La terreur est une peur extrême, une angoisse profonde, une très forte appréhension saisissant quelqu’un en présence d’un danger réel ou imaginaire. L’horreur serait un violent sentiment d’aversion morale, de dégoût.
Pour nous, auteurs qui souhaitont verser dans le genre horrifique, comment définir l’horreur et la terreur dans nos scénarios.Si l’on fait remonter le genre fantastique au gothique, on s’aperçoit que la littérature fantastique, le roman noir tente de faire surgir l’horreur et la terreur chez le lecteur.
En devenant auteur de fantastique, on est en droit cependant de se poser un certain nombre de questions sur l’horreur et la terreur.
Par exemple, comment exactement la terreur et l’horreur diffèrent ?
Quelles réponses doit-on attendre de l’horreur ? Et de la terreur ?
Que cherche-t-on à atteindre ? une réponse physique comme une révulsion ou plutôt une réponse mentale ? Si l’on s’en tient aux définitions ci-dessus, le gore serait alors une variation de la terreur déterminant une réaction viscérale alors que l’horreur serait plus abstraite, plus apte à créer un questionnement dans l’esprit du lecteur, à solliciter son esprit critique tout en le désorientant.
Un auteur pourrait aussi considérer qu’il ne peut atteindre à la terreur sans passer au préalable par une phase d’horreur. En d’autres termes, il pourrait instiller dans l’âme du lecteur d’abord une horreur comme, par exemple, un personnage possédé par un démon puis ensuite créer le dégoût en montrant les exactions du démon sur le corps de la victime.
La terreur se loge dans le mode opératoire montré dans ses moindres détails alors que l’horreur accompagne l’idée, l’anticipation de la scène d’un meurtre, par exemple. L’horreur peut être aussi la conséquence des événements et pas seulement se produire au cours de leur anticipation.
C’est lorsque le danger est immédiat, présent dans la scène que celle-ci doit jouer avec les codes de la terreur (en particulier, le gore) ou fasciner le lecteur en montrant la violence (un étouffement, le viol, une rage meurtrière…).
Cependant, cette forme de terreur n’est pas obligatoire dans un récit mêlant le fantastique à l’horreur. Une menace peut être suggérée et créer la tension nécessaire (comme quelques manifestations surnaturelles sans incidence immédiate). Le genre fantastique et ses variantes ne sont pas les seuls endroits où l’horreur peut advenir.
Lorsque l’auteur reste dans les limites de la réalité, celle-ci lui fournit assez de motifs et de sujets pour ajouter de l’horreur à son histoire. L’idée consiste donc à faire appel aux peurs les plus communes afin de créer de l’horreur sans sombrer dans la terreur.
Lire à ce sujet :
L’HORREUR EST UN ART TRANSGRESSIF
Il peut être bon de considérer la terreur comme une réponse à ce que nous (ou un personnage) voit et entend et l’horreur comme une réponse à ce que nous (ou un personnage) imagine ou pense. L’horreur peut ainsi être incorporée dans un éventail d’histoires beaucoup plus large. Le sensationnalisme qu’apporte la terreur dans une histoire ne peut être que confiné dans certaines scènes réservées alors que l’horreur peut étendre son ombre maléfique sur une plus grande partie de l’histoire et aidée à communiquer sur le thème. L’horreur intervient par nos peurs les plus enfouies lorsque l’histoire nous permet de les faire remonter à la surface. La terreur serait alors notre réaction face à un déballage chaotique de chairs malmenées.
La terreur est plus appropriée à montrer la haine. L’horreur fait appel plus volontiers à nos peurs et à nos angoisses. La haine est un sentiment puissant qui a besoin de scènes violentes pour communiquer. C’est aussi un sentiment difficile à montrer qui a souvent besoin d’être expliqué avant de pouvoir s’exposer en un déchaînement de violence.
La haine peut aussi servir de motivation à un antagoniste. C’est un matériel intéressant à travailler sur des personnages de cet archétype. Mais même si elle motive le méchant de l’histoire, elle ne libère pas de l’obligation de la montrer pour qu’une nécessaire terreur s’installe (mais cette fois, elle n’est plus diffuse mais ciblée sur un personnage précis).
Le type de menace qu’un auteur décrit joue un rôle important dans une histoire et dans la définition des personnages. Sommairement, deux menaces doivent être distinguées.
