LES COWBOYS : essentiel et fort ! ★★★★★

Par Le Cinéphile Anonyme @CinephilAnonyme

François Damien face à Finnegan Oldfield dans un film puissant et tellement pertinent.

En 1994, Alain (François Damiens) voit sa fille, Kelly (Illiana Zabeth), 16 ans, disparaître avec son petit copain musulman. Interrogées par les parents de la jeune fille, ses copines révèlent alors à Alain et sa femme (Agathe Dronne) tout un pan de la vie de Kelly qui leur était jusqu’ ici inconnu : conversion à l’islam, cours d’arabe, mensonges, etc… Une quête longue et désespérée commence alors pour Alain et son fils, « Kid » (Finnegan Oldfield), qui les mènera dans de nombreux pays. La recherche de Kelly se poursuivra ensuite dans la vie d’adulte de Kid.

La séquence d’ouverture des Cowboys, joyeuse, dynamique et insouciante, tranche avec le reste du film. La famille baigne dans la culture country (d’où, en partie, le nom du film), mais tout bascule, laissant les parents dans l’angoisse, l’incompréhension et la rage. Le choix de l’adolescente nous prend aux tripes et ébranle personnages et spectateurs. La fugue est assumée et préparée. Embrigadement ? Manipulation par un méchant salaphiste ? Le scénario des Cowboys évite tous les écueils, jouant avec beaucoup de subtilité sur l’actualité tout en proposant ici un « cas » éloigné des clichés actuels. Surtout, la réalisation tient à montrer le point de vue des parents du garçon, eux-mêmes musulmans, qui souffrent, tout autant qu’Alain et sa femme, de l’absence de leur fils. Le désœuvrement est total, pour tous, dans toutes les directions. La mise en scène montre tous les aspects, personnels ou bureaucratiques de la quête sans relâche que mène Alain. Ainsi le point de vue s’élargit, nous laisse libre de notre opinion.

La photographie du film change régulièrement, suivant dans ses pérégrinations les deux hommes, tantôt mobile, tantôt fixe, notamment lorsque les personnages sortent du territoire français. Le dynamisme de l’image captive notre attention, capte de magnifiques paysages orientaux ou le chaos de l’Europe du Nord dans la grisaille. Si le script parfaitement maîtrisé des Cowboys rend le spectateur intellectuellement actif, c’est bien par ses deux interprètes masculins qu’il marquera également les esprits. François Damiens, tout en puissance, développe un charisme inédit dans le rôle de ce père, entre rage contenue et éclats de colère désespérée. Un seul regard suffit pour faire passer ces sentiments mêlés. Un seul regard de l’acteur nous transperce. L’acteur belge confirme son énorme potentiel dramatique. Par sa retenue et son animalité, il trouve là un grand rôle, pierre angulaire du film. Son jeune partenaire, Finnegan Oldfield, crée un parfait équilibre au duo, incarnant tout en nuances le point de vue raisonnable du spectateur. Il est alors facile de comprendre les réactions parfois brutales du père à travers le regard de cet acteur dont le jeu pondéré nous guide sur le chemin de la raison.  On assiste dans un premier temps à l’explosion du père puis dans la seconde partie du film à l’éclosion du fils. La double identification du spectateur fonctionne parfaitement. Sur de sombres notes de contrebasse, le long-métrage se termine, ferme subtilement une boucle où la vie finit par prendre le dessus. Les Cowboys, véritable road movie moderne, ne laisse pas indemne.

La Cinéphile Éclectique (http://carnetscritiques.over-blog.com/)

Réalisé par Thomas Bidegain avec François Damiens, Finnegan Oldfield

Sortie le 25 novembre 2015.