John truby : les 7 etapes cles d’une histoire (3)

Pour John Truby, la structure d’une histoire se décompose en au moins 7 étapes.
Continuons notre étude des étapes 5 à 7.

A lire :
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (2)

Etape 5 : Le combat

 Tout le temps de l’intrigue, le héros et l’opposant s’engagent dans une confrontation de coups et de contrecoups pour remporter l’objectif. John Truby emploie spécifiquement le terme opponent (opposant) car bien qu’une notion d’adversaire soit présente dans ce concept d’opposition, l’antagoniste d’une histoire n’est pas nécessairement un ennemi du héros. Ils sont en compétition pour un même objectif mais cela ne fait pas d’eux des ennemis haineux. La situation s’échauffe jusqu’à la confrontation finale entre le héros et l’opposant dont l’issue détermine qui des deux a remporté l’objectif.
La description de cet ultime combat entre ces deux personnages se nomme structurellement le climax.
Ce climax peut être un déchaînement de violence tout autant qu’une confrontation verbale.
Par exemple, Ulysse tue les prétendants qui ont tourmenté sa femme. Dans Chinatown, Evelyn est tuée par un policier, Noah Cross s’échappe avec la fille d’Evelyn et Gittes reste seul, désespéré.

Etape 6 : La révélation de soi

Le combat (ou climax) est une expérience intense et douloureuse pour le héros de votre histoire. Le climax n’est pas seulement un déferlement d’images spectaculaires ni seulement une réponse à la question centrale qu’a posée l’histoire (généralement, le lecteur se demande si le héros va s’en sortir à la fin mais d’autres questions pourraient aussi avoir été soulevées et résolues au cours du climax).

Ce qui fait la qualité d’une bonne histoire, c’est que le personnage principal découvrira quelque chose sur lui-même. Cette phase de découverte est tout comme la définition du besoin et doit porter sur deux formes : sur le plan psychologique et sur le plan moral.

Du point de vue psychologique, le personnage doit se débarrasser de la façade derrière laquelle il s’est caché toute sa vie. Il lui faut atteindre sa vraie nature, se voir lui-même tel qu’il est. Cela ne se fait pas naturellement, ni facilement. Dans les faits, les tribulations que va vivre le héros au cours de son aventure seront autant de leçons apprises qui doivent lui permettre de comprendre qui il est vraiment. Cette révélation est l’acte le plus courageux que fera le héros et qui aboutit à une véritable métamorphose de sa personnalité et qui fait de lui un être meilleur qu’il ne l’était au début de l’histoire.
Vous ne devez pas prêcher comme le dit John Truby sur le bien-fondé de cette transformation. Vous ne faites pas un sermon. Ce sont les décisions et les actions de votre personnage couplées à ses tribulations et pérégrinations au cours de l’intrigue qui doivent montrer et seulement montrer comment votre héros a pu aboutir à une telle révélation sur lui-même. Vous suggérez au lecteur cette introspection, cette lucidité nouvelle.

Dans Big de Gary Ross et Anne Spielberg, Josh réalise qu’il doit laisser derrière lui Susan, McMillan et cette vie d’adulte qu’il vit comme une imposture pour redevenir l’enfant qu’il était avant que son vœu soit exaucé. Cette révélation est nécessaire pour qu’il puisse s’assumer comme l’adulte qu’il deviendra.

La révélation peut être aussi négative. Devenir meilleur signifie prendre conscience d’une vérité, mais ce n’est pas tant non plus de faire son mea culpa. Dans Chinatown, Jack semble aboutir à la conclusion que non seulement sa vie est inutile mais qu’elle est aussi destructive car une fois de plus, il a blessé quelqu’un qu’il aimait.

Du point de vue moral, du moins si vous avez donné à votre personnage principal un besoin moral, sa révélation devra être morale aussi. Le héros ne doit pas seulement se voir sous un autre jour (ce qui serait une sorte de masturbation intellectuelle pour se prouver à lui-même qu’il est meilleur), il doit aussi agir de façon adéquate envers les autres.
Le héros doit admettre ses tords, reconnaître qu’il a blessé les autres et qu’il doit changer. De nouveau, ce changement passe par les actions morales qu’il prendra à partir de ce moment. C’est en montrant le nouveau comportement du personnage envers les autres que vous suggérerez dans l’esprit du lecteur l’éthique nouvelle et conforme à la vraie nature du personnage.

Dans Tootsie, Michael dit à Julie :
J’étais un homme meilleur avec toi en tant que femme que je ne l’ai jamais été avec une femme en tant qu’homme. Je devais juste apprendre à le faire sans une robe.
Vous noterez que pour éviter cet aspect du sermon d’une telle déclaration, le ton employé est celui de l’intelligence teintée d’humour. C’est la voie qui a été choisi pour faire comprendre au lecteur que Michael avait enfin réalisé ce que cela signifiait d’être un homme.

Sous l’angle structurel ou organique, la révélation est intimement liée au besoin. Le besoin et la révélation décrive l’arc dramatique du personnage (son évolution au cours de l’histoire).
Le besoin est à la source du changement, il initie le changement à venir. La révélation en est le point d’orgue. Le besoin marque l’immaturité du héros au début de l’histoire. Il communique au lecteur ce qui manque au héros pour en faire un être complet. La révélation intervient pour montrer que le héros a atteint cette complétude de son être même si cette connaissance nouvelle le détruit. Si le héros doit expier ses fautes par sa mort, par exemple, seule l’expiation et le pardon sont à retenir car c’est ainsi qu’il est devenu meilleur.
Globalement, la révélation est la somme de tout ce qu’a appris le héros au cours de son aventure et qui va lui permettre dorénavant de vivre une vie meilleure. Si vous nous permettez ce rapprochement avec la Divine Comédie de Dante, chacun de nous vit son enfer. Dante, cependant, et dès le début de la Divine Comédie, montre aussi la voie pour en sortir. C’est ce chemin, ce parcours qu’il faut suivre (« prêt à soutenir cette guerre d’un long parcours »).
Au début de votre histoire, votre héros vit aussi son enfer. Son arc dramatique, les épreuves, les obstacles surmontés ou non sont le parcours qu’il doit suivre pour en sortir.

Etape 7 : Un nouvel équilibre

Lorsque le moment est venu, tout retourne à la normale. Le désir par lequel le scandale est arrivé est éteint. Il y a cependant une différence majeur : le personnage principal de votre histoire n’est plus le même. Un changement fondamental et permanent dans sa personnalité s’est produit.

Notez que si votre genre est la fantastique ou l’horreur (mais non la science-fiction ou le merveilleux & autre fantasy), le retour à la normalité est impossible. Le surnaturel est entré par effraction dans la réalité et a altérée celle-ci d’une manière irréversible.
Dans ce cas, le nouvel équilibre pour le personnage principal est éminemment psychologique dans un univers radicalement modifié. On peut ainsi considéré que ce personnage a fait preuve d’une capacité d’adaptation (liée à ce qu’il a vécu au cours de son aventure).
John Truby distingue la révélation positive qui élève le héros et la révélation négative ou absente (une faille dans la personnalité dont on ne se remet pas). Dans ce cas, le héros est détruit ou devient une sorte d’ange déchu. Nous pensons que cela est un peu binaire. Nous préférons penser que la vraie nature est toujours rencontrée quelque soit la forme ou l’issue de la révélation. Donc le héros même s’il connait un destin cruel ou éprouve une désespérance totale, ceci est aussi un moyen pour lui de sortir de son enfer.

Œdipe par exemple se crève les yeux après avoir appris qu’il a tué son père et commis un inceste : il faut considérer ce geste comme une expiation.
La mort de Maria dans West Side Story est l’expression d’un espoir : il y a un endroit pour nous. Quelque part un endroit pour nous.

Maintenant, c’est à vous de bien comprendre le message sous-jacent que vous souhaitez communiquer et lui donner la forme voulue au cours de ce nouvel équilibre. Cependant, comme dans Conversation Secrète de Francis Ford Coppola où Harry est pris dans un dilemme moral qu’il ne parviendra pas à surmonter, la révélation s’avère en effet très sombre sur le devenir du personnage. Mais peut-être aussi que cette culpabilité caractérise le personnage et qu’elle fasse partie de sa nature. Il n’est un personnage complet que s’il éprouve ce sentiment permanent de culpabilité.

En conclusion de nos trois articles :
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (1)
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (2)

Utilisation des 7 étapes minimum qui organisent votre histoire en une structure cohérente

1) Les Story Events
Pour comprendre la notion de Story Events :
ROBERT McKEE : LES STORY EVENTS
ROBERT McKEE : STORY EVENTS, STORY VALUES ET STRUCTURE
ROBERT McKEE : STORY VALUES

Les 7 étapes sont en germe dans l’idée de l’histoire. C’est la raison pour laquelle John Truby propose de lister un certain nombre d’événements qui pourraient se trouver dans votre histoire. Il part du simple principe que des événements s’imposent d’eux-mêmes à l’imagination avec l’idée.
Nous vous conseillons notre série d’articles sur l’ouvrage de Melanie Anne Phillips :
ECRIVEZ VOTRE ROMAN ETAPE PAR ETAPE
afin de mieux appréhender ce processus d’écriture.

Les Story Events sont habituellement les actions prises par votre héros ou son opposant. John Truby précise qu’il n’y aura aucune obligation à ce que ces toutes premières pensées concrétisées sur le papier se retrouvent dans votre histoire.
De plus, vous n’avez nullement besoin de les détailler très précisément. Il suffit d’écrire en une ligne ce qui se passe dans chaque événement (il rejoint en cela Melanie Anne Phillips qui va cependant plus loin dans l’explication du procédé).
Plus vous listerez d’événements et plus votre histoire prendra forme et les 7 étapes seront plus faciles à organiser. 10 à 15 événements sont une bonne chose, un minimum de 5 est néanmoins requis.

2) L’ordre des événements

Classez vos Story Events dans un ordre chronologique du début à la fin. Ce ne sera peut-être pas l’ordre définitif mais vous aurez une petite idée du développement de votre histoire dans sa durée.

3) Les 7 étapes

Etudiez les Story Events et identifiez les 7 étapes. L’astuce ici est de commencer avec la sixième étape : la révélation et de remonter toutes les étapes jusqu’à imaginer le besoin et le désir de votre héros.

L’avantage de travailler à rebours (qui fonctionne aussi bien avec les personnages, l’intrigue et le thème) est que votre héros et votre histoire ne dévieront pas, ne glisseront pas hors sujet du point d’arrivée qui est la révélation.

La révélation psychologique et morale

Essayez d’imaginer une révélation psychologique ET une révélation morale pour votre personnage. Comprenez bien ce que doit apprendre votre héros au cours de l’aventure (et n’importe quel autre personnage dont l’arc dramatique est développé).
Ce que vous aurez écrit ne doit jamais être figé. Soyez prêt à changer ce matériel durant tout le processus. Des parties surgiront naturellement, d’autres seront plus difficiles à découvrir. Commencez avec ce qui vous semble évident et utilisez ce matériel pour débusquer ce qui l’est moins. Révisez souvent ce que vous avez écrit puisque chaque nouvelle invention jettera un regard nouveau sur votre histoire. Retravaillez le matériel existant le cas échéant.

La faiblesse et le besoin

La faiblesse et le besoin viennent aussi en deux saveurs : psychologique et morale. Le besoin découle de la faille (ou faiblesse) et le besoin et la faiblesse seront induits par votre révélation (psychologique et morale). Vous devez donc imaginer une faiblesse et un besoin psychologiques ET moraux.
Petit rappel : la faille (ou faiblesse) et le besoin psychologiques concernent votre personnage et seulement lui. Une faiblesse et un besoin moraux impliquent la relation du personnage avec les autres personnages.

Dans un premier temps, imaginez autant de faiblesses que possible pour votre personnage. Elles devront être de sérieuses failles dans sa personnalité, profondément enfouies, lui gâchant sa vie. Cherchez du côté de son enfance si une blessure, un trauma ne subsistent pas encore dans son présent.

Le problème

Quel est le problème ou plus globalement, quelle crise tourmente votre protagoniste ? C’est un problème qu’il doit avoir dès le début de l’histoire. Essayez de faire en sorte que cette crise soit une émanation de sa faiblesse, de faire en sorte que c’est parce qu’il a cette faille dans sa personnalité qu’il doit affronter ce problème.
Vous constaterez en règle générale que le méchant de l’histoire appuie toujours là où çà fait mal. Notez comme toutes ces étapes se répondent les unes les autres d’une manière organique : la révélation engendre une faiblesse qui crée un besoin et cette faiblesse dessine le problème que le héros devra résoudre s’il veut atteindre ses objectifs, c’est-à-dire le but extérieur (sa mission en quelque sorte) et le défi intérieur qui consiste à faire de lui un être meilleur en comblant la faille de sa personnalité.

Le désir ou besoin

Il faut que le besoin ou désir du personnage soit très clair dans l’esprit du lecteur. Gardez à l’esprit que c’est par le désir qui motive le personnage que le lecteur comprendra sa faiblesse. Le lecteur n’a pas un accès direct à l’intériorité du personnage. Le besoin exprimé est palpable. Le lecteur s’en empare parce que le besoin force le personnage à prendre un certain nombre de décisions et d’actions pour accomplir son but et le lecteur est témoin des actions.

L’opposant

Pour John Truby, l’opposant veut la même chose que le protagoniste. Pour compléter cette définition, nous vous conseillons de lire :
UN BON ANTAGONISTE
L’ANTAGONISTE – PART 1
L’ANTAGONISTE – PART 2
L’ANTAGONISTE – PART 3
UN ANTAGONISTE PROTEIFORME

Au début du processus d’écriture, vous pourriez avoir quelques doutes sur le personnage le plus apte à jouer le rôle de l’opposant. En vous demandant quel est le conflit le plus tendu qui existe entre le héros et son opposant, vous pouvez vous rapprocher du personnage adéquat.
Vous pouvez suivre aussi les conseils de Melanie Anne Phillips :
ECRIVEZ VOTRE ROMAN ETAPE PAR ETAPE

John Truby précise que cet antagoniste est tout aussi obsédé d’atteindre le but (donc commun aux deux) que le héros. N’oubliez pas que l’opposant est particulièrement habile à blesser le héros en l’atteignant sur son point faible et qu’il ne cessera pas avant que le climax donne la solution de l’histoire.

Le plan

Un principe de la nature humaine veut que l’on commence toujours par le plus facile pour résoudre un problème. Or une histoire, en somme, est un processus de résolution de problèmes tout comme le fait notre cerveau (c’est la théorie avancée par Dramatica).
Les premières épreuves ou obstacles rencontrés par le héros seront donc généralement surmontés. Mais quand la tension augmente, que l’enjeu devient plus vif, les difficultés s’avèrent plus fortes. Le personnage principal s’en sort généralement assez bien lorsque l’intrigue commence vraiment, mais plus celle-ci avance et plus il est susceptible de connaître des échecs.

Un plan consiste pour le héros à faire un certain nombre de choses (des actions) mais il implique aussi qu’il doit être ajuster lorsque cela ne fonctionne pas. Le plan façonne l’intrigue. Il doit être suffisamment travailler pour que l’intrigue (pour un script de long métrage) occupe la moitié de la durée de l’histoire (elle se décompose sommairement entre 25 % pour le premier et le troisième acte et donc 50 % pour le second acte qui est réservé à l’intrigue donc au plan).

Le plan est probablement l’élément dramatique qui va permettre la distinction de votre histoire même si votre thème, par exemple, a déjà été traité (ce qui est probablement le cas).
Considérez une histoire de fantômes. C’est le plan qui fera de votre histoire de fantômes, une histoire unique.

Le combat

C’est le climax, c’est-à-dire ce moment dans votre histoire où votre héros devra affronter seul son problème. Le protagoniste de votre histoire est face à son opposant (dernière étape pour résoudre le problème extérieur). Généralement, avant le climax, le héros a résolu son conflit personnel. Il est admis que si ce problème interne n’est pas solutionné, le climax ne peut avoir lieu car le héros n’est pas prêt à affronter son ennemi (du moins extérieur puisque le seul ennemi de l’homme est lui-même).

Le résultat de cet ultime affrontement décidera qui est le vainqueur (ce n’est pas toujours le héros même si cela arrive très souvent). Ce climax doit être une expérience intense (pour les personnages mais aussi pour le lecteur, ne perdez jamais de vue votre lecteur).
Le climax est l’ultime test pour votre héros.

A la suite du climax (du combat final), un nouvel équilibre s’instaure.

A lire :
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (1)
JOHN TRUBY : LES 7 ETAPES CLES D’UNE HISTOIRE (2)