Il y a celle qui sont en nous, qui proviennent de notre inconscient comme nos peurs irraisonnées.
Ce sont des menaces contre lesquelles nous devons lutter. Un héros par exemple devra d’abord surmonter ses propres peurs avant de pouvoir atteindre son objectif, sa mission dans l’histoire. Ce sont ces luttes internes qui rendent nos personnages si intéressants. N’hésitez pas à les faire s’affronter avec eux-mêmes. Nous sommes et resterons notre pire ennemi. Vos personnages gagneront en profondeur.
L’autre type de menace provient de l’extérieur. Ce sont les autres ou la société. Les peurs que soulèvent ces menaces extérieures sont davantage à fleur de peau, plus corporelles que mentales et plus susceptibles de soulever de la terreur chez le lecteur.
L’auteur table sur le plaisir que ressent un lecteur face à la peur (surtout par personne ou personnage interposé). On paie pour aller voir un film d’horreur. Ce que doit se demander l’auteur est quel type de plaisir est tiré de la terreur et de l’horreur. Est-ce le même plaisir ? Prends-t-on un plaisir identique à voir du gore ou lorsque le héros ou l’héroïne de votre histoire est menacé par un spectre ?
Il faut que vous considériez le public auquel vous destinez votre histoire. Il ne sera pas le même si vous insistez sur le gore (et donc tentez de produire de la terreur) ou si vous souhaitez errer dans les limbes fantômatiques et titiller des peurs ancestrales en jouant davantage sur les aspects psychologiques de votre histoire.
Finalement, doit-on considérer qu’il y a ambivalence entre la terreur et l’horreur ? Peut-on à la fois désirer la terreur et l’horreur ? Nos motivations et nos réponses aux stimuli sont complexes et impliquent souvent des émotions et des désirs conflictuels. Aristote identifiait d’ailleurs la pitié et la terreur comme réponses du public à la tragédie.
Le lecteur peut donc être à la fois désireux d’horreur et de terreur dans la même histoire. Ce qu’il faudrait alors admettre, c’est de déplacer le débat entre l’horreur et la terreur et se dire qu’après tout, il y a autant un désir d’horreur ou/et de terreur qu’il y a une peur d’expérimenter l’un ou l’autre. L’exploitation de l’horreur ou de la terreur devient alors une question de sensibilité de l’auteur ou s’imposer selon les besoins de l’histoire (on ne se pose plus la question de la pertinence de scènes gores, par exemple).
De même entre la représentation de l’horreur (donc ce qui serait destiné à provoquer la terreur chez le lecteur) ou bien la suggestion d’une menace, d’une peur, laquelle est la plus puissante ?
En fin de compte, tentez de comprendre ce qui vous effraie, ce qui vous terrifie, saisissez l’essence des sentiments et des sensations qui vous agitent dans vos moments de grandes frayeurs, d’angoisses ou bien lorsque vous essayez de raisonner vos peurs irraisonnées.
Travaillez à partir de ce qui vous effraie, vous fait peur. En comprenant votre peur, vous la communiquerez plus aisément.
Voici quelques définitions et déclarations de personnalités pour vous permettre d’orienter vos réflexions lorsque vous aborderez l’horreur dans vos scripts :
“Both involve fear and repulsion, but terror is more immediate, more emotional, and less intellectual. You may be horrified by what your friend tells you but terrified by what you see yourself. . . . Terror is more potent and stimulating and thus the more Gothic emotion.”
Linda Bayer Berenbaum
Tous les deux impliquent de la peur et de la répulsion mais la terreur est plus immédiate, plus émotionnelle et sollicite moins l’intelligence. Vous pourriez être horrifié par ce que votre ami vous raconte mais être terrifié par ce que vous voyez vous-même… La terreur est plus puissante, plus stimulante et ainsi davantage une émotion gothique.
“Terror is the fear that harm will come to oneself. Horror is the emotion one feels in anticipating and witnessing harm coming to others for whom one cares.”
Terry Heller
La terreur est la peur qui nous blesse nous-même. L’horreur est l’émotion que l’on ressent en anticipant et en étant le témoin du mal qui arrive à ceux que l’on aime ou apprécie.
“I’ll try to terrify you first, and if that doesn’t work, I’ll horrify you, and if I can’t make it there, I’ll try to gross you out. I’m not proud.”
