William indick : du conflit – part 4

Par William Potillion @scenarmag

Continuons l’étude du conflit sous l’angle psychologique avec William Indick.

Précédents articles :
WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 3
WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 2
WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 1

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LA PSYCHOLOGIE DU PERSONNAGE

Le complexe de culpabilité

Beaucoup de héros ne souffrent pas d’une libido exacerbée que leur statut de héros pourrait facilement soulagée. Leur problème ne vient pas non plus de leur surmoi qui s’avère plutôt bien développé.
Ce qui mine le héros de l’intérieur, c’est son complexe de culpabilité (et c’est particulièrement récurrent chez les superhéros).

Malgré leur puissance, les superhéros sont sans défense contre leur propre surmoi ce qui les conduit à ressentir cette culpabilité écrasante qui interfère grandement sur leurs comportements et décisions.
Lorsque le père adoptif de Clark Kent meurt d’une crise cardiaque, le Clark adolescent se le reproche amèrement. Il ne comprend pas à quoi lui servent tous ces pouvoirs fantastiques s’il ne peut sauver son propre père.

C’est ainsi que ce complexe de culpabilité définit l’identité de Superman comme un  superhéros altruiste lui permettant de se racheter et de justifier ses aptitudes si particulières. Nous retrouvons d’ailleurs ce motif chez des superhéros comme Arrow ou Daredevil.
Spiderman lui-même n’a pas senti immédiatement la nécessité de servir le bien. Ce n’est qu’après l’attaque contre son oncle qu’il prend conscience qu’il doit expier pour ses propres péchés. En décidant de combattre pour le bien et de consacrer sa vie à la lutte contre le crime, il parvient ainsi à justifier sa propre existence.

Bien sûr, le sentiment de culpabilité s’applique à n’importe quel personnage. Ce sentiment s’avère en fait une très forte motivation qui permet d’orienter drastiquement l’histoire et les décisions du personnage. Vous avez d’ailleurs tout intérêt à bien travailler la culpabilité ressentie par un personnage car nous nous sentons tous coupable de quelque chose et il est alors plus aisé de s’identifier avec un héros et son désir de se racheter parce que c’est un passage que nous reconnaissons en nous et chez les autres.

Dans Drugstore Cowboy de Gus Van Sant et Daniel Yost d’après le roman de James Fogle, après la mort de Nadine, Bob dont les seules préoccupations étaient lui-même et se procurer sa prochaine dose, se sent coupable d’avoir détruit la vie de cette jeune fille et n’aspire plus qu’à racheter sa propre vie. Bien qu’il ne bénéficie pas des pouvoirs des superhéros, le dévouement de Bob à sa nouvelle cause est tout aussi puissant et exaltant.

Le péché, la culpabilité et la rédemption sont des concepts majeurs et qui résonnent très distinctement dans l’esprit d’un lecteur. Ces crises sont  généralement très bien identifiées par le lecteur mais cette perception doit être préparée.
La crise pour être efficace chez votre lecteur doit être bien structurée et l’élément clé de cette structure est l’image du père ou du mentor ou plus simplement du modèle.

Dans la vie de Bob dans Drugstore Cowboy, il est évident que l’image du père est manifestement absente. Cependant, lorsque Bob prend conscience que sa vie doit changer, le Père Murphy entre en scène. Le Père Murphy, vieille connaissance de Bob, est un prêtre drogué et défroqué mais il fournit à Bob le modèle dont il a un besoin urgent dans les moments de sa métamorphose. Bien qu’il ne fasse que quelques apparitions, la présence du Père Murphy est une pièce nécessaire du puzzle de la personnalité de Bob.
Ainsi, lorsque vous écrirez votre propre personnage dont un des traits majeurs de la personnalité sera un sentiment de culpabilité, prévoyez un modèle ou une image du père (quelqu’elle soit).

Résumons ce que vous avons vu dans nos précédents articles :
Précédents articles :
WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 3
WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 2
WILLIAM INDICK : DU CONFLIT – PART 1

Le çà

L’agressivité et le sexe sont des pulsions qui alimentent la partie de notre psyché connue sous le terme de çà.

