James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion espion américain U-2 qui a été capturé.
Le Pont des Espions – 2 Décembre 2015 – Réalisé par Steven Spielberg
Steven Spielberg a signé bien des films, beaucoup sont désormais des classiques, à jamais gravé dans la culture populaire. Une carrière pléthorique qu'il à toujours mis a profit pour défendre des valeurs d'humanismes qu'il défend à chaque film, tout en interrogeant sur des sujets aussi divers que le racisme, l'esclavage, le terrorisme, la guerre ou encore les dérives sécuritaires américaines. Son dernier film « Lincoln » plein de grâce et de solennité, sonnait presque comme une répétition au « Pont des Espions ». Dans les deux, un personnage souvent seul et au final toujours debout pour concilier les aspirations de chaque camps, si l'un était président, l'autre, avocat de son métier sera le héros d'une histoire qu'il ne pensait vivre …
Le film prend place en pleine Guerre Froide. Un conflit d'un nouveau genre qui a émergé des cendres de la seconde guerre mondiale et qui a vu pendant près de 40 ans (1947/1990), deux blocs idéologiques s'affrontait ! Le monde fut au bord du précipice plus d'une fois; chaque bloc brandissant la menace d'une guerre nucléaire inéluctable, notamment dans la période 58/63 (La seconde crise de Berlin). Un constat terrifiant dut a la terrible course à l'armement que les USA et l'URSS nourrissait de peur que l'autre ne soit encore plus puissant! Au milieu de cela et en corrélation avec cet état de fait, les espions se multiplièrent des deux cotés, avec comme objectif d'éviter un déséquilibre technologique qui serait fatal pour l'un ou l'autre des protagonistes.
C'est ainsi que l'on découvre Francis Gary Powers, le pilote de l'U2 abattu et capturé par les soviétiques. Ainsi que William Fischer, plus connu aussi sous le nom de « Roudolf Ivanowitsch Abel » qui était un espion russe . Un espion aux nombreuses identités qu'il aura usurpé pendant son service Actif. Deux hommes aux services d'un système qui seront les enjeux de ce film en miroir.
Dans le tumulte du quartier Brooklynn vivait un vieux monsieur qui était peintre à ses heures perdues. Une personne discrète et effacée. Du moins c'était ce que l'on pouvait croire au premier coup d’œil. Lors d'une de ses sorties, Rudolf Abel va peindre mais il est très vite prit en filature par des agents du FBI. Malgré tout ce dispositif, Abel réussit à les semer et peint ! Un répit de courte durée car il sera arrêt dans la chambre d’hôtel ou il loge. Rudolf Abel est un espion à la solde de l'U.R.S.S (Union des Républiques Socialistes Soviétiques), un ennemi de l'Amérique. Interrogé, certainement malmené, il ne dit rien et attend tranquillement son procès. Pour le représenter, c'est à James Donovan que l'on fait appel; un avocat spécialisé dans les assurances qui n'a plus connu les joies du pénal depuis un certains temps.
Mais le travail est simple selon son patron car il faut juste veiller a ce que l'espion est un procès équitable. Très vite Donovan s'aperçoit qu'il en sera tout autrement, d'un coté un client impassible et digne, de l'autre la vindicte populaire qui l'a déjà condamné à mort. Et c'est porté par une foi inébranlable en l'humain et en ses institutions qu'il lui évitera le pire, une fierté qui ne lui attire pas que des félicitations. Cependant Donovan n'en a pas fini car quand un pilote américain est détenu par l'URSS, c'est lui qu'on envoie pour négocier sa libération, en échange de Rudolf Abel.
Une histoire que je ne connaissais pas et qui m'a très vite emporté ! Et ce n'était pas gagné d'avance car la seule bande-annonce que j'avais pu voir ne m'avait absolument pas convaincu. Sauf que j'avais omis de prendre en compte qui le réalisé et quand on s'appelle Steven Spielberg cela enlève bien des doutes.
Au départ on doit le scénario du film a Matt Charman qui écrit la première mouture du film. Un scénario avec lequel il démarche Dreamworks. Steven Spielberg le lit et apprécie son travail, souhaitant même réaliser le film. Et alors que le début du tournage est prévu pour Septembre 2014, en Mai les frères Coen (Joel et Ethan) réécrivent le script de Charman. Un choix judicieux qui apporte énormément a l'histoire car cela donnent au récit un soupçon de légèreté et de second degré. Dosé avec parcimonie, elle complète une intrigue en miroir parfaitement maîtrisée.
Si au premier coup d’œil le scénario ne semble pas aller plus loin qu'une simple opposition USA/URSS, il révèle très vite toute sa richesse en exploitant au mieux le bipolarité du monde pendant la guerre froide. Et l'intrigue dans son ensemble se basera sur ça, sur l'opposition ainsi que le reflet entre les diverses situations que contient le film. Cela concerne aussi bien les personnages, Rudolf Abel/Donovan, Rudolf Donovan/Francis Gary Powers, Donovan/Vogel, Donovan/Ambassadeur Soviétique ou encore certaines scènes, comme le plan du début avec le reflet dans le miroir qui répond à l'auto-portrait; le pont de Glienicke et celui de Brooklyn; les deux parties du film ou l'une se passe aux USA l'autre en URSS; les rencontres Donovan/Rudolf Abel et les rencontres de Donovan avec les gens de la CIA dans le petit appartement à Berlin ...