Stephen King
J’essaie de vous terrifier d’abord, et si cela ne fonctionne pas, je vous horrifie et si je ne peux pas y arriver non plus, j’essaie de vous traumatiser. Je ne suis pas fier.
“I consider as pure tales of horror all those stories whose main motifs inspire physical repulsion, as opposed to what Blackwood calls ‘spiritual terror’. The feeling these [horror] tales produce is one of loathing and disgust, rather than true terror and awe.”
Peter Penzoldt
Je considère comme pures contes d’horreur, toutes ces histoires dont les motifs principaux inspirent une répulsion physique et que j’oppose à ce que Blackwood appelle spiritual terror (une terreur spirituelle). Le sentiment que ces contes d’horreur produisent est un sentiment de répugnance et de dégoût plutôt que de terreur vraie et d’effroi.
A noter que le terme awe peut aussi être traduit par admiration ce qui laisserait à penser que l’horreur et la terreur sont aussi des moyens de fascination.
“Terror is not merely a syndrome of delusions. . . but rather the subjective mirroring of an objective state. Reality is alien, menacing, whether the footsteps heard upon the secret passageway be real or imaginary. It is the discovery that evil is constitutive of reality, that it can never be reduced to a hallucinatory fantasy or to a form of social pathology that renders the Gothic Romance so ultimately sinister–even lurid.”
Robert L. Platzner
La terreur n’est pas seulement un syndrome de délires… mais plutôt le reflet subjectif d’un état objectif. La réalité peut être étrange, menaçante si les pas entendus dans ce passage secret sont réels ou imaginaires. C’est la découverte que le mal est constitutif de la réalité, qu’il ne peut jamais être réduit à un fantasme hallucinatoire ou à une forme de pathologie sociale qui rend le roman gothique si sinistre – même malsain.
Ann Radcliffe“Terror and Horror are so far opposite that the first expands the soul, and awakens the faculties to a high degree of life; the other contracts, freezes and nearly annihilates them …. And where lies the differentce between horror and terror, but in the uncertainty and obscurity that accompany the first, respecting the dreading evil?”
Ann Radcliffe
La terreur et l’horreur sont si opposées que la première accroît l’âme et réveille les capacités à un haut niveau de vie ; l’autre les contracte, les gèle, les annihile presque… Et où se situe la différence entre l’horreur et la terreur autre que dans l’incertitude (Tzvetan Todorov parle d’hésitation) et l’obscurité qui accompagne la première, respectant le mal néfaste ?
H.P Lovecraft New England Decadent de Barton Levi St. Armand“Terror expands the soul outward; it leads us to or engulfs us in the sublime, the immense, the cosmic. We are, as it were, lost in the ocean of fear or plunged directly into it, drowning of our dread. What we lose is the sense of self. That feeling of ‘awe’ which traditionally accompanies intimations of the sublime, links terror with experiences that are basically religious in nature, like those annihilating confrontations with the numinous that Otto explores in The Idea of the Holy. . . . horror is equally annihilating, but from a dramatically different direction. Horror overtakes the soul from the inside; consciousness shrinks or withers form within, and the self is not flung into the exterior ocean of awe but sinks in its own bloodstream, choked by the alien salts of its inescapable prevertebrate heritage.”
Barton Levi St Armand
La terreur ouvre l’âme en grand ; elle nous mène ou nous submerge dans le sublime, l’incommensurable, le cosmique. Nous sommes, pour ainsi dire, perdu dans un océan de peur ou directement immergé en lui, nous noyant dans notre frayeur. Ce que nous perdons est le sentiment de soi.
Ce sentiment d’effroi, lequel accompagne traditionnellement les allusions au sublime, lie la terreur avec des expériences qui sont fondamentalement religieuses par nature, comme celles annihilant les confrontations avec le numineux que Rudolf Otto explore dans The Idea of the Holy…
L’horreur annihile également, mais à partir d’une direction dramatiquement différente. L’horreur prend le dessus sur l’âme de l’intérieur ; la conscience se rétrécit ou se fane de l’intérieur et le soi n’est pas jeté dans l’océan d’effroi mais sombre dans son propre flux, étouffé par les sels de son inéluctable héritage pré-vertébré.
Barton Levi St Armand reprend l’idée d’annihilation des émotions de Ann Radcliffe mais détaille plus avant la manière dont cette annihilation se produit.
