[Critique] : Knight of Cups, un film d’intervalles

Par Pulpmovies @Pulpmovies


Réalisé par : Terrence Malick
Avec :
Christian Bale, Natalie Portman, Cate Blanchett 
Sortie :
 25 Novembre 2015

Durée: 1h58min 
Budget:
Distributeur :
Metropolitan FilmExport 

3D: Oui – non

Synopsis :
 
« Il était une fois un jeune prince que son père, le souverain du royaume d’Orient, avait envoyé en Égypte afin qu’il y trouve une perle. Lorsque le prince arriva, le peuple lui offrit une coupe pour étancher sa soif. En buvant, le prince oublia qu’il était fils de roi, il oublia sa quête et il sombra dans un profond sommeil… » Le père de Rick lui lisait cette histoire lorsqu’il était enfant. Aujourd’hui, Rick vit à Santa Monica et il est devenu auteur de comédies. Il aspire à autre chose, sans savoir réellement quoi. Il se demande quel chemin prendre.



Notre avis :

A la merveille plongeait deux hommes dans un questionnement sur l’amour, où la passion menait au trouble, et à la remise en cause d’une vocation. Le doute joue un rôle de premier plan dans les derniers films de Terrence Malick, a fortiori dans Knight of Cups, où tout est guidé par la remise en question de Rick, et les trajectoires qu’il choisit… L’enjeu de surface serait de s’approprier le personnage de Christian Bale, ce qui est difficile dans un film où le protagoniste a enfoui son âme sous des couches de haine, de tristesse, et d’alcool. Décryptage : 

De quel chevalier parle-t-on ? Du chevalier des coupes, celui qui doit faire face à l’événement, sans perdre de vue l’arrivée. « Vous voyez les palmiers ? Ils vous disent que tout est possible. » En effet, tout est possible à Hollywood, au point de se perdre, et d’être définitivement l’anti Knight of Cups, celui qui ne sait plus où il va et en lequel plus personne ne croit. Son personnage est dépossédé de rationalité.  Serait-ce donc le vide que représente ici Terrence MalickKnight of Cups est un film de l’intervalle, celui entre la vie et la mort, entre un temps passé et un temps présent.. C’est dans ces flottements que l’espace du film se crée, un vide, où va se loger l’esprit du spectateur, perdu pour le reste du film. 

« La réalité n’intéresse plus personne.. » chuchote langoureusement une streap teaseuse à Christian Bale, et indirectement … à nous. C’est peut être dans cette unique phrase que se cache la clé du projet de Terrence Malick. La réalité est devenue insipide, un lieu de perdition. Le cinéma est au  contraire le lieu du fantasme, et de la possibilité d’une renaissance. La peau et l’esprit, deux obsessions du cinéaste occupent maladivement le cadre, jusqu’à l’insert la plus précise pour saisir la pureté de la peau nue. Et cette eau, bain lustral, ou origine de la vie, devient un motif récurrent tout au long du film. Ce sont ces surfaces sur lesquelles se projettent les fantasmes de Rick. La beauté du film réside dans ces surfaces qui font écrans de projection de la mémoire de Rick. Et c’est le virtuose Emmanuel Lubezki qui sublime le tout. Ce directeur de la photographie a installé son statut de démiurge, accumulant les plus gros projets de ces dernières années, notamment GravityBirdman et le très attendu The Revenant. En définitive, c’est cette sublimation du réel par l’image de Lubezki qui rend le film spectaculaire et nous laisse repartir avec, certes le cerveau totalement trouble mais les yeux grands ouverts.

Mais bien à l’abri dans sa perfection esthétique, Knight of Cups devient impénétrable. On suffoque, tant le rythme est lent. Malik choisit d’épouser la cadence du personnage, ce qui est l’occasion de trajectoires prodigieuses, avec une totale maitrise de la steady cam, allant jusqu’à inclure des séquences Gopro. Mais cette lenteur de déplacement donne l’impression que le film plane au dessus de tout. L’institutionnelle voix-off épouse ce même rythme, et devient terreau fertile aux envolées lyriques qui finalement tuent le propos. 

L’habituel travers d’identification du personnage au cinéaste serait ici une clé réductrice. Terrence Malik n’est pas ce produit hollywoodien en quête d’identité, ivre des extravagances jet-setteuses. Au contraire, il sait parfaitement qui il est et ce qu’il fait. Malik est ce cinéaste théoricien de l’art, de son art. Mais surtout cinéaste de l’Amérique, de ses vieux mythes ou de ses différents espaces. Le Nouveau Monde s’ouvrait sur Collin Farrel en John Smith, prisonnier qui découvrait les terres d’Amérique depuis un hublot, et renvoyait directement à la « fenêtre ouverte sur le monde » qu’est le cinéma. Ici, le récit cinématographique égale voyage dans le temps et dans le souvenir. Ici, il s’agit d’une Amérique faite d’espaces, intervalles urbains vides, où il est difficile de trouver sa place. La cohabitation entre l’homme et l’intervalle vide de deux immeubles, autoroutes, ponts, qui obligent le personnage à s’extraire de ces lieux pour finalement échouer sur d’autres espaces vides, ceux de la nature.

Terrence Malik plane définitivement au dessus de ses pairs, mais accouche d’une surface lisse sur laquelle il est difficile de s’accrocher. 

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