Ou encore les genres auxquels le film fait appel, le film judiciaire dans un premier temps et le film d'espionnage ensuite qui sont complémentaires. Une structure narrative essentielle qui participe activement au développement du personnage principal, qui au grès de ses aventures sera confronté aux deux vues dominantes dans le monde. C'est par le prisme de James B.Donovan que l'on verra le monde tel qu'il est ! Deux camps enfermés dans leurs certitudes, les USA qui se croient tout puissant, qui ne respectent plus les droits de l'homme, qui sont intolérants, ignorants et haineux quand on découvre que les Russes en face ne sont pas les monstres communistes que vend la propagande US et qui s’avèrent être aussi un potentiel interlocuteur pour de possible tractations.
Ce qui m'amène au message porté par le film au travers du personnage de Tom Hanks. De nos jours il est étonnant de trouver encore des films qui se déroulent pendant la Guerre froide car il ne faut pas se mentir on a certainement fait le tour du sujet ! Mais comme Spielberg se plaît a le faire depuis le début de sa carrière, il aime abordé par le prisme des histoires qu'il conte des sujets d'actualités. Ici c'est à travers l'histoire et plus particulièrement de la guerre froide que Spielberg pose un regard lucide mais plein d'espoir sur un monde qui est entrain de redevenir bipolaire. Pendant près de 40 ans, les USA et l'URSS se sont aussi bien affrontés sur des terrains de conflits armés, en s'engagent aux cotés des belligérants en place , que sur le terrain des idées. Un choc de modes de vies qui n'est pas sans rappeler les tensions au niveau mondial entre les occidentaux et les organisations terroristes comme l’État Islamique. Les conséquences pour les populations étant sensiblement similaires, des certitudes se créent des deux cotés et la haine tout comme l'ignorance s'engouffre pour nous faire oublier toute raison. Et James Donovan si il était encore en vie se placerait comme dans le film en un exemple d'un humanisme perdu, de celui que le monde devrait avoir toujours eu. Ou le simple citoyen porté par des valeurs simple, comme le respect de la vie et de l'homme pourrait abattre les frontières et se révéler à l'autre en toute honnêteté, quelque soit la difficulté. Une façon dans les ténèbres de se tenir comme Rudolf Abel « toujours debout ».
Un humanisme qui déborde de générosité et qui s'exprime dans la mise en scène inspiré et propre de Steven Spielberg, ou rien n'est laissé au hasard ! De la direction artistique dirigée par Anja Müller et Marco Bittner, en passant par les décors de Adam Stockhausen, on assiste a une subtile reconstitution des années 60; Brooklynn, la cour suprême, le métro de New York ou encore le Berlin post seconde guerre mondiale. Des décors plus vrais que nature magnifiés si il ne le fallait par le travail de Janusz Kaminski. Ce faisant les décors deviennent partie intégrante de l'histoire contée par Spielberg. Il s'approprie la symbolique des lieux pour parler de son histoire, notamment l'image des ponts, a la fois point d'échange et de discorde ou pour iconiser un homme normal dans une situation qui ne l'était point ! Le montage pris en charge par Michael Kahn, fait en sorte de maintenir un bel équilibre entre les deux parties ou chaque climax se révèle aussi émouvant que tétanisant. Et pour finir la composition musicale de Thomas Newman qui après avoir pris la place de John Williams, elle se révèle être à la hauteur du film.
Quant au casting, il ne pouvait en être autrement que d'avoir l'excellent Tom Hanks dans la peau du personnage principal. Un acteur talentueux, a la tête familière et a l'expression foncièrement sympathique ne pouvait être qu'en empathie avec son public et surtout on pouvait se reconnaître en lui car il ressemble un peu à monsieur tout le monde. Et cela fonctionne du début à la fin ou il joue habilement entre les registres, les tons et les changements de rythmes pour se transcender dans un final étouffant ou l'émotion se mélange à la tension inhérent à la période historique du film. Si Tom Hanks est bon, Mark Rylance lui vole la vedette des qu'ils sont tous les deux à l'écran ! Cet acteur anglais formé à la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Art que l'on retrouvera dans le prochain Spielberg en 2016 joue ici le rôle d'un espion russe. Personnalité discrète voire presque secrète, il est à mille lieux de l'espion communiste comme on peut l'imaginer et Mark Rylance en tire une composition pleine de cœur, de sincérité et d'abnégation avec un soupçon d'autodérision.
Une belle leçon d'humilité et de maîtrise de la part d'un Steven Spielberg plus en forme que jamais.