Tout le contraire, dans la démarche comme dans le traitement des idées de Chloé & Théo, qui nous a bien mis en rogne, Demain est une œuvre nécessaire et intelligente, sortie au moment propice, alors que la COP21 a débuté ce dimanche. Nous avons pu assister à l’avant-première du documentaire de Mélanie Laurent (que l’on a vu dans Boomerang et qui a fait la voix de Dégoût dans Vice Versa) et Cyril Dion qui sortira mercredi 2 décembre et pose le constat de l’activité humaine pour mieux lui opposer des solutions à la portée de tous, n’oubliant pas de lier ce qui l’est intimement, à savoir, la politique, les modèles économiques et l’éducation.
Une étude menée par Paul Ehrlich à l’université de Stanford aux Etats-Unis semble indiqué que l’humanité elle-même pourrait-être soumit à une extinction de masse si l’on ne fait rien pour enrayer le réchauffement climatique d’ici 2100. Divisé en cinq chapitres, l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation, Demain est le récit de la rencontre des réalisateurs avec ceux qui, à travers le monde, œuvrent pour rendre le monde plus vivable et l’activité humaine soutenable.
Là où Chloé & Théo péchait à la fois par mièvrerie et culpabilisation excessive, Demain adopte une démarche plus scientifique, plus juste, plus morale tout compte fait. Mélanie Laurent et Cyril Dion n’ont pas choisi de traité la problématique d’après les pérégrinations New Age et apocalyptique d’un conte inuit revisité pour les occidentaux. Non, ils étayent d’abord un grand nombre de fait. Nous pensons dorénavant qu’il n’est peut-être plus temps de ne parler aux peuples de la terre que par le biais détourné de sentiments romanesques. Nous en avons vu les limites. Il est surement de se fier à notre intellect, de présenter les choses sans fards et sans mensonges. Demain ne nous laisse pas croire que l’on pourra changer le monde en se changeant uniquement soi-même. Non, Demain prend acte de la nécessaire reprise en main de nos démocraties, du nécessaire vivre-ensemble à mettre en place, d’un choix de société tout à fait nouveau à accepter, sans quoi rien ne sera possible. C’est pourquoi il n’est pas question ici de nous tromper en allant voir du côté de Google dont même Greenpeace se laisse berner en la déclarant récemment entreprise la plus verte de l’année. Il s’agit plutôt d’orienter le documentaire vers les solutions simples mises en place par des gens simples comme vous et moi, des salariés, des petits artisans.
Dans la première partie du documentaire, l’équipe a choisi de s’intéresser à l’essentiel, au primordial, c’est-à-dire à l’agriculture. C’est effectivement du secteur primaire que dépend essentiellement notre survie en tant qu’espèce. Plusieurs idées sont mises en avant. La plus importantes d’entre elles est certainement que l’humanité reste nourri en grande partie par les petits producteurs qui possèdent néanmoins peu de terre. D’un autre côté, les grands exploitants terriens appauvrissent et empoisonnent constamment la terre pour un rendement moindre. Il y a deux issus à ce problème, d’une part, cesser les subventions aux agriculteurs géants et d’autre part il faut rompre le lien malsain qui lie l’industrie agroalimentaire à l’industrie pétrolière. Celle-ci a, en effet de grandes responsabilités dans les choix de productions des denrées. Les véhicules, les engrais et les pesticides sont des produits de l’industrie pétrolifère. La permaculture, utilisant les avantages de telles ou telles plantes, les faisant pousser en symbiose arrivent manifestement à des rendements équivalent tout en se passant en quasi-totalité des produits pétrochimiques et en enrichissant les sols. Le problème de la surproduction est donc directement lié à celui de l’énergie.
Que peut-on proposer en lieu et place des énergies fossiles, du charbon et du nucléaire ? Des pays comme l’Islande, certes bien dotés par la nature en la matière, ont su, dès les années 70, après le premier choc pétrolier, développer l’énergie géothermique, hydraulique et éolienne. Seul 13% de leur consommation énergétique est encore assurée par les combustibles. En Irak, au Mali, la guerre fait rage, sous l’étendard démocratique, sans autre raison véritable que d’assurer aux occidentaux le contrôle des dernières ressources pétrolières. Nos concessions diplomatiques avec les dictatures du Golf ne confinent pas à d’autres intérêts. Ayant pris conscience, depuis des décennies, que les ressources de la Terre sont épuisables, les gouvernements auraient dû penser le futur, mais nous avons les gouvernements que nous méritons. Seul une prise de conscience collective sur la nature même du capitalisme et de son absurde accumulation amenant à mettre au pouvoir des hommes de convictions et non plus les hommes de pailles des multinationales pourra faire bouger les lignes. S’il s’agit d’engraisser toujours les plus gros au mépris même de la survie de l’espèce alors c’est bel et bien le système économique dans son ensemble qu’il faut repenser.
