Après un passage remarqué en sélection parallèle à Cannes et une petite escale à Deauville où on a pu le découvrir, @JM_Siousarram revient donc sur l’excellent film de Thomas Bidegain, Les Cowboys, dont on reparlera sûrement aux César. Coup de coeur.
Chers amis cinéphiles, je ne vais pas faire la fine bouche avec vous, je vais plutôt être direct et vous le dire de but en blanc sans aucune retenue : Les Cowboys est le meilleur film français que j’ai vu cette année au cinéma. Vu au Festival de Deauville dans le cadre de la remise du prix d’Ornano-Valenti du meilleur premier film Français, le long-métrage avait mis une chape de plomb sur le public, puis fait pleuvoir les applaudissements nourris et les éloges. Il faut dire que rarement des débuts au cinéma n’avait suscité autant de curiosité de par la teneur de son sujet, et surtout l’aura de son metteur en scène, Thomas Bidegain.
Ce nom vous titille, mais vous n’arrivez pas à le resituer. Il s’agit tout simplement d’un des scénaristes les plus doués du moment, collaborateur privilégié d’un certain Jacques Audiard sur Un prophète, De rouille et d’os et Dheepan, la dernière Palme d’Or en date. Impressionnant CV. Et même si pour Les Cowboys il n’est pas seul à l’écriture, toutes les qualités du cinéma qu’il défend et propose avec son allié Audiard se retrouve dans cette première fiction profondément humaine, contemporaine, magnétique et esthétique.
Ses cowboys se sont François Damiens et la révélation Finnegan Oldfield, deux âmes unies par le sang et le destin explosé d’une famille sans histoire. Sous des airs de country mélancolique, armé de son Stetson, Damiens incarne la figure paternelle Alain. Aux côtés de sa femme Nicole, de son ado de fille Kelly et de son petit dernier Kid, il profite des dernières douceurs de l’été aux teintes sépia autour d’un lac avec ses amis nostalgiques du grand Ouest Américain. Quand soudain le vide fait son apparition sous la forme de la disparition de Kelly. Ce sont d’abord des interrogations normales, puis des cris de recherche paniqués, pour terminer en regard hagard devant le fait accompli. Elle s’est enfuit avec son petit ami en quête d’un monde meilleur en terre d’Islam.
Nous sommes dans les années 90, à l’époque on parlait du Yémen ou de l’Afghanistan. Et pourtant tout cela semble si proche de nous depuis le 11 septembre 2001, et surtout cette année 2015 à Paris. L’aveuglement est partout et guide ce récit du scénariste Noé Debré, la fois chez Ahmed, l’apprenti-djihadiste, l’amour chez Kelly, et évidemment le désespoir chez Alain. La détresse transmise par Alain est universelle. Au-delà du danger naturel que peut constituer la radicalisation islamiste, le spectateur est avant tout scotché par l’impuissance que dégage la situation d’avoir un être cher, encore innocent, livré à un monde dur et sans merci.
Très vite, il sera rejoint par son jeune fils, Kid, devenu adulte et alors joué par l’exceptionnel Finnegan Oldfield. Très vite, car cette quête obsessionnelle ne pourra s’achevé tant qu’il y a une once de vie, donc d’espoir pour Alain, entrainant Kid sur ses pas. Sa vie s’est achevée lors de cette dernière après-midi en famille, et ne pourra recommencer qu’avec le retour de Kelly. Bidegain se joue très bien de cette situation faisant planer sans cesse le parfum encore flottant dans l’air de la jeune ado à chaque fois que le père s’en approche. L’une des pistes conduira même Alain et Kid jusqu’à des imams radicalisés en Belgique. Terriblement d’actualité. Malgré un ventre mou dans la partie où Kid reprend les recherche de son père sur le terrain au Pakistan, cette quête irrépressible de vérité et d’espoir possède une cinégénie parmi les plus belles et envoutantes que nous ayons vu en cette triste et funeste année 2015. Un sacré paradoxe vu le sujet traité, mais peut-être y sommes nous justement encore plus sensible étant donné le contexte ?
Toujours est il que ce premier film de Thomas Bidegain aura largement confirmé tout son potentiel d’auteur sachant mêler parfaitement intrigue forte et d’actualité, personnages attachants et profonds, et langage cinématographique empreint d’esthétisme et de fond. Sans oublier Les Cowboys que sont François Damiens, qui tient sans doute là son plus beau rôle où il peu enfin mettre en évidence son regard tendre et cassé, et Finnegan Oldfield, la meilleure promesse émergée du cinéma français, un parfait croisement entre Benoit Magimel et Vincent Cassel pour l’intensité de son jeu et la rage contenue dont il sait faire montre. Un sujet fort traité avec pertinence, le tout dans un soucis constant d’une identité cinématographique : voici l’un des films de l’année.