprendre ou imaginez précisément de quoi parle votre histoire, il vous faut mettre en place un conflit central. Ce conflit est destiné à illustrer le sujet ou le thème de votre histoire.
De nouveau, posez-vous la question de savoir qui combat qui pour obtenir quoi. Ne vous lancez pas dans un texte de plusieurs pages, répondez à cette question en une ligne.
L’avantage que vous tirerez immédiatement est que si votre prémisse était quelque peu bancale, connaître l’antagoniste de votre protagoniste et l’objectif de ce dernier vous permettra de la remettre sur pied.
En ayant une idée précise du conflit central, tous les problèmes (ou conflits mineurs) reviendront à se centrer sur le conflit majeur, le problème crucial que soulève votre histoire.
Le conflit majeur et la manière que vous exposerez votre histoire sont des éléments dramatiques indispensables à ne jamais perdre de vue au cours du processus d’écriture.
Respectez la loi de causalité
Dans une histoire, c’est une règle fondamentale. Tout est cause et effet. Un événement découle d’un événement préalable et lui-même est l’origine d’un événement futur.
Considérons la prémisse de Star Wars (vous devrez garder à l’esprit cependant que les prémisses sont surtout affaire de subjectivité bien que nous tentions d’en donner certaines techniques de mise en œuvre ) :
Lorsqu’une princesse encourt un danger mortel, un jeune homme se servira de toutes ses aptitudes au combat pour la sauver et vaincre les forces machiavéliques d’un empire galactique.
Notez que deux lignes dramatiques se dessinent en filigrane de cette prémisse :
– Il y a la demoiselle en détresse qui doit être sauvée
– Il faut vaincre un empire
Revenons à notre loi de causalité. Cette prémisse (qui tient en une ligne) nous permet de comprendre que la seule action qui unifie la myriade d’actions qui seront décrites dans cette histoire est que le jeune homme utilise ses aptitudes au combat.
Donc si nous reprenons notre petit jeu des questions, celle qui serait à poser pour cette étape serait :
Quelle est l’action fondamentale qui caractérise mon héros ?
Si votre prémisse ne vous permet pas d’y répondre, modifiez-la pour que ressorte au moins une action fondamentale caractéristique de votre héros.
S’il s’agit d’une vengeance quelque soit la complexité de votre histoire, c’est cette vengeance qui lie toutes les actions entre elles. Pensez au Parrain par exemple. Toutes les actions que prendra Michael au cours de cette histoire sont connectées à son désir de vengeance contre les hommes qui ont tiré sur son père. Ce désir qui le mènera logiquement à la fonction à laquelle il n’était peut-être pas destinée (ou bien dont il ne voulait pas mais son destin avait prévu le contraire) : devenir le nouveau parrain.
Déterminez le changement possible de personnalité de votre héros
L’aventure que va vivre votre héros aura un profond impact sur lui. Sa personnalité en sera changée. Il est appelé à devenir meilleur, à accepter sa vraie nature (même si cela suppose la mort du héros).
L’évolution possible de votre personnage principal doit être transcendée de la prémisse. Dans Le parrain, cette prémisse doit mentionner que Michael est appelé à devenir le nouveau parrain (même si ce n’est pas son objectif d’emblée).
Le plus jeune fils d’une famille mafieuse se venge de ceux qui ont tenté d’assassiner son père et devient le nouveau parrain.
L’arc dramatique (c’est l’expression consacrée pour désigner le changement chez un personnage) est ce qui procure une profonde satisfaction pour le lecteur. Une histoire qui ne décrit pas d’arcs dramatiques est trop frustrante (un sentiment qui doit être totalement banni chez le lecteur).
Nous ne pensons pas qu’il faut considérer qu’un arc dramatique ait une solution positive ou négative : ce n’est pas son but. La solution apportée à la conclusion de l’arc est la nécessaire conclusion que doit connaitre votre personnage. S’il meurt, par exemple, c’est parce que c’est ce qu’il pouvait lui arriver de mieux et votre lecteur le comprendra.
Votre personnage évoluera au cours des expériences qu’il vivra lorsqu’il sera confronté aux problèmes. Ce sont les faiblesses du personnage qui seront sollicitées lorsqu’il affrontera épreuves et obstacles. Les tribulations se servent des failles dans la personnalité du personnage pour créer du conflit. Quelle que soit l’issue du conflit pour le personnage, celui-ci apprend toujours quelque chose qui progressivement fait de lui un autre être (en supposant que la personnalité est ce qui définit un personnage).
Dans la majorité des histoires, vous avez un personnage principal qui a des défauts (d’ailleurs qui n’en a pas), qui se bat pour accomplir quelque chose (que l’on peut estimer comme une sorte de mission) et il ressort transformé de son aventure.