“Horror and fear, although of the same family and often mistaken for each other, are not identical. Unlike fear, which can be of long duration, horror is necessarily climactic in effect. The mind can stand only so much, then its protecting agencies quickly come to their rescue and benumb the nerves. Thus it will be seen that horror transcends fear and is even more powerful. The word has been used too loosely. There is no horror, for instance, about a corpse, no matter how unpleasant it may look. Nothing substantial can be truly horrible; it may, by some odd quirk of association, inspire horror, but horror itself can be found only within ourselves. It is rooted in the imagination rather than in anything in the external world.”
Philip Van Doren Stern
L’horreur et la peur, bien que de la même famille et souvent confondue l’une avec l’autre, ne sont pas identiques. Contrairement à la peur, laquelle peut s’étendre en durée, l’horreur est nécessairement un effet culminant. L’esprit peut résister jusqu’à un certain point, puis ses instances de protection viennent rapidement à son secours et anesthésient les nerfs. Ainsi, il sera vu que l’horreur transcende la peur et est même plus puissante. Le mot a été trop utilisé à la légère. Il n’y a pas d’horreur, par exemple, à propos d’un cadavre, aussi déplaisant qu’il puisse être. Rien d’important ne peut être vraiment horrible ; cela peut, par quelques bizarres associations, inspirer de l’horreur, mais l’horreur elle-même ne peut être trouvée qu’à l’intérieur de nous-mêmes. Elle est ancrée dans l’imagination plutôt que dans quelque chose du monde extérieur.
“The Gothic romance seeks to create an atmosphere of dread by combining terror with horror and mystery. Terror suggests the frenzy of physical and mental fear of pain, dismemberment, and death. Horror suggests the perception of something evil or morally repellent. Mystery suggests something beyond this, the perception of a world that stretches away beyond the range of human intelligence–often morally incomprehensible–and thereby productive of a nameless apprehension that may be called religious dread in the face of the wholly other. When in Gothic literature this sense of mystery is joined with terror or horror, the effects of each expand beyond ordinary fear or repugnance.”
G. Richard Thompson
Le roman gothique cherche à créer une atmosphère d’effroi en combinant la terreur avec l’horreur et le mystère. La terreur suggère une frénésie physique et mentale de peur de la douleur, de la mutilation et de la mort. L’horreur suggère la perception de quelque chose de mauvais ou moralement répugnant. Le mystère suggère quelque chose au-delà de celà, la perception d’un monde qui s’étire au-delà de la portée de l’intelligence humaine – souvent moralement incompréhensible – et par là productif d’une appréhension indéfinissable qui peut être appelée terreur religieuse en présence du tout autre. Lorsque, dans la littérature gothique, ce sentiment de mystère est joint à la terreur ou à l’horreur, leurs effets s’étendent au-delà d’une répugnance ou d’une peur ordinaires.
Devendra P. Varma« Terror creates an intangible atmosphere of spiritual psychic dread, a certain superstitions shudder at the other world. Horror resorts to a ruder presentation of the macabre: by an exact portrayal of the physically horrible and revolving, against a far more terrible background of spiritual gloom and despair. Horror appeals to sheer dread and repulsion, by brooding upon the gloomy and the sinister, and lacerates the nerves by establishing actual cutaneous contact with the supernatural.”
Devendra P. Varma
La terreur crée une atmosphère intangible d’effroi spirituel psychique, une sorte de frissonnement superstitieux envers l’autre monde. L’horreur ressort à une présentation plus rude du macabre : par une illustration exacte du physiquement horrible et révulsant, de nouveau un bien plus terrible arrière-plan de désespérance et morosité spirituelles. L’horreur en appelle à une répulsion et un effroi purs, en couvant sur le lugubre et le sinistre et lacérant les nerfs en établissant un contact cutané véritable avec le surnaturel.
Devendra P. Varma emploie le terme gloom qui est à rapprocher de obscurity qu’utilise Ann Radcliffe. Nous pensons ainsi que l’aspect sombre de notre âme, le rapport de celle-ci avec les ténèbres est alors mis en avant ainsi que la tonalité morose que prend notre âme dans cette situation.
« Terror is a response to physical danger only, horror is fear of the supernatural. »
Dennis Wheatly
La terreur est la réponse à un danger physique seulement, l’horreur est la peur du surnaturel.