L'Emploi du Temps (Puits de ténèbres)

emploi du temps

Genre: drame 
Année: 2001
Durée: 2h12

L'histoire : Vincent, consultant en entreprise, est licencié. Il décide de le cacher à son entourage et à sa famille en s'inventant un nouvel emploi du temps à Genève. Contraint non seulement de trouver coûte que coûte de l'argent, mais aussi d'étayer chaque jour davantage la fiction de son emploi, Vincent tombe dans son propre piège. Mentir à ses proches devient alors une occupation à plein temps.   

La critique :

Jean-Claude Romand, un nom tristement célèbre. Ce père de famille sans histoire, médecin et chercheur à l'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.), assassine froidement sa femme, ses deux enfants et ses parents en 1993. Hélas, toute cette vie n'est qu'un leurre, une échappatoire comme une autre pour fuir une réalité trop lourde à porter. Cette sinistre affaire va tout d'abord inspirer la littérature, avec un roman, L'Adversaire, puis le cinéma, avec un film homonyme réalisé par Nicole Garcia et avec Daniel Auteuil en 2002. Un an plus tôt, un autre film, L'Emploi du Temps, de Laurent Cantet, s'empare de ce terrible fait divers. La distribution du long-métrage réunit Aurélien Recoing, Karin Viard, Serge Livrozet et Jean-Pierre Mangeot. Autant le dire tout de suite : L'Emploi du Temps se démarque totalement de L'Adversaire.

Certes, on connaît davantage le film de Nicole Garcia. Néanmoins, celui de Laurent Cantet se distingue par une autre vision de ce personnage mythomane, claustré dans ses mensonges. Attention, SPOILERS ! Vincent (Aurélien Recoing), consultant en entreprise, est licencié. Il décide de le cacher à son entourage et à sa famille en s'inventant un nouvel emploi du temps à Genève. 
Contraint non seulement de trouver coûte que coûte de l'argent, mais aussi d'étayer chaque jour davantage la fiction de son emploi, Vincent tombe dans son propre piège. Mentir à ses proches devient alors une occupation à plein temps. En l'occurrence, Laurent Cantet s'écarte du fait divers. Jean-Claude Romand devient Vincent. Il n'est plus médecin ni chercheur, mais consultant en entreprise (Je renvoie au synopsis).

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Par conséquent, L'Emploi du Temps n'est pas vraiment une adaptation du roman original, encore moins du récit de Jean-Claure Romand. Evidemment, ce psychopathe fallacieux, séditieux, stoïque et impassible (tout du moins en apparence) traverse le film de son ombre malfaisante. Mais l'essentiel du film ne repose pas vraiment sur ce tableau psychiatrique inextricable et ineffable.
Superbe Aurélien Recoing, totalement investi dans son personnage, un quarantenaire à la dérive qui s'enlise peu à peu dans le mensonge. Sa voix-off, tel un monologue intériorisé, commente ses tribulations, plutôt lénifiantes dans un premier temps. Alors que son entourage le croit au travail, Vincent arpente les chambres d'hôtel en déshérence. Pour occuper son temps, il conduit sa voiture à longueur de journée et lit des journeaux dans son véhicule.

Parallèlement, il doit impérativement trouver de l'argent pour subvenir aux besoins de sa famille. L'étau se resserre. Vincent extorque de l'argent à des connaissances. Ses mensonges se transforment alors en prêts bancaires fictifs. Candides, ses amis fonctionnent dans ses combines sans le soupçonner le moins du monde. Evidemment, peu à peu, cette mécanique tortueuse va se retourner contre lui.
Pourtant, lors d'une nouvelle escapade dans un hôtel, Vincent rencontre un autre interlope, Philippe, spécialisé dans les petits trafics. Séduit à la fois par la personnalité et le désarroi de Vincent, Philippe l'entraîne dans de nouvelles péripéties frauduleuses. Le corset continue de se refermer, invariablement. Entrenir l'illusion et la spirale de la mythomanie.

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Telle est la mécanique mentale et irréfragable de Vincent, ce quarantenaire lambda, cadenassé dans ses propres piperies. De retour chez lui, l'homme ventripotent est insoupçonnable. Bon père de famille, amoureux de sa femme et soucieux de la bonne santé de ses parents. Mais ce visage angélique cache une autre impasse, imperceptible, indicible et qui se mure dans le silence.
Sur ce dernier point, Aurélien Recoing livre une prestation qui confine à la folie générale, une sorte d'hystérie contenue mais terrifiante. A l'image du plan final du film. La caméra de Laurent Cantet se focalise sur le visage de Vincent, tout d'abord affable et magnanime envers son nouvel employeur, pour ensuite esquisser quelques mimiques et remuements faciaux, laissant deviner toutes ses failles encore une fois impénétrables.

A travers L'Emploi du Temps, Laurent Cantet propose finalement un long périple platonicien dans les gouffres de son personnage principal, et plus précisément dans une grotte obombrée de mensonges. Hélas, les lumières de la réalité extérieure ne vont pas tarder à ressurgir sur les parois pariétales de cette caverne isolée du monde. Perclus dans un puits de ténèbres, Vincent semble condamné à vivre et à se perdre dans cette sorte d'autoscopie mentale. 
L'Emploi du Temps, c'est aussi ce portrait d'homme moderne, confiné dans ses rugosités, sa propre mort sociale, familiale et professionnelle. Par certains aspects, L'Emploi du Temps n'est pas sans rappeler Le Couperet de Costa-Gavras, un autre film sur ce marasme à la fois humain et économique. Le quotidien de Vincent devient une sorte de grisaille incoercible, une fiction monotone qui se noie de chimères. Même face à la suspicion, au doute et aux invectives, Vincent continuera de porter le lourd fardeau de ses affabulations.

Note : 16.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver