Laurent Capelluto, Nina Meurisse, Nathanaël Maïni
Réalisateur et scénariste, a réalisé six courts-métrages, sélectionnés et primés en festivals (Belfort, Pantin, Villeurbanne, FID Marseille, Hors-Pistes Beaubourg, Rotterdam...). Il crée également des images pour le théâtre et la danse.
Présenté dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes 2015
Le réalisateur s'est déjà fait un nom avec ses courts et moyens-métrages, dont les plus connus J'ai pris la foudre en 2006, et Les larmes en 2010 ont été très remarqués. "N'ayant pas fait d'école de cinéma, les court-métrages ont été le lieu de mon apprentissage. Dans chacun d'eux, il est question d'une libération : il s'agit toujours pour le personnage principal de résoudre une énigme intime qui lui permette d'accéder à une conscience nouvelle. Mais dans
Elle acquiert rapidement autorité et respect dans ce milieu d'hommes et gagne l'argent qui manque à sa liberté.
Mais parfois les bons soldats cessent d'obéir.
Extraits de l'entretien relevé dans le dossier de presse avec le réalisateur
Tous sont victimes du déterminisme social auquel la jeune femme a tenté d'échapper et son retour parmi eux rompt l'équilibre qu'ils ont fondé autour du fantasme de sa réussite. Absente, elle manquait - comme tous ceux qui partent, elle était
"l'enfant préféré" - revenue, elle attise les frustrations.
Je les ai moi-même découverts un peu par hasard. Avec
François Decodts, mon coscénariste, nous ne voulions pas que ce soit le sujet du film mais un cadre qui nous permette de suivre au plus près la trajectoire de nos personnages en faisant écho à leur propre violence. Cependant c'est une réalité très cruelle et très prolifique. J'ai lu un article dans le journal Libération où, selon WWF, le trafic d'animaux domestiques ou sauvages se situe au 3 ème rang mondial des trafics après celui de la drogue et des armes. Il représenterait 15 milliards d'euros.
Et la France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre d'animaux domestiques avec notamment 8 millions de chiens... Et seuls 150 000 chiens des 600 000 vendus chaque année en France proviendraient d'un élevage français déclaré. Ça laisse de la marge pour les importations des pays de l'Est où il existe de véritables usines à chiots.
Au-delà de cette réalité, le trafic est devenu pour nous une sorte d'allégorie de la cruauté contemporaine.
Mais elle ne le fait pas. Elle ne peut ni recevoir son désir, ni entendre ce qu'il lui dit : sa solitude l'enferme dans une spirale implacable. Elle ne peut que retourner la violence contre ellemême. Elle l'accumule, par strates : c'est le ratage à Paris et le retour, moins léger que prévu, puis la violence des affaires auxquelles elle est mêlée et l'horreur de ces animaux morts que son oncle lui demande de brûler. À cela s'ajoute encore, la brutalité de l'intervention des douanes sur l'autoroute, et le fait que son oncle manque de l'étrangler. Elle pourrait tout arrêter, elle n'en a pas la force. Ce n'est que parvenue à un point de non retour, et alors qu'elle a perdu tout espoir, qu'elle peut enfin espérer se trouver... et se sauver. Oui, c'est comme un rite de passage. En frôlant la mort, elle comprend que la reconnaissance de son existence ne peut passer que par elle et non par sa famille : les liens sont également des entraves. Cette idée illustre aussi - qu'il faut parfois mourir à soi - même pour commencer à exister et à dire
"Je ".
Tous les personnages de cette famille, y compris celui d'Henri, ont une épaisseur, une densité et une complexité à laquelle je tenais beaucoup. Malgré leurs difficultés et malgré leur ambiguïté, ils sont capables d'amour et de solidarité. Une simple partie de cartes entre la mère et ses filles devient tout à coup un moment de joie qui permet d'affronter la perspective du lendemain.
Ce ne sont pas des miséreux, ils se battent, ils sont vivants et ils ont des désirs.