Le surmoi

Le surmoi est cette partie de la psyché qui représente notre moralité, notre conformité aux coutumes sociales et probablement culturelles. Le surmoi est notre conscience.

Le moi

Le moi représente une instance de notre psyché qui est un compromis entre notre libido (tout ce que le çà nous renvoie) et notre culpabilité (qui est la manifestation restrictive du surmoi).

Les représentations du çà, du surmoi et du moi

Dans une histoire, le çà est souvent incarné par l’antagoniste principal, le moi est alors le protagoniste (plus spécifiquement le héros) et le surmoi est personnifié par le mentor (ou l’image du père).

Le çà réprimé

Le çà doit être soumis ou tempéré ou réprimé par le moi. C’est ainsi que dans les histoires, le méchant soit commence soit finit emprisonné (physiquement ou symboliquement).
Ursa, Non et le Général Zod sont envoyés vers la Zone Fantôme sur décision du Conseil dans Superman, Le Film dès les premières séquences.

Le complexe d’Œdipe et l’antagoniste

La résolution du complexe d’Œdipe se traduit par la punition du méchant de l’histoire. Donc cette punition devrait être travaillée de façon à apporter un aspect dramatique intense à l’histoire ainsi que conférer un sentiment de justice.

A lire :
LA PSYCHOLOGIE DU PERSONNAGE

L’arc dramatique et la crise de conscience

L’arc dramatique des personnages passent souvent par une crise de conscience. Celle-ci consiste à prendre conscience qu’ils doivent aller au-delà de leurs besoins égoïstes en prenant des décisions morales.
La description de cette crise de conscience par le biais du développement du personnage (son arc dramatique) symbolise le développement du moi et le triomphe du surmoi sur le çà.

L’image du père

Le développement du héros est guidé par ou bien inspiré par une forte figure de mentor.

A lire :
LE MENTOR

La résistance au changement

Lorsque nous sommes face à un défi moral ou que nous devions prendre des décisions majeures dans notre vie, nous éprouvons tous une certaine réticence ou une peur. Cette attitude est personnifiée dans nos histoires par un personnage qui fait preuve de lâcheté.
Pour minimiser cependant l’image que pourrait renvoyer un tel personnage et qui pourrait interférer avec le sens véritable de sa présence dans l’histoire, ce personnage est souvent dépeint avec des atours comiques. Il se veut en effet seulement n’être que le reflet d’un comportement somme toute très naturel et peut aider à définir plus en profondeur le personnage principal de votre histoire.

A lire :
LE CONFLIT DANS LES DUOS

L’antihéros

L’antihéros est un personnage qui est initialement contrôlé par son çà. Au bout de son voyage, il finit en fin de compte par surmonter son égocentrisme et se sacrifie pour le bien d’autrui.

Le héros déchu

Le héros déchu est un personnage tragique qui essaie de surmonter sa nature néfaste dont il a parfaitement conscience mais qui échoue et succombe à cet aspect très sombre de sa véritable nature.
Lex Luthor, par exemple, pourrait être considéré comme un héros déchu. Plus récemment, Wilson Fisk de Daredevil est un autre exemple. Ce qui est intéressant avec le héros déchu est que c’est un personnage dont les contours peuvent être travailler assez profondément afin d’en faire un être à trois dimensions et pas seulement un méchant typique.

Le sentiment de culpabilité

Beaucoup de personnages centraux sont atteints d’un complexe de culpabilité. Ils savent qu’ils ont besoin de se racheter à leurs propres yeux comme à ceux de la communauté pour un péché ou un manquement grave.

Quelques pistes pour votre brainstorming autour du conflit

Les meilleurs méchants sont guidés par ces pulsions primaires que sont le sexe et l’agressivité, c’est-à-dire leurs désirs primaires ou encore leur libido. Vous n’êtes pas obligé de mentionner le sexe et des formes d’agression pour décrire un antagoniste, cependant, comment pourriez-vous épicer quelque peu votre méchant avec en toile de fond de votre réflexion ces concepts sexuel et agressif ?

