[Direct-to-Vidéo] Ruth & Alex, regard équilibré de deux vieux amants sur une société déséquilibrée

Publié le 07 décembre 2015 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Essentiellement réalisateur pour la télévision, Richard Loncraine signe avec Ruth & Alex, une petite comédie romantique non dénuée de charme, taillée pour le marché de la vidéo. Avec un tel casting, Diane Keaton et Morgan Freeman comme héros du quotidien, on pouvait s’attendre à un résultat à la hauteur. Les frimousses sur la jaquette du DVD, sorti le 14 octobre 2015 chez M6, sont rehaussés de leur fait de gloire oscarisés, une pratique commerciale que l’on condamne ouvertement comme une tromperie sur la marchandise car ce n’est pas pour ce film qu’ils ont été récompensé. Malgré tout, le film est une agréable tranche de vie à partager.

Ruth (Diane Keaton) & Alex (Morgan Freeman que l’on a vu dans Transcendance et Lucy), deux septuagénaires vivant à Brooklyn depuis leurs vingts ans forment un couple épanoui. Malheureusement, pour Alex, les étages à monter sont de plus en plus pénibles et ils espèrent, bien que l’hypothèse du changement les troublent, pouvoir déménager.

Ruth Carter (Diane Keaton) & Alex Carter (Morgan Freeman)

Ruth & Alex est avant tout une romance à rebrousse-poil. Là où les scénaristes se contentent généralement de suivre une trame convenue composée d’une rencontre, d’une rupture et de retrouvailles, Charlie Peters a envisagé l’histoire par sa fin, en l’agrémentant de retour en arrière touchants et opportuns. Le procédé, plus usuels dans le polar ou l’anticipation, trouve ici toute sa place. C’est un couple vieillissant mais solide que l’on nous présente avec beaucoup d’empathie. Ce qui est un véritable plaisir tant on aurait plutôt tendance à nous vendre le mariage comme une formule créatrice d’aigreur. C’est toujours le regard empli de tendresse d’Alex qui nous emmène vers le passé pour appréhender un court mais toujours beau moment avec les deux amants lorsqu’ils furent plus jeunes. C’est une belle matière de montrer la consistance et la perdurance de leurs sentiments. Lily Portman (Cynthia Nixon)

Ce couple vit dans un quartier que la mode bourgeois-bohème a transformé en un lieu huppé, accélérant sa gentrification. Installés alors que Brooklyn était un quartier populaire, ils ont vu s’installer peu à peu, la classe moyenne des beaux quartiers à la recherche d’espace, d’authenticité, quittant sa banlieue pour se rapprocher du centre-ville. C’est sans amertume qu’Alex évoque ces changements mais ses souvenirs sont autant d’instantanés politiques sur l’Amérique d’antan et celui d’aujourd’hui. Les réminiscences de leurs vies passent par la défiance à l’égard d’un couple unissant un noir et une blanche à une époque où nombre d’États américains l’interdisait encore. Un combat qui fait écho à celui, actuel, de la communauté LGBT pour changer les mentalités. A la télé défile la traque d’un jeune homme dont on ne connaitra pas l’innocence ou la culpabilité mais dont les médias ont déjà décidé en fonction de son origine sémite. Ruth & Alex revêt également un message important sur l’art contemporain, où plutôt sur la gestion qu’en font les galeries d’art. C’est une condamnation sans appel de la financiarisation de l’art en dépit de l’art lui-même et du respect des artistes. Ruth Carver (Diane Keaton)

Émouvante histoire d’un couple uni jusqu’à la mort, ayant trouvé l’équilibre indispensable, Ruth & Alex ne se prive pas, avec une certaine sagesse autorisée par l’âge canonique du couple, à les faire parler de l’état d’une société, pour le coup, pas si équilibrée que ça.

Boeringer Rémy

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