Elisabeth Vigée est née le 16 avril 1755 à Paris. Placé très tôt chez une nourrice à la campagne par sa famille bourgeoise, elle est récupérée par son père à l’âge de six ans. Celui-ci, peintre de formation, la laisse vagabonder dans son atelier et lui reconnaît un talent précoce. Il l’envoi un temps au couvent pour parfaire son éducation. A l’âge de 11 ans, elle perd son père et par là son premier maître, qui meurt d’une septicémie après avoir avalé une arrête de poisson. Sa mère se remarie avec un joaillier célèbre, Jacques-François Le Sèvre, qui va profiter des talents de la jeune fille pour mettre main basse sur ses premiers cachets. C’est son mariage avec le marchand d’art Jean-Baptiste Lebrun qui va lui permettre d’assurer elle-même sa carrière, son mari faisant fructifier habilement sa côte. Remarquée par Marie-Antoinette, elle devient sa portraitiste officielle et acquière une réputation internationale. Prenant peur lors de la Terreur, elle s’exile et se met au service des cours européenne de Rome à Saint-Pétersbourg en passant par Vienne.
Véritable célébrité en son temps, Elisabeth Vigée Le Brun sera certainement une inconnue pour la plupart de nos lecteurs. Joseph Vernet ou Jean-Baptiste Greuze ont eu une postérité plus grande. Pourtant, la dame a toute sa place aux côtés de ses illustres maîtres. La faute à une histoire de l’art, comme la grande Histoire d’ailleurs, longtemps écrite par des hommes qui ont plus ou moins consciemment passé les femmes aux oubliettes. Comme les vainqueurs écrivent l’Histoire le font les dominants. La vie d’Elisabeth Vigée Le Brun est un voyage dans le temps et l’espace nous invitant à redécouvrir les grands chamboulements de la fin du dix-huitième siècle. Intuitivement féministe sans qu’elle ne le formule réellement, elle fut aussi une fervente admiratrice de la monarchie absolu et de l’Ancien Régime à qui elle devait toute sa carrière. Ainsi, elle dut se battre dans la première partie de sa vie contre les campagnes de dénigrement dont elle fut l’objet de la part de la gente masculine qui voyait d’un mauvais œil son succès grandissant. A une époque où la bonne société bourgeoise et aristocratique n’avait que le portrait pour se rendre immortelle et conserver le souvenir de sa jeunesse ou de sa grandeur, le métier de portraitiste pouvait vous menez loin. C’est sa propension à embellir les visages qui fît son succès. Avec Élisabeth-Sophie Chéron, elle fut l’une des premières (et des seuls femmes) à accéder, par l’entremise de la Reine, à la prestigieuse Académie royale de peinture et de sculpture. Bien qu’on lui daigna le droit de le faire, elle eut l’audace de présenter, plusieurs fois dans sa carrière, des peintures d’Histoire relatant des grands faits historiques ou mythologique.
Inquiétée par l’évolution de la Révolution, menacée car proche de la reine, Elisabeth Vigée Le Brun prit la poudre d’escampette après les journées des 5 et 6 Octobre 1789, où le roi fut escorté sous bonne garde à Paris, suivi par les piques de la Garde nationale au bout desquels se balançait parfois la tête de ses gardes les plus fidèles. Laissant son mari au pays, et emmenant sa fille, elle entreprit de transformer son exil en voyage d’étude. Naturellement, sa première destination fut l’Italie. Elle n’eut pas de mal à y trouver une clientèle fortunée et protectrice. L’Europe des puissants était au fait de sa maîtrise en matière de couleur et d’expression des visages. A Rome, elle s’illustra en refusant de peindre le pape Pie VI dont le protocole exigeait qu’elle le rencontre voilée. Malgré une pétition de plus de deux cents artistes, lancée par son mari, pour qu’elle retrouva la citoyenneté française, elle fut déchu de sa nationalité et inscrite sur la liste des émigrés. En conséquent, suivant les conseils d’amis, elle ira s’installer à Vienne et finira son exil à Saint-Pétersbourg. Un exil long de treize ans qui verra les liens idylliques avec sa fille se distendre. Elle s’était inspirée de son propre autoportrait avec sa fille pour peindre, à des fins de propagande, un portrait de Marie-Antoinette et ses enfants, censé remonter sa popularité après l’affaire du collier. Celle-ci échoua comme ces tentatives de renouer avec sa fille qui finit par mourir d’une maladie vénérienne, après un divorce désastreux et des années de prostitutions. Détestée par Napoléon Ier, dans un sentiment réciproque et vieillissante, elle entreprit d’écrire ses mémoires où elle prit plaisir à se souvenir de ses moments idéalisés auprès des grands de ce monde. Elle fut néanmoins, à la faveur de la Restauration, exposé au Louvre et repris du service auprès des Bourbons. Son salon devint un lieu de rencontre pour une jeune garde d’écrivain parmi lesquelles on compta Alfred de Musset, Alfred de Vigny ou encore François-René de Chateaubriand qui aimait à l’entendre raconter des anecdotes d’un temps révolu qui comblait de joie ses écrivains romantiques.
Agrémenté d’un petit documentaire supplémentaire, Marie-Antoinette de Lorraine-Hasbourg, reine de France et ses enfants de Carlos Franklin, raconté par Clémentine Célarié, qui sorti dans la collection Les petits secrets des grands tableaux nous en apprend un peu plus sur ce tableau de propagande qui avait échoué à faire oublier la défiance populaire envers celle que l’on appelait l’autrichienne, Le fabuleux destin d’Élisabeth Vigée Le Brun, peintre de Marie-Antoinette, en plus de nous plonger dans la vie passionnante de l’artiste est, ma foi, fort bien réalisé. Utilisant les services d’acteurs et d’actrice pour lui donner plus de vie, le documentaire est très agréable à suivre. D’autant plus que les décors dans lesquels ils évoluent passent souvent du réel à la peinture avec une confondante facilité, prouvant le génie et le réalisme des toiles présentées. Nous ne pouvons que conseillé au plus grand nombre de se pencher vers ce docufiction de bien belle facture.
Boeringer Rémy
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