Votre méchant devra payer pour ses exactions. Gardez à l’esprit que vous devez accorder autant d’importance (si ce n’est plus) à votre méchant qu’à votre héros.  Quel châtiment pourrait être à la hauteur de votre héros ? En effet, la punition que recevra le méchant de votre histoire doit être suffisamment dramatique pour ne pas frustrer votre lecteur et minimiser l’image de votre héros.

Pour en savoir un peu plus sur le méchant, consultez notre page
William C. Martell

Lorsque vous aurez déterminé le châtiment que recevra votre méchant, concevez trois situations, trois illustrations qui soient nouvelles (inutile de servir des resucées à vos lecteurs), excitantes ou au moins qui fassent preuve d’une réelle inventivité.

Décrivez en deux ou trois phrases le principal problème (c’est-à-dire le conflit) de votre héros. Si vous n’y parvenez pas, il est probable que vous n’avez pas suffisamment travaillé les motivations qui animent votre personnage.
Votre personnage a certainement quelques problèmes internes qui soulèvent de véritables soucis psychologiques. Creusez dans ce sens pour mettre au jour quelques motivations bien senties. Elles devraient vous mener au conflit.

Les exemples de personnages ne manquent pas. Pour concentrer les recherches documentaires sur vos personnages (afin d’éviter de partir dans tous les sens) :

  1. choisissez 5 antagonistes (parmi vos préférés) et à titre d’exercice, écrivez comment à votre avis, ils incarnent ou mettent en avant le çà.
  2. choisissez 5 héros (parmi vos préférés) et à titre d’exercice, écrivez comment à votre avis, ils incarnent ou mettent en avant le moi.
  3. choisissez 5 mentors (parmi vos préférés) et à titre d’exercice, écrivez comment à votre avis, ils incarnent ou mettent en avant le surmoi.

La culpabilité est un élément fondamental de conflit interne. Réfléchissez à ce qui pourrait avoir causé un tel sentiment chez votre héros ou n’importe lequel de vos personnages selon les besoins de votre histoire.
Considérez aussi comment ce sentiment pourrait devenir un facteur du développement de votre personnage, voire une motivation à agir. Quoi que vous conceviez, ce sentiment doit être incorporé à l’arc dramatique du personnage.

Quel est le statut de votre héros ?
Nous avons entrevu plus haut le héros classique, l’antihéros et le héros déchu (pour ce dernier, nous l’avons même attribué à l’antagoniste). Il y a certainement d’autres types.
Définir un type de héros est partique car il peut vous aider à choisir certaines motivations et à en rejeter d’autres qui ne lui conviendraient pas.

 Quelques questions à se poser après le premier draft

Est-ce que les motivations de votre méchant sont-elles claires ?

Est-ce que le climax met bien en avant le châtiment du méchant ? Et est-ce que cette punition (Eh oui, tout est question d’éthique, en fin de compte) est-elle à la hauteur de ses crimes ?
Si non, retravaillez le châtiment car ne pas punir l’antagoniste comme il le mérite revient à dénigrer votre héros.

Votre héros a deux conflit à affronter. L’un est externe (on le nomme Story’s Goal), c’est le conflit qui est connu, au vu et su de tout le monde comme de délivrer la princesse, par exemple. Ce conflit externe est pour le héros comme une mission à mener à bien. Ce qui ne signifie qu’il la réussisse à tous les coups.
Et un conflit interne, psychologique. Quelque chose qui tracasse le héros et tant que ce problème n’est pas résolu, il l’empêche de mener à bien sa mission. Ce peut être par exemple une blessure dans l’enfance jamais cicatrisée.
Avez-vous donc bien différencier les deux conflits ?

Est-ce que votre héros a un mentor ? Il lui faut un modèle vers lequel il puisse se rapprocher au cours de sa métamorphose (illustrée par son arc dramatique). Même si le rôle du mentor est minime, il est néanmoins nécessaire pour décrire la psyché de votre héros.
Il est intéressant de noter que la fonction du mentor (ou de la figure du père) dans une histoire a une forte résonnance dans l’esprit d’un lecteur.

Est-ce que dans les motivations que vous avez fixées pour votre héros, la culpabilité entre-t-elle en ligne de compte ? Ne serait-ce qu’en partie ?