Une conclusion mature mais une transcendance peu présente.
Il y a trois ans sortait sur nos écrans la vision post-apocalyptique des jeux du cirque romain. Après Harry Potter et Twilight, Hunger Games de Suzanne Collins était la nouvelle saga à adapter. Malgré la controverse d’un plagiat éhonté du roman Battle Royale – des lycéens s’entretuant sur une île, à la vue du pays entier – un nouveau phénomène se mettait alors en marche. La semaine dernière, et quelques millions engendrés plus tard, le public pouvait (enfin) assister à l’assaut ultime introduit dans le deuxième volet L’Embrasement. Pour votre mémoire, le dernier tome de la saga avait été scindé en deux. Le précédent épisode se concentrait sur la propagande politique, la manipulation médiatique et la reconstruction après un choc traumatique engendré par une guerre. Malheureusement, cette partie a pu en dérouter plus d’un. Ne reprenant pas le même schéma que les deux précédents films, elle leur paraissait arythmique, moins fulgurante qu’auparavant. Et pourtant, cette dernière me semble plus aboutie que sa petite soeur : la révolution, tant promise, ne décollera jamais vraiment.
Cependant, des dernières dystopies young adult post-apocalyptiques, le film est le plus abondant et le plus complexe. Il n’hésite pas à montrer le mythe du héros brisé par les combats. Le scénario développe une nouvelle fois une Katniss cynique et ravagée par la manipulation, par ses propres choix. Le destin de la jeune femme est trouble, elle ne semble qu’être une marionnette d’un plan machiavélique qui lui échappe. La protagoniste n’est jamais dépeinte comme une héroïne voulant la paix dans son monde. Sa morale vengeresse est plus que perceptible mais la frontière, entre son statut de symbole pour la résistance et de traîtrise, est finalement peu présente. Son imprévisibilité la rend plus humaine et plus représentative des spectateurs. Ce développement s’accompagne d’une richesse idéologique intelligemment menée. La chute du régime totalitaire est montrée comme pernicieuse et l’écriture reste impartiale quant à la représentation des deux pouvoirs (celui du Président Snow et celui de Coin, alors chef de la Résistance). Par ce parti pris, nous retrouvons ici la démonstration et l’aboutissement d’une pertinence narrative conceptuelle illustrée tout le long de la saga. Malheureusement, à ces qualités louables et audacieuses, il manquera ce souffle spectaculaire et émotif qu’il aurait fallu pour faire de La Révolte un grand diptyque. Francis Lawrence n’a aucune crainte quand il s’agit de mettre en scène les horreurs et les violences de la guerre de ce Capitole meurtrier, certes. Mais les combats n’auront vraiment lieu qu’en arrière-plan même si la bataille médiatique bat son plein. Par ailleurs, l’utilisation trop fréquente d’ellipses empêche l’installation d’une empathie pour ces personnages disparus. Elles provoqueront un rythme expéditif qui rendra le long-métrage assez élitiste vis-à-vis des non-lecteurs. Un film doit se suffire à lui-même sans dépendre totalement du matériau d’origine. Par cela, le scénario échoue en n’éclaircissant pas les zones d’ombre qui occultaient la mort de certains personnages et le rôle joué par le meilleur ami de Katniss.
Avec un tel casting à l’affiche, le film aurait pu prendre une envolée vertigineuse… si certains personnages n’avaient pas été aussi peu étoffés. On en vient à oublier leur existence ou leur utilité. Trop expéditive, Peeta n’a jamais l’évolution méritée alors que tout le machiavélisme du Capitole demeurait en son sein (Josh Hutcherson n’aura pourtant jamais été aussi imprégné que dans ce dernier chapitre). Gale paraît très futile à l’image de son acteur, Liam Hemsworth, fade à souhait, à l’instar de sa co-star Jennifer Lawrence qui n’insuffle plus tout le charisme nécessaire à son personnage. Nous retiendrons la gouaille de Sam Claflin (Finnick Odair), le sarcasme de Jena Malone (Johanna Mason) ; bien que très peu exploités ; l’ambiguïté et la froideur de Julianne Moore (Coin), la jovialité de Elizabeth Banks (Effie Trinket) et la sobriété de Philip Seymour Hoffman (Plutarch Heavensbee). Cette conclusion est plus lugubre mais trop présomptueuse de par son déséquilibre entre le spectaculaire et les séquences plus intimistes. Cette construction maladroite frustre, déçoit et ne hissera pas les films au même rang que Harry Potter et autres Seigneur des anneaux.
Réalisé par Francis Lawrence, avec Jennifer Lawrence, Josh Hutcherson, Liam Hemsworth,…
Sortie le 19 novembre 2015.