"Comment font les autres ?", hurle-t-il. Sandrine parvient à le calmer en entamant à son tour les fondations de la construction. Elle lui sert d'effet miroir. Et vice-versa. Car c'est une délicate question posée à Sandrine qui s'en sort dorénavant en trafiquant. D'où une seconde interrogation qui en découle : "Jusqu'où est-on prêt à aller pour trouver une place dans la société ?". Leurs situations se font écho, chacun y apportant des réponses différentes.
Martine balance perpétuellement d'un mouvement à l'autre. Elle est affectée par le manque de confiance de Sandrine qui lui a caché ses difficultés et profondément bouleversée par ce qu'elle apprend sur son frère. Mais elle ne peut jamais se résoudre à trancher complètement. Elle reste toujours dans une certaine ambiguïté. Anne Benoit lui confère une sensibilité, une fragilité et une porosité inouïes.
Il est plein de zones d'ombres : à la fois rude, égocentrique et manipulateur, mais aussi attachant et réellement lié à sa famille ; un lien assez brutal - il la
"tient" en glissant des billets aux uns et aux autres. Henri est finalement le seul à ramener concrètement Sandrine à la réalité de son échec. "Pourquoi partir ? Tu vois bien ! Tu es revenue !", lui répond-t-il lorsqu'elle lui demande s'il n'a jamais songé à tout quitter. Il n'a aucune empathie, aucune capacité à voir l'autre. Il utilise sa nièce comme un soldat : c'est elle qui frotte, c'est elle qui porte les sacs, et c'est elle qu'il envoie au front pour faire fructifier son trafic.
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Elle était venue voir un de mes spectacles au théâtre et j'ai découvert quelqu'un de très différent de la projection que je m'en étais faite. Nous sommes devenus amis. Elle et moi venons du même milieu social. Mes préoccupations faisaient écho en elle. J'ai vraiment écrit mon scénario en pensant à Louise : je pressentais qu'elle avait une colère à exprimer qu'on ne lui avait encore jamais vue à l'époque au cinéma.
Le son est au diapason de ce que traversent intérieurement les protagonistes : leur tension se matérialise par des stridences, des sons étouffés ou saturés qui viennent court-circuiter les rumeurs de la vie normale. Avec
Martin Wheeler, qui a composé la musique du film, nous voulions trouver une mélodie qui adhère étroitement au chemin que se fraye Sandrine pour sortir du chaos où elle se trouve : la clarinette basse, qui est utilisée dans le film, apporte la gravité, le souffle et l'élan qui la caractérise.
Tout le contraire de ce à quoi je m'attendais.
Pour son premier long-métrage, Laurent Larivière saura éviter avec une grande subtilité une cruauté visuelle trop appuyée. Il est bien question de ce monstrueux trafic de chiots, en provenance des pays de l'Est, qui transitent via la Belgique.
Les mauvais traitements, les fraudes qui s'en suivent, et l'enrichissement scandaleux pour les trafiquants, seront l'un des points cruciaux du film. Le scénariste réalisateur met tout son talent dans une étude approfondie et soignée des principaux personnages. Deux mondes qui se côtoient. Deux univers opposés dans lesquels se mêlent des situations écœurantes pour certaines, d'honnêteté, voire de candeur pour d'autres.
Nous découvrirons tour à tour leurs failles, leurs qualités, leurs peurs, leurs souffrances. L'espoir d'une autre vie, aussi.
Sandrine, étonnante Louise Bourgoin se trouvera, d'une part, confrontée au questionnement d'une mère bienveillante et quelque peu crédule. D'autre part elle fera face à un oncle enrichi à l'insu de toute sa famille, par cet horrible trafic. Un oncle qui tente de racheter sa conduite maffieuse derrière une belle apparence, celle d'un frère et d'un oncle parfait. Un homme qui se voudrait respectable. Il fera preuve de bienveillance, voire d'une belle générosité financière envers sa famille dans le besoin. L'urgence dans laquelle celle-ci se trouve la rend peu scrupuleuse devant cette prétendue générosité. Dans ce rôle, Jean-Hugues Anglade est remarquable.
Pour ce premier long-métrage, et un casting parfait, Laurent Larivière frappe un grand coup !