C’est ainsi que Demain nous emmène aux côtés de ceux qui ont pris l’initiative de relocaliser l’économie, de la rendre à taille humaine. Contrairement à la propagande des économistes libéraux orthodoxes, l’économie n’est pas une science exacte et n’a pas d’existence naturelle. C’est un outil créé de toutes pièces par l’homme et malléable de bout en bout. Chaque fois qu’un être vivant est sacrifié sur son autel, c’est un blasphème, un crachat au visage de l’humanité. L’économie doit servir la recherche du bonheur et non pas le profit. C’est ainsi qu’est abordé dans le long métrage, l’idée de mettre en place des monnaies complémentaires aux monnaies nationales dans des zones restreintes, à l’échelle communale ou métropolitaine. Par ce biais, l’argent est libéré du crédit, l’organe le gérant pouvant le créé sans avoir recours à l’endettement. L’endettement et le crédit permettant dans le système de base aux banques privées de créer de l’argent sans rien, à partir des intérêts et sans naturellement travailler, privant le travail de sa valeur au profit du capital. De plus, les monnaies locales permettent de contrôler plus étroitement l’exil fiscal et l’évasion des capitaux, privilégiant de fait la collaboration des entreprises sur le plan local plutôt qu’à l’international. Indubitablement, les petits entrepreneurs à échelle humaine sont favorisés par ce système et subissent moins le joug des multinationales dont ils n’ont plus à être les sous-traitants à la merci.
Au sein de l’entreprise comme des nations, le déficit démocratique grandissant rend impossible tout espoir de changement. Il convient de reprendre la parole, de ne jamais se la laisser soustraire. Les tout récents événements en marge de la COP21, voyant la police réprimer les manifestants sous prétextes de l’état d’urgence, n’est pas qu’un symptôme, c’est une profession de foi. Comment les gouvernements du monde compte-t-il sauver la planète sans contrarier les acteurs du système qui la détruit ? On serait tenté de dire qu’il ne compte pas le faire. C’est pourquoi, cette mission, il faut nous l’arroger. Les préoccupations écologiques ne peuvent pas être dissociées des préoccupations sociales. Demain nous offre un exemple édifiant de démocratie local, en Inde, auprès d’un intouchable devenu maire de sa commune. Expérimentant une expérience de démocratie direct où tous les citoyens sont invités à participer aux délibérations municipales et où sont pris en compte leur remarque, ce dernier a constaté qu’en étant impliqués, les gens prenaient ensuite leurs responsabilités. Ainsi a-t-il pu réhabilité les bidonvilles qui faisaient la honte de sa ville et a même obtenu que les castes se mélangent dans ses nouveaux quartiers. Il y a, c’est sur, quelque chose à chercher, dans l’apathie des européens face à la crise écologique, dans le manque de confiance qu’ils ont dans le pouvoir qu’ils pourraient avoir d’être pris en compte. Restaurer la confiance démocratique, c’est se munir de vrai citoyen actifs dans la Cité.
Et comment se doter de bon citoyen, autrement qu’en mettant le paquet dans l’éducation de nos enfants ? A quel point il est triste et inquiétant de voir notre peuple prêt à sacrifier ses libertés et l’avenir de ses enfants aux sirènes sécuritaires. Du pétrole de Daech au réservoir de votre voiture, il n’y a qu’un pas camouflés habilement dans les arcanes financières. Alors de quoi devons-nous avoir le plus peur, des terroristes ou de perdre à leurs profits, malfrats financiers ou bien religieux, les seules marges de manœuvres qu’ils nous restent pour leur opposer un refus ? C’est plus que jamais de crédits pour la culture, d’une vraie considération du corps enseignant, d’une contrat de confiance renouvelé entre les pédagogues et les familles que nous avons besoin. Combien de nos enfants ne font pas la différence entre un canular complotiste et une information objective ? De moins en moins, et c’est ainsi qu’on les poussent les uns contre les autres en fonction de la couleur de leur peau, de leur origine ethnique ou de leur lien avec le sacré alors même qu’un seul ennemi commun fait front et les instrumentalisent. Pendant que nous nous entretuons entre cousins, les poches des cigales voraces se remplissent et il se peut bien qu’il nous laissent face aux éléments dépourvus lorsque la bise sera venus. En Finlande, la priorité a été redonné à ce qui devrait être le rôle essentiel de toute école. Il s’agit de former des citoyens libérés des idées rétrogrades de race et capable de raisonner en être libre. Ne croyons pas que cette problématique soit si éloignée de la problématique écologiste. Le système capitaliste doit mourir et ce n’est pas en formant des bêtes unités productives sans conscience de soi et sans respect de l’autre que l’on y arrivera.
Porté par la bande-son électro et jazzy de Fredrika Stahl, Demain est un bel objet cinématographique en plus que d’être à la fois très documenté et intéressant. Mélanie Laurent et Cyril Dion porte ici une bien belle initiative habitée par l’une des plus beaux sentiments humain : l’espoir.
Boeringer Rémy
Retrouvez ici la bande-annonce :