[Avant-Première] Arrêtez-moi là, l’erreur est humaine

Publié le 13 décembre 2015 par Rémy Boeringer @eltcherillo

Gilles Bannier, le réalisateur de la saison 2 de Tunnel, fait ses premiers pas au cinéma avec un très honorable polar sur fond d’erreur judiciaire. Il retrouve Reda Kateb pour Arrêtez-moi là, avec qui il avait déjà travaillé sur la série Engrenage. Nous avons pu assister à l’avant-première du film qui sortira le 6 janvier 2016, en présence des deux artistes, disponibles, chaleureux et éclairant le long-métrage. Le duo réussit à donner un nouvel élan à ce thème traité et retraité un grand nombre de fois sur grand écran.

Samson Cazalet (Reda Kateb que l’on a vu dans Lost River et La résistance de l’air), chauffeur de taxi niçois introverti, mène une existence paisible au côté de sa compagne Elisabeth Ostrovsky (Erika Sainte) avec qui il hésite à s’installer. Un jour, il prend en charge une cliente charmante, Louise Lablache (Léa Drucker) jusqu’à Grasse. Le lendemain matin, deux inspecteurs (Luc-Antoine Diqueiro et Quentin Baillot) sonne chez lui pour l’écouter comme témoin. La fille de Louise, Mélanie (Thémis Pauwels) a disparu. Louise Lablache (Léa Drucker) et Samson Cazalet (Reda Kateb)

La présence de Reda Kateb est en soi un gage de qualité. Révélé dans Un prophète, l’homme a fait la preuve qu’il savait y faire dans la mélancolie. A lui tout seul, Kateb, c’est une atmosphère bien particulière qui envahie la pellicule. Dans La résistance de l’air, où il prenait le rôle d’un amateur de tir embringué dans une angoissante affaire de banditisme ou bien dans Lost River, où il incarnait de manière prémonitoire, un chauffeur de taxi, l’acteur réjouit toujours par une présence hors-pair. Arrêtez-moi là n’échappe pas à la règle. Samson Cazalet n’a rien d’un héros, c’est un type ordinaire dépassé par les événements. Kateb le campe comme un homme profondément refermé sur son monde intérieur, d’une quiétude saisissante au milieu de la tourmente, aussi révolté par la situation que résigné devant son sort. L’ensemble des personnages traditionels du style sont d’ailleurs traités de manière similaires par Gilles Bannier. Luc-Antoine Diqueiro, Quentin Baillot et Reda Kateb

C’est ici que s’exprime le traitement originale de cette histoire déjà vue, lui donnant un cachet fort agréable, rehaussé par une interprétation parfaite. Gilles Bannier explique à l’auditoire qu’il a voulu, non pas dénoncer un système judiciaire qui serait caduc mais lui insuffler un souffle d’humanité, y compris dans l’erreur. Pas question donc de prendre ses personnages en otage de représentation trop usitées. Les flics, dont c’est la première enquête pêchent par incompétence mais nous n’assistons à aucun passage à tabac. L’avocat, commis d’office, se retrouve pour la première fois devant un cours d’assise, chose à laquelle il n’est pas préparé. Avec ses états d’âmes et une inquiétude oscillant entre la peur de mal faire et celle de réussir, n’étant pas sur de l’innocence de son client que tout accable, il peine à prendre de l’assurance. Quant à l’accusé, pris dans des petits mensonges visant à ne pas lui faire perdre sa licence, le voilà embourbé par la suspicion générale. Avec cette galerie de personnage haut en couleur, parfois maladroitement comique, Bannier réussit à peindre un drame qui trouve ces racines dans les apparences et les failles humaines. Samson Cazalet (Reda Kateb) et Maître Portal (Gilles Cohen que l’on a vu dans La dernière leçon)

Arrêtez-moi là est une œuvre sensible, composée avec beaucoup de tendresse envers tous ses protagonistes. Loin d’un film à charge, il fait surgir le rire au milieu du drame, racontant là une histoire plus proche de nous, plus intuitive. Quant à la vérité judiciaire, ce n’est pas tant que la justice est aveugle, semble nous dire Bannier, mais que l’erreur est humaine.

Boeringer Rémy

Pour voir la bande-annonce :