Quand le cinéma français parle de politique récente, on ne peut que se réjouir car cela est rare et précieux. Le grand aborde la question du pouvoir face à des révoltes qui choisissent d'aller plus loin que la constatation politique. Si la France est une démocratie qui paraît tranquille, enfin pour l'instant, son histoire ancienne et récente est empli d'événements et d'histoires complexes où se mêlent pouvoir, complots et duperie qui méritent d'être racontées. Sur un schéma classique d'initiation Nicolas Pariser s'est inspiré des événements de Tarnac pour écrire le scénario de son film, Tarnac, où des militants d'extrême gauche furent accusés de sabotage d'une ligne de train. Cette affaire mêlée à une possible manipulation fit les gros titres des journaux pendant plusieurs semaines et cela confère au film une authenticité et une crédibilité qui légitiment le sujet de fond de la politique et du militantisme. Le réalisateur-scénariste plonge son héros, Pierre, romancier en panne d'inspiration, tour à tour dans les couloirs feutrés des ministères ou dans les riches cafés du 8eme arrondissement puis dans une utopie, en pleine campagne, dans une communauté anti-capitaliste quasi hippie. Melvil Poupaud incarne parfaitement ce romancier perdu, qui a abandonné ses illusions et est devenu cynique par la force des choses.
Il balancera durant le film entre ce cynisme machiavélique incarne par André Dussollier en ministre manipulateur et la conviction fougueuse incarnée par Clémence Poesy dans le rôle d'une militante lumineuse. Le trio d'acteurs fonctionne très bien mais ne suffit malheureusement pas à faire décoller un film dont on pressentait un potentiel plus fort. Les différents duels que se livrent les personnages marchent bien, que ce soit entre André Dussolier et Melvil Poupaud ou Clémence Poesy et Melvil Poupaud et le sens du dialogue et des formules du réalisateur est très efficace. Mais cela ne suffit pas. La faute à une réalisation axée sur le réalisme et qui pour le coup en devient un peu terne. Ce même réalisme présent en filigrane du scénario entraîne un second problème. L'ensemble des événements qui font avancer l'action ne sont pas assez forts dramaturgiquement pour nous impliquer et nous inquiéter sur le sort de Pierre. Si les enjeux sont intéressants et résonnent en nous par rapport à nos convictions et nos idéaux qui meurent, les péripéties manquent d'ampleur. Les différents milieux sont bien dépeints mais il manque un souffle global a l'histoire. Le choix à faire entre fiction et réalité peut amener deux types de cinéma. Soit on évoque de vraies personnes, de vrais événements et la force que cela entraîne peu suffire à impliquer le spectateur, même si les péripéties sont plus légères. Ici le réalisateur a choisi de créer des personnages et des événements fictifs, et il le spectateur est en attente de péripéties plus riches et plus tragiques. Finalement à l'instar de son héros, romancier intellectuel, Nicolas Pariser nous offre un film écrit avec beaucoup de références qu'elles soient politiques, littéraires ou même cinématographiques mais qui manquent de tripes pour nous embarquer dans cette histoire pourtant prometteuse.
Titre Original: LE GRAND JEURéalisé par: Nicolas Pariser
Genre: Thriller
Sortie le: 16 décembre 2015
Distribué par: Bac Films
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