Vladimir Propp a constaté dans son livre La morphologie du conte que des motifs et des modèles étaient récurrents dans des centaines de contes russes. Nous pouvons raisonnablement penser que les archétypes étaient déjà à l’œuvre sans que nous en avions la moindre conscience.
A lire :
CHRISTOPHER VOGLER : ARCHETYPES (1)
Pour utiliser au mieux la fonction des archétypes au sein d’une histoire, il est préférable de faire agir vos personnages selon certains traits de personnalité propre à un archétype spécifique et les utiliser pour motiver les actions d’un personnage dans une situation donnée.
Un personnage emprunterait donc les caractéristiques d’un archétype temporairement tout en conservant son individualité par ailleurs. En d’autres termes, les personnages s’adaptent à la situation.
Christopher Vogler en ce sens est très proche de ce qui se passe dans la vraie vie. D’autres auteurs préfèrent affubler leur personnage essentiellement basé sur un archétype de traits de caractère spécifique (que l’on n’attend pas chez cet archétype) pour individualiser le personnage tout en lui conservant sa fonction dans l’histoire. Par exemple, un mentor qui pourrait tomber d’amour pour la jeune héroïne qu’il a en charge d’éduquer (avec peut-être une thématique sur la différence d’âge).
Pour Vogler, cependant, le fait qu’un personnage puisse revêtir les atours de n’importe quel archétype selon les circonstances est un moyen efficace de faire avancer l’histoire. Le personnage porte le masque qui l’arrange au mieux dans les situations particulières où l’auteur le place. Le personnage peut commencer par être un messager puis porter un masque différent pour fonctionner comme un trickster puis ensuite laisser parler la part d’ombre qui est en lui au point d’agir comme le méchant de l’histoire.
Vous avez ainsi un catalogue de comportements et d’attitudes clefs en mains. Maintenant, reste à savoir comment le passé de votre personnage (qui ne figure pas dans le présent de la narration, qui n’est donc pas montré) influe sur les actes et réactions de votre personnage et comment ce passé particulier peut interférer avec les attitudes attendues de l’archétype.
Christopher Vogler précise d’ailleurs qu’un héros assimilera tout au long de son voyage des éléments de tous les personnages (donc dans l’esprit de Vogler, des autres archétypes) qu’il rencontrera. Somme toute, c’est comme dans le genre Golden Fleece tel que le conçoit Blake Snyder où le héros est ou devient un être humain complet en fusionnant avec les psychés de ceux qui l’entourent qui ne seraient alors que des émanations de l’individu qui assemblées en font un être complet – ce qui ne l’empêche pas cependant d’avoir des problèmes parce que sans ceux-ci, il n’y aurait pas d’histoire. Il faut qu’il manque quelque chose au héros pour atteindre véritablement à la plénitude de son être.
C’est ainsi que vous pourriez jouer avec les archétypes si votre histoire est lourde de symboles et que vous aimiez les métaphores pour lui donner un sens qui n’est peut-être pas accessible d’emblée (ce qui ne veut pas dire que cette superficialité nuit à l’histoire, bien au contraire).
Les archétypes peuvent non seulement refléter les différents aspects d’un être humain mais ils peuvent aussi aider à expliquer la condition humaine, le combat pour devenir un individu et la mort. Les qualités humaines décrites reprises par les différents archétypes sont (par la nature même de l’archétype) compréhensibles à la fois du plus grand nombre mais aussi accessible à l’individu qui y reconnaît des bribes de sa propre situation.
Les archétypes les plus usuels chez les conteurs d’histoires
Il y a autant d’archétypes que de qualités humaines qui peuvent (archétypes et qualités humaines) intervenir dans une histoire. Même s’il s’agit de fantastique, la réalité s’invitera toujours et parfois bruyamment au cœur de votre histoire et vos personnages de fiction, croyez-nous, ne font pas semblant d’être réels. Nos personnages de fiction ont trop de points commun avec les individus réels pour qu’il en soit autrement. L’imagination serait alors non pas un moyen de s’évader de la réalité mais de la décrire pour la rendre plus supportable. Les contes de fées, les mythes (et la mythologie), le folklore et les légendes regorgent de personnages archétypaux. Jung, Propp et Joseph Campbell entre autres l’avaient bien compris.
Dramatica propose sa propre définition des archétypes et de leur usage. Christopher Vogler propose la suivante :
– le héros,
– le mentor (généralement celui qui apparaît avoir une sagesse que lui a conféré l’expérience),
– le gardien du seuil (un obstacle souvent rencontré vers le point médian de l’histoire),
– le héraut (ou messager que l’on reconnaît chez Hermès, le messager des dieux ou Jean dans l’Apocalypse qui se fait le messager du Christ auprès des sept Eglises d’Asie Mineure),
– le métamorphe (à lire ICI et ICI pour une étude détaillée),
– l’ombre (ou du moins la part d’ombre en chacun de nous, généralement incarnée par l’antagoniste ou bien encore qui peut intervenir dans le conflit interne, intime que le personnage principal de votre histoire ne devrait pas manquer de se livrer à lui-même),
– l’allié (que l’on retrouve dans la définition du sidekick et qui peut être soit du côté du bien, c’est-à-dire le héros, soit du côté du mal, c’est-à-dire le méchant de l’histoire ou dont le cœur pourrait balancer entre les deux selon les moments ou les situations),
– le trickster (qui dérive de l’enfant intérieur tel que l’a décrit Carl Gustav Jung et qui désigne la part enfantine ou infantile de l’adulte, Peter Pan en est un bon exemple).
A lire :
ARCHETYPES de MELANIE ANNE PHILLIPS
Comme souvent répété dans nos colonnes ou par les gourous de l’art d’écrire des scénarios, les réponses aux questions que l’on se pose nous évitent souvent le syndrome du blocage de l’auteur. Concernant l’archétype, on n’y échappe pas et voici les deux questions que vous devriez vous poser en concevant vos personnages :
- Quelle fonction psychologique ou élément de la personnalité est censé représenter votre personnage (donc l’archétype retenu) ?
- Quelle est sa fonction dramatique dans l’histoire (à quoi sert-il précisément dans l’histoire) ?
A lire :
CHRISTOPHER VOGLER : ARCHETYPES (1)