Il y a une action fondamentale au cœur du conflit : c’est celle qui force votre héros à faire face à ses faiblesses. Si vous pouvez faire en sorte qu’il ose reconnaître ce qui fait de lui un être fragile, vous le forcerez à changer, à devenir quelqu’un d’autre. Aller à la rencontre de sa vraie nature n’est pas chose aisée. Si votre personnage éprouve un tourment moral et qu’il agisse pour avoir ses propres réponses (un comportement qui se révèlera ou s’illustrera dans le conflit), vous parviendrez à faire passer logiquement le changement dans sa personnalité. C’est une question de prise de conscience ; vous mettez alors en place les éléments dramatiques qui mènent à cette révélation dans votre histoire.
En fin de compte, c’est très humain comme approche. L’évolution d’un individu réel est très similaire. Ce sont les épreuves qui nous forment, les expériences que nous traversons qui peuvent profondément nous changer. Il doit en être de même avec nos personnages de fiction.
John Truby conseille de reprendre l’action fondamentale que vous avez déterminée précédemment.
Reconsidérons la prémisse de Star Wars (telle que nous la voyons) :
Lorsqu’une princesse encourt un danger mortel, un jeune homme se servira de toutes ses aptitudes au combat pour la sauver et vaincre les forces machiavéliques d’un empire galactique.
Nous avons déduit de cette prémisse que l’action fondamentale du héros (ce qui explique le comportement et les motivations du héros aux yeux du lecteur dans l’histoire) est qu’il se sert de ses aptitudes naturelles au combat (il ne le sait pas encore, mais il possède le legs de son père en lui).
Maintenant, il vous faut trouver l’opposé de cette action fondamentale. Comprenons-nous bien sur le sens : il s’agit d’une force contraire dont la puissance s’exerce à l’opposé de l’action fondamentale. Suivre son action fondamentale devrait conduire le héros à subir un changement drastique de personnalité.
Cette force contraire freine alors le mouvement vers la transfiguration du protagoniste. Elle se constitue des faiblesses morales et psychologiques du personnage.
Donc l’action fondamentale va œuvrer contre les faiblesses du personnage et c’est ainsi que celui-ci peut espérer une modification durable de sa personnalité ou tout au moins acquérir un point de vue nouveau sur le monde.
Dans la prémisse de Star Wars, le mot jeune résume la faille majeure du personnage au début de l’histoire :
naïf, impétueux, n’est pas encore sorti de l’enfance (toujours astreint aux travaux de la ferme), ne sait pas très bien ce qu’il veut faire de sa vie (il aimerait devenir pilote comme un enfant veut être pompier), manque de confiance en lui.
Vous pouvez imaginer toutes les faiblesses et défauts du personnage tant que la combinaison de celles-ci avec l’action fondamentale aboutit à une personne changée, à une personne autre. L’histoire de Luke Skywalker est somme toute une banale histoire de passage à l’âge adulte (la banalité n’est ni une mauvaise chose, ni un plagiat tant que vous vous l’appropriez pour en faire quelque chose d’original).
Constamment obligé de lutter contre les défauts de son jeune âge (donc de découvrir et de se servir de ses aptitudes naturelles ou autrement dit d’accepter sa vraie nature), Luke devient plus mature jusqu’à ce qu’il devienne confiant en lui-même.
Imaginez un choix moral possible pour le héros
Ecrire une histoire est probablement le seul moyen qu’un auteur a pour exprimer sa vision du monde. D’autres choisissent d’autres voies : l’action politique ou sociale par exemple.
Un auteur se sert de l’écriture et c’est ainsi que le thème de son histoire se concrétise.
Ce thème est illustré dans l’histoire par un choix moral que le héros doit faire (généralement vers la fin de son aventure). John Truby insiste bien sur le fait que vous devez rester dans le concret : vous exprimez votre thème à travers les actions de personnages poursuivant un but.
Ne rendez cependant pas prévisible la décision que devra prendre votre héros : il ne s’agit pas de le faire choisir entre le bien et le mal. Cette décision morale n’est pas une question d’éthique. Votre personnage devrai faire un choix, certes, mais entre deux possibilités de même valeur (ou positives, ou négatives).
Pour illustrer une décision négative, reconsidérez Le choix de Sophie, par exemple. L’astuce consiste donc à proposer au héros deux options égales mais avec l’une un peu meilleure ou servant un peu mieux votre thème.
Le thème devra donc lui aussi être intégré à votre prémisse en effleurant le choix moral que le héros devra faire. Si l’on reprend la prémisse de Star Wars, le choix moral que devra faire Luke est en filigrane dans « pour la sauver » et les sacrifices personnels qu’il devra faire pour y arriver.
